Bonjour à tous
J'ai été en service à la DCAN de Diégo Suarez de 1974 à 1975, puis je suis resté au titre de la coopération civile comme assistant technique à la SECREN jusqu'en 1982. Je vais ci après vous donner quelques renseignements sur ce qu'était la DCAN, avant la fermeture le 31 janvier 1975 et la cession de son activité et son outillage à la SECREN (je dis bien la cession à et non la réquisition comme on peut le lire parfois).
La Direction des Constructions et Armes Navales (DCAN) de Diégo-Suarez a été formée en 1947 par le regroupement de la Direction des Constructions Navales, et de la Direction de l'Artillerie Navale. Comme les autres DCAN de France et d'outre mer, elle dépendait administrativement de la Direction Centrale des Constructions Navales, elle même placée sous l'autorité du Chef d'Etat Major de la Marine. A partir de 1965, date de la création de la Direction Générale pour l'Armement (DGA), la DCN, et ses établissements étaient intégrés à la DGA. Ce qui fait qu'à Diégo Suarez, la DCAN était administrativement sous l'autorité de la DGA/DCN, et fonctionnellement au ordre de l'Etat Major de la Marine (Bastradieg). Pour compliquer encore la situation, les infrastructures appartenaient à la Marine et les outillages à la DCN. Pour le bassin de radoub, qui était exploité par la DCAN, le bassin proprement dit, en maçonnerie, était entretenu par la Direction des Travaux Martimes, alors que les bateaux portes, les pompes et les grues étaient du ressort de la DCAN. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?
La mission principale de la DCAN était d'assurer le gros entretien (aujourd'hui on dit le maintien en condition opérationnelle) des bâtiments de la Marine Nationale stationnés en Océan Indien, et la gestion de la documentation, des munitions et des pièces de rechanges pour ces bâtiments.
Pour assurer cette mission la DCAN disposait d'un effectif de plus de 1100 personnes dont une douzaine d'ingénieurs militaires et officiers d'administration, d'une trentaine de cadres civils, et d'une centaine d'ouvriers et chefs d'équipes français provenant des arsenaux de métropole et de près de 1000 personnes recrutées localement. Ces effectifs importants, diversifiés et spécialisés étaient nécessaires pour pouvoir répondre rapidement en cas d'avarie d'un bâtiment. Les moyens dont disposait la DCAN étaient importants; Ils étaient répartis dans des ateliers et bureaux d'une surface totale d'environ 40 000 m²: Ateliers ajustage, usinage et artillerie, ateliers tôlerie et chaudronnerie, ateliers électricité et électronique, ateliers moteurs, garage et fonderie, ateliers bois, menuiserie, maçonnerie, et un service bassin et manutentions. La plannification, la coordination et la sécurité des travaux étaient assurées par les services du chef de chantier. Un bureau d'études entretenait la documentation relative aux bâtiments stationnés, et élaborait les plans des modifications à apporter aux bâtiments et ceux des navires à construire. Le bureau d'études travaillait beaucoup pour la diversification. La DCAN gérait aussi une centrale électrique, pour les besoins de la Marine Nationale, de l'arsenal, mais aussi en concours à la GIRAMA. Une pyrotechnie, installée au lieu dit "Caméléon" ou "Caïman" assurait aussi le stockage, l'entretien, et la délivrance des munitions. Avant d'entrer au bassin, les bâtiments devaient débarquer toutes leurs munitions.
Photo DCN 1971 - Au premier plan la pointe de Caméléon, et devant Cap Diégo, le super Pétrolier Magdala, sur le quel la DCAN a fait des travaux importants de tôlerie durant trois semaines, le navire était mouillé sur ancre. L'ex Tanamasoandro (ex Marlolaine) est échouée dans la baie des amis, près de l'atelier "bois"..
Pour une bonne utilisation des personnels et des outillages la direction de la DCAN avait diversifiée ses activités et sa clientelle.
A cette époque l'activité se répartissait comme suit: 40% militaire, et 60% civile.
La réparation navale à quai et aux bassins représentait environ 80% de l'activité, la construction navale environ 15 % et la diversification environ 5%.
En réparation, le bassin de radoub recevait environ 100 navires chaque année. En général ils passaient une semaine au bassin pour les travaux à sec, et une semaine à flôt, à la souille ou à couple d'un ponton flottant, ou à la darse pour les bâtiments de la Marine Nationale. Souvent les travaux débutaient au port de commerce durant les opérations commerciales.
Les travaux au bassin concernaient: la coque, la peinture des oeuvres vives, la protection cathodique, le gouvernail, les stabilisateurs, les lignes d'arbres, les vannes de coque, les prises d'eau, etc... Les lignes de mouillage (ancres, chaînes et mailles démontables) étaient aussi contrôlées et visitées au fond du bassin. Pour les autres travaux, de mécanique, d'électricité, d'électronique, et sur les armes, ils étaient effectués sur toute la période de l'indisponibilité, ou l'arrêt technique.
A coté du cargo et du caboteur, sont échoués sur les tins latéraux, une citerne et un CHA de la DP. L'un des bateaux portes est échoué sur son poste de carénage
.
Les clients militaires étaient: La Marine Nationale française, la Marine Nationale malagy,et la Marine Royale éthiopienne.
Les clients civils étaient les compagnies de navigation qui desservaient l'Océan Indien: Nouvelle Compagnie Havraise et Péninsulaire (Ville du Havre, Ville de Rouen,Ville de Strasbourg, ville de Bordeaux, etc), Société Malgache de Transports Maritimes (Gasikara, Mananjary), Société Bourdonnaise de Navigation (Bourdonnais), Compagnie Malgache de Navigation (Ville de Tuléar, Ville de Manakara, Kartala, Diégo-Suarez, etc), Société Malgache de Navigation (Ville de Port-Louis, Ville de Curepipe), Société Française de Transports Pétroliers (Artois, Lorraine), Pétromad (Tsimisaraka, Tanio, Notus, Betsiboka, Kintana Caltex, etc ), Société Maritimes Sell (Magdala, Cap d'Ambre,Coelacanthe, etc), Auximad (Mangoky, Manangareza), Société Comorienne de Navigation (El Mabrouk), et de nombreuses autres compagnies.
En construction navale, la DCAN pouvait construire et mettre à l'eau des navires jusqu'à 250 tonnes. En 1974-1975, la DCAN avait construit le Bâtiment de Transport Malgache (Batram) TOKY pour la Marine Nationale Malagasy. Ce navire de 64 mètres de longueur et 800 tonnes de déplacement, était semblable, mais plus petit, que le Batral français. Il avait été construit en trois parties. Les blocs avaient étaient construits sur le terre plein avant d'être mis à l'eau par le slip-way. Le bloc arrière comprenait la machine, les lignes d'arbres, l'appareil à gouverner, et la passelle. Le bloc milieu comprenait la cuve. Le bloc avant comprenait les portes et la rampe. Les trois blocs avaient ensuite été assemblés au bassin. Le bâtiment a été achevé par la SECREN. Il a quitté le service en 1995. Le bâtiment avait les caractéristiques suivantes: Déplacement de 800 tonnes; Dimensions : Longueur 63,70m x largeur 12,50 m x tirant d'eau 1,90 m; Vitesse 13 noeuds, etc .
Pour la diversification, les clients étaient: Les administrations françaises, les administrations malgaches pour des ponts métalliques routiers et des bacs, les compagnies pétrolières pour des réservoirs d'hydrocarbures et des pipe-line, la raffinerie de Tamatave pour des travaux sur de gros matériels et installations, les sucreries de Nosy Be et d'Ambilobe pour des travaux sur les machines durant les arrêts techniques, etc
Dans d'autres prochains reportages, j'évoquerai le bassin de radoub, la cession de l'activité le 31 janvier 1975, la cérémonie de descente définitive du pavillon français à l'Unité Marine le 2 juin 1975, à la tombée de la nuit. L'activité à la SECREN entre 1975 et 1982.
Alain Cloarec