Voici un extrait du «Bourguignon Presse Info», envoyé à nos familles durant cette mission :
"Le 16 juin 73, au soir, nous avons donc quitté Halifax pour Sydney, en compagnie deux jeunes officiers canadiens, dont un, d’ailleurs, portait le même nom que moi, jusqu'à Québec.
La nuit du 16 au 17 fut assez mouvementée et la journée du 17 ne fit que confirmer les prévisions : nous étions dans le centre d’une dépression.
La mer était déchaînée et le vent froid et humide soufflait à 50 nœuds avec des pointes de 60.
Ce fut au radar que nous avons trouvé et remonté le chenal menant au port de Sydney.
Le premier mouillage ne nous satisfaisant pas et pour cause, nous chassions sur notre ancre.
Suivant les conseils du pilote, nous dûmes mouiller plus près de la côte dans un fond de bonne tenue, où nous avons passé la nuit au quart comme à la mer, prêts à repartir si l’ancre chassait à nouveau.
Monsieur Stasi, ministre des DOM-TOM est arrivé le lendemain matin à bord par le bateau pilote qui avait refusé de l’emmener durant la nuit, du fait de l’état de la mer.
Il était accompagné de membres de son cabinet et de quelques journalistes. Le 18 juin, nous avons repris la mer pour St Pierre et Miquelon, but de notre voyage dans cette région de l’Amérique du Nord.
La journée du 18, nous fûmes quelque peu malmenés par les derniers soubresauts de la dépression mais le médecin veillait, des cachets de «nautamine » dans la poche, prêt à prodiguer ses soins à nos passagers... avec un succès relatif.
La nuit du 18 au 19 fut plus calme, et au matin du 19, le quart de 4 à 8 découvrit les hauteurs de St Pierre et Miquelon.
A 8H00, nous accostions au môle frigorifique dans le minuscule nouveau port de St Pierre.
Sur le quai, un piquet de la gendarmerie rendait les honneurs.
Le Gouverneur et les autorités locales accueillaient le ministre, salué de nos 19 coups de canon de salut, scandés par le maître Le Gall.
Je crois, d’ailleurs, me rappeler que quelques vitres des locaux proches du quai descendirent les uns après les autres, du fait de la déflagration provoquée par les canons de salut de 37.
Le cortège s’est dirigé ensuite vers le monument aux morts où l’attendait une section de l’E.R.
«Le Bourguignon» qui rendait les honneurs.
La journée du ministre se déroula ensuite suivant un programme bien défini, séances de travail, visites, repas officiels…
Le matin du 20 juin, ce fut l’appareillage pour Miquelon, la voisine, où vivait, à l’époque, une population de 621 âmes.
Nous avons mouillé, il était 9H30 ; au même moment, l’embarcation ayant à son bord une section du corps de débarquement sous les ordres de l’EV1 Oribe a fait route vers l’appontement, elle devait rendre les honneurs au monument aux morts.
Après un déjeuner à Miquelon, le ministre des DOM-TOM a quitté ce territoire par avion pour Montréal.
Le Bourguignon appareilla à son tour pour St Pierre, afin d’y déposer le gouverneur et les personnalités.
Il était 17H00 quand nous avons franchi «La Baie», chenal de quelques miles séparant St Pierre de Langlade la Verte.
Notre bref séjour à St Pierre et Miquelon était terminé, nous avons fait route vers Québec, gardant un excellent souvenir de ces français d’Amérique, que nous laissions dans notre sillage."
Au cours de cette mission, nous avons fait escale à Punta Delgada aux Açores à 2 reprises, Hamilton aux Bermudes, Willemstad à Curaçao, Fort de France à 2 reprises, Iles du Salut, Halifax, mouillage devant Sydney et Québec au Canada et St Pierre et Miquelon.
Nous sommes rentrés à Brest le 6 juillet 73.
Je fus débarqué administrativement de ce fier bâtiment, le 3 février 75, pour aller au CFOM fourrier. Ce bâtiment eut la grande gentillesse de me débarquer, directement à domicile, à Cherbourg, avant de repartir en mission Sargasses 1, en compagnie de l’E.R.
«Le Vendéen» de février à mai 75, avec sauf erreur de ma part car je n’y étais plus, des escales à Récife au Brésil, St Martin et St Barthélémy, Trinidad et Tobago, etc...
Je dois avouer que cela me fit un drôle d’effet de le voir quitter le quai de France de Cherbourg, sans moi cette fois, avec les potes qui agitaient les bras sur le pont, après plus de 3 ans de bons et, bien sûr, parfois moins bons, moments passés à bord.
Fort heureusement, avec le temps, on ne retient surtout que les bons moments.
Un seul regret lors de cette dernière escale à Cherbourg, au quai civil, donc sans les problèmes d’accès habituels des arsenaux, et non le moindre : que l’officier de garde du moment m’ait refusé la faveur de pouvoir faire monter mon père à bord afin de lui faire découvrir juste notre poste équipage et le bureau administratif qui étaient notre quotidien pendant ces 3 années car je sais que cela lui aurait fait plaisir, mais bon…
A l'occasion d'autres escales, certains civils, souvent de la gent féminine d'ailleurs, le hasard faisant bien les choses... se sont parfois "égarés" dans les postes et même plus rarement dans les soutes, lors de visites du bord ou cocktails plage arrière...
Il est vrai que le balisage des coursives sur ces bâtiments n'était pas parfait :lol: lors de ces visites en escale.
Ensuite je me souviens avoir reçu une belle carte d'une de ces belles escales de mon ancien et sympathique chef, le SM fourrier Roger Lebris, travaillant aujourd’hui à la Mutuelle de Brest, que je pus lire, avec beaucoup d’envie, un soir, de quart à l’aubette de l’École des Fourriers.
Quand on sait que l’E.R.
«Le Bourguignon» a été désarmé en 76, on peut dire qu’il a fini sa carrière en beauté…, après une fin de carrière, comme beaucoup de ses semblables, bien remplie.
Mes souvenirs sont, bien sûr, celui d'un QM1 célibataire, à l'époque, donc heureux de faire toutes ces escales, même en régime de majorations et pertes au change, pas forcément aussi favorable que le régime des bâtiments stationnaires.
Maintenant, certains de mes camarades, jeunes fiancés ou mariés à l'époque comme le QM2 mécanicien Hérault, par exemple, embarqué avec quelques autres mécanos du Surcouf après le terrible accident qui avait fait une dizaine de victimes, ou dans un autre registre, comme le PM fourrier François Eozenou, provenant d'autres E.R. qui venaient d'effectuer ces mêmes missions dans l'ordre inverse, ne pensaient pas forcément la même chose puisque certains ont mal vécu ces absences répétées du port d'attache de Brest : carénage à Lorient en 71 puis Escadre de l'Atlantique à Brest, CEF à Toulon en 72, chien de garde des SNLE à tour de rôle avec les autres E.R. et E.E. ASM, CASEX répétitifs dans le golfe de Gascogne, bâtiment d'alerte le week-end à Brest et missions successives plus ou moins longues en 72/73/75, avec aucune possibilité de débarquer pour celui qui ne trouvait pas de permettant.
En fait, le quotidien d'une grande partie de ces bâtiments à cette époque.