par BONNERUE Daniel Sam 12 Avr 2014 - 18:56
Alors qu'à l'origine (1962) notre fournisseur britannique «Imperial Metal Industries» nous approvisionnait en fil d'alliage de Niobium-Zirconium d'un diamètre de 0,25 mm (0,001') non stabilisé, nous avons fait appel à l'américain «Supercon», pour la fourniture d'un conducteur stabilisé au Cuivre. La stabilisation ayant pour fonction de dériver le courant électrique lors d'un «quench» (retour à l'état résistif) du conducteur afin d'éviter qu'il atteigne sa température de fusion. Mais les résultats obtenus concernant l'intensité du champs magnétique n'étaient pas satisfaisants.
La deuxième phase fut la construction de bobinages à partir de câble en alliage de Niobium-Titane stabilisé avec de l'Indium. La température et le champs magnétique critiques (au-delà desquels il perdait sa supraconductivité) de cet alliage était plus élevés. Sa constitution en forme de câble, c'est-à-dire torsadé, permettait un transfert de courant d'un conducteur dans les autres s'il y avait un déclenchement local d'un quench. A partir de ce moment les résultats obtenus furent bons, à part le fait que l'intensité du champs magnétique engendré, bien qu'étant plus élevé qu'avec le Niobium-Zirconium, ne nous permettait pas encore le niveau d'intensité souhaité en fonction des besoins de certaines expériences de physiques.
La troisième phase fut la mise en œuvre de composés inter-métalliques, tels le Niobium-Étain (Nb-Sn) ou le Vanadium-Gallium (V-Ga). Ces métaux ne pouvaient être alliés du fait, notamment, de leur trop grande différence de température de fusion. Au début nous les recevions sous forme de rubans. Le problème avec ces matériaux était la difficulté de réaliser des conducteurs multi-filamentaires, structure permettant d'avoir les même propriétés que celles des câbles citées plus avant.
Par exemple, pour le Niobium-Étain, il fallait fabriquer des «billettes» constituées d'un tube en Bronze (alliage Cu-Sn) dans le centre duquel il fallait introduire autant de «crayons» en Niobium de section hexagonale que de filaments supraconducteurs souhaités. Il fallait ensuite souder des couvercles pour fermer les billettes et faire le vide à l'intérieur pour éviter l'oxydation lors de la cuisson. La billette était ensuite introduite dans une presse qui l'extrudait en plusieurs fois, avec des recuits intermédiaires, à travers un jeu de filières jusqu'à obtenir un conducteur ayant la section désirée. Ensuite ce conducteur était torsadé afin que les filaments de Niobium aient le pas de torsade souhaité. A ce stade il s'agissait encore d'un conducteur résistif. Le conducteur était ensuite revêtu d'un isolant résistant à de très hautes températures. Enfin, arrivait la réalisation du bobinage qui n'était pas obligatoirement de forme solénoïde, mais avait le plus souvent une forme s'approchant d'une «selle de cheval» allongée. Pour que le bobinage acquière les conditions qui lui permettraient de devenir supraconducteur à très basse température, il fallait lui faire subir un traitement thermique à environ 600° C durant plusieurs dizaines d'heures. Pendant ce traitement, l'Étain contenu dans le Bronze migrait vers la surface des crayons en Niobium pour constituer une couche de composé inter-métallique Nb-Sn de quelques ångströms (10-10 mètres) d'épaisseur, tellement fragile qu'elle n'aurait pas résisté lors du bobinage si le traitement thermique avait été réalisé à priori. L'enveloppe (stabilisatrice) du conducteur, constituée à l'origine de Bronze, était maintenant en Cuivre légèrement allié, puisqu'elle avait perdu en grande partie l'Étain qu'elle contenait.
Lorsque je suis parti en retraite, les recherches pour relever la température critique des supraconducteurs s'orientait vers des matériaux complexes de type céramique, mais dont la transformation en conducteurs filaires bobinables était quasiment impossible.
Les dernières informations qui m'ont été communiquées concernent les recherches faites par un couple de physiciens d'origine russe, installés et travaillant aux Etats-Unis, qui tentent de mettre au point des matériaux non conventionnels multi-couches, n'utilisant pas les composant habituels, mais faisant appel aux nano-technologies, permettant ainsi d'obtenir la supraconductivité (création de «paires de Cooper» d'électrons) à température ambiante, se passant ainsi de la coûteuse cryogénie aux très basse températures