Elle le supplie de nous tirer d'affaire.
L'ivrogne casse toutes ses bouteilles sur les animaux qui reculent et prennent une autre direction.
Mais il n'a plus rien à boire, il s'en prend à nous et nous insulte.
Nous croisons sur la route un couple qui détrousse les morts.
Dans un village, anéantis de fatigue, nous dormons dans une grange emplie de monde.
Le couple immonde s'installe près de nous pour la nuit.
Au petit jour, il a disparu, emportant toutes nos affaires.
Maman n'a même plus un lange pour changer Yvette.
Nous n'avons plus de chaussures, nous marchons pieds nus.
Bientôt nos pieds saignent.
Maman nous dit de marcher sur l'herbe, ce qui atténue la souffrance de nos pieds meurtris.
Nous rencontrons à nouveau le couple voleur et détrousseur de morts.
Ils fouillent les cadavres.
Maman indignée leur dit que si les Allemands les voient, ils seront fusillés.
Ils lui répondent par des menaces de mort.
Notre peur est telle que nous obliquons en plein champ pour les éviter.
Nous les revoyons plus loin avec une voiture attelée d'un cheval et chargée de fauteuils et de beaux meubles volés.
Maman n'ose plus rien leur dire.
Un convoi allemand s'arrête pour nous donner des tartines de pain noir beurré.
Nous mangeons nos pommes acides ramassées sous les arbres de la route, ce qui atténue notre soif. On nous dit que les puits et les fontaines sont empoisonnés.
Une vieille femme debout devant sa maisonnette vend à maman un seau d'eau de sa pompe au prix du vin.
Maman a attrapé la jaunisse et Yvette qu'elle allaite est aussi jaune qu'elle.
A l'orée d'un bois des hommes jeunes en cotte bleue sont ficelés aux arbres, leur tête pend d'un coté.
Ils viennent d'être fusillés.
Peut-être des francs tireurs ?
Maman nous dit de ne pas regarder, mais nous passons trop prés pour ne pas les voir.
Dans les champs, toujours des soldats morts reconnaissables à leur culotte rouge et beaucoup de chevaux enflés et couvert de mouches.
Maman dit : Encore un malheureux qui est mort en voulant boire.
Le long des ruisseaux verdoyants des blessés se sont traînés et sont morts la tête dans l'eau en essayant d'étancher leur soif.
La chaleur est torride, rarement un été a été si beau.
Je m'approche d'un soldat mort au bord de la route.
Il est beau, blond, imberbe, grand et fort, il semble dormir face au soleil.
Aucun insecte sur lui, il vient de périr peut-être.
Ses traits resteront gravés en moi.
Dans un village des Ardennes, maman demande à une paysanne si elle peut nous donner à manger.
Elle vient de cuire une grosse marmitée de pommes de terre pour ses cochons.
Dernière édition par bertrand robert fils le Lun 8 Déc 2008 - 20:11, édité 1 fois