Le Golo a été donc été remis à la France le 7 novembre 1951
L’entraînement de l’équipage à la manœuvre de ce bâtiment s’est déroulé à San-Diégo dans la foulée.
Le 26 novembre, il était terminé, et puis, jusqu’au 6 décembre, nous eûmes une dizaine de jours de farniente avant le départ pour San-Francisco, là où nous devions bourrer à bloc notre bateau de matériel militaire .
Mais peu avant l’heure d’appareillage, ce matin du 6, il fait mauvais et le commandant est indécis.
Personnellement, petit matelot timonier, je n’y connais rien encore en météorologie, ce n’est que dans six ans que j’apprendrai ce métier ; bien entendu, on ne me demande pas mon point de vue.
Le commandant, l’officier en second et l’officier de manœuvre affecté à bord pour jusqu’à l’arrivée en Indochine, se penchent sur le problème, étudient la question.
Enfin la décision du commandant Lévêque est positive et nous partons.
Il fait un vent fou et une grosse houle de sud-ouest est présente.
Nous sommes sorti bien des fois pendant notre mois d’entraînement mais je n’ai jamais vu un si mauvais temps qu’aujourd’hui; l’hiver approche et les tempêtes aussi.
Sitôt la passe franchie, nous devons prendre en compte un gros roulis qui nous trimballe d’un bord sur l’autre et le Golo semble riper, comme en surf, mais sur le côté, sur les plus grosses lames.
Il est impossible de se déplacer dans le bord sans se cramponner.
Ceux qui ne sont pas de quart restent en bannette et il faut s’y amarrer pour ne pas être viré (chacun est équipé d’une ceinture spéciale).
En prévision, tout a été bien amarré dans le bord, comme on le fait sur tous les bateaux par mauvais temps annoncé et par service, mais il y a toujours des oublis, et tout ce qui a été oublié danse la sarabande et se déplace d’un côté sur l’autre, de tribord à bâbord ; on y remédie bien vite, et le bâtiment peu continuer à rouler tant qu’il veut, plus rien ne bouge.
L’homme de barre a des difficultés pour maintenir le cap car quand le bateau ripe, il tourne le cul ou l’avant et des angles de 25 degrés avec le cap ordonné sont monnaie courante.
Le sillage bien que peu marqué par notre vitesse de 9 nœuds est tout à fait vermicelliforme; on charrie celui qui tient la barre en lui disant qu’il écrit son nom sur l’eau.
Ce mauvais temps durera trois jours et conduira le Golo jusqu’à San-Francisco dont on aperçoit les collines côtières dans la brume matinale au matin de ce 9 décembre.
A 9 heures, nous passons sous le magnifique Golden Gate, qui va de Frisco à Sausalito; bien entendu je n’ai jamais vu un tel pont.
Nous avons bientôt le pénitencier d’Alcatraz par le travers bâbord et la belle ville de San-Francisco de face, toute pentue, toute montueuse, avec ces rues parallèles et rectilignes étonnantes.
Nous allons mouiller quelques heures puis à 16 heures un pilote du port nous conduit à quai, presque sous le second pont qui conduit à l’île Yerba Buena puis à Oakland.
Nous venons à ce quai pour procéder à notre chargement.
Les deux tiers non de service se préparent à aller à terre.
Ah ! pour ça, on a été vite habillé ; on sait que 30 secondes après que le commandant ordonne : terminé pour la barre et les machines, il y a des permissionnaires de prêts.
Mais notre haut-parleur nous informe : le premier tiers, tiers de corvée reste à bord. Pan ! j’en suis !
Pour moi, la sortie est terminée, ce sera pour demain.
A quai, non loin du pont d’Oakland et à quelques pas de Market Street, c’est là que le Golo, par des arrimeurs spécialisés ; va être bourré de matériel, autant dans le hangar que sur le pont et principalement de véhicules, camions de différents modèles et ambulances.
Sur le pont, ce sont principalement des 4X4 qui y sont casés, et dans leurs bennes, on a placé à chacun une remorque les roues en l’air.
Tout cela est fortement arrimé avec des ridoirs accrochés sur le pont afin que rien ne bouge, que rien ne puisse trembler et jouer avec un roulis fort.
Et par la suite rien ne bougera dans ce chargement.
Pendant la traversée qui va suivre, des rondes seront effectuées plusieurs fois par jour, surtout avec le mauvais temps que nous eûmes encore au départ.
Bien entendu quelques ridoirs seront resserrés mais la traversée ne verra aucun incident.
Comme il était impossible de circuler de l’arrière vers l’avant sauf à passer par les coursives latérales qui elles, restaient libres, les arrimeurs nous construisirent une passerelle en bois de toute la longueur du chargement, comme on le faisait pour les autres LST pendant la guerre, et telle que vous pouvez la voir sur la photo ci-dessus.
Cette opération va durer deux bonnes journées et le mercredi 12 décembre, après avoir laissé Alcatraz par tribord cette fois-ci, passé sous le Golden Gate enfoui dans les stratus, le Golo, laissant à sa droite les îles Falleron met le cap au 240, vers Hawaï
Pour tester son chargement, le mauvais temps qui nous avait accompagné ici en venant de San Diègo, est encore là ; il nous attendait à la sortie de la Porte Dorée.
Cette fois-ci nous avons la mer de face, on ne roule plus, on tangue et un LST, bateau sans étrave, souffre face à la lame, il vibre à chaque coup de boutoir.
Mais rien ne bougera nous l’avons dit et au bout de trois jours ce mauvais temps ne sera plus qu’un souvenir.
Ce n’est que dans la nuit du 18 décembre que nous rentrerons dans la zone des alizés après avoir vu les premiers poissons-volants dans la journée du 17.
Et le 20 décembre 1951, le Golo se présente devant la magnifique Oahu, la perle des Hawai, là où il y a tout juste dix ans passés, les Japonais firent un carnage de l’importante flotte des Etats-Unis.
Arrivée du LST Golo à Haiphong avec son chargement le 29 janvier 1951 après une heureuse traversée de 45 jours.
On accoste, l'équipage est au poste de manoeuvre ; l'aussière de pointe avant est en place, le pavillon de Beaupré est hissé.
On envoie maintenant le traversier.
Les pavillons : indicatif international FADC et Code H (pilote à bord), sont hissés.
A quai, devant nous se trouve le Chéliff, sur lequel l'enseigne de vaisseau Martin tire cette photo mémorable.
Dans la barbette de 40 double, l'officier en second, LV Surply.
Penché au-dessus de la rambarde bâbord, le bosco, SM manoeuvre Le Gall
On distingue, parmi les autres, le matelot timonier Pilon à la passerelle navigation.
On remarque un beau coup qui à été donné au bas de la porte bâbord. C'est qu'à l'escale de Guam, accostant face au quai nous l'avions touché un peu violemment.
Photo Denis Martin
André Pilon