Je repasse, ci après, mon post Sur la 31s Orly, car il s'agit bien d'histoires t de mecae, pour Robert Brand qui fut aussi mécanicien de bord à la 31S. et pour ceux que ça intéressent.
Le 1er janvier 1948 je suis muté à la 31S à Orly.
La joie !!!
L’escadrille 31S appartient en fait à la BAN Les Mureaux qui nous administre.
Nous sommes détachés à Orly, où sur l’aéroport, nous possédons une baraque dite de piste. Le parking de nos avions est fait de plaques métalliques trouées, s’imbriquant les unes dans les autre, d’origine US.
Nos cantonnements sont situés hors de l’aéroport, sur la route qui vient de Paris.
Ils sont constitués d’un ancien hôtel, qui a du être occupé par les Allemands durant la guerre, habité par les officiers mariniers, et de deux baraques en bois, à l’arrière pour les quartiers-maîtres et matelots.
Baraques qui ont du aussi connaître des « troufions » teutons.
C’est l’escadrille ministérielle (à cette époque il y a un ministre de La Marine, plus exactement un secrétaire d’état) qui assure des liaisons avec toutes les unités marine outremer et également avec les forces d’occupation marine en Allemagne (flottille du Rhin). Nos avions, des Junkers 52 pris aux allemands, ou AAC1 « Toucan », des Bloch 161 Languedoc tout neufs et quelques autres appareils, NC701 Siebel, Ventura, vont à Dakar, Alger, Tunis, Casablanca, Friedrichshafen en Allemagne.
Il y a aussi un monomoteur Noralpha, quadriplace, réservé uniquement au ministre (secrétaire d’état à la marine Johannes Dupraz) Pilote : George Max Glover, mécano QM Weinborn).
Quand le ministre vient à Orly, son chauffeur l’amène dans un superbe coupé Delaye 135 Figoni de couleur beige clair, équipé d’un moteur 6 cylindres en ligne, tu parles d’un capot !
Je suis affecté aux visites d’entretien et de réparation des Ju52 où le travail du jeune matelot inexpérimenté que je suis consiste bien souvent à nettoyer des capotages et à remplir de graisse HPF les chapeaux de culbuteurs des moteurs BMW 132Z3, 9 cylindres en étoile, 735 CV, qui équipent ces avions.
Le temps passant on me confie des opérations plus délicates : réglages des jeux de culbuteurs, réglage des magnétos, visites après vol, dépannage en piste, préparation avant vol, etc...
Je suis comblé le jour où, sous la conduite d’un SM, je peux lancer les moteurs et effectuer un point fixe !
En janvier et février il a fait très froid.
Les préparations pour vol commencent parfois dès 4 heures du matin où nous devons dégivrer les avions en aspergeant les gouvernes avec de l’alcool éthylique.
Nous devons aussi réchauffer les moteurs avec de l’air chaud produit par une sorte de lampe à souder, du moins ça fonctionne selon le même principe, montée sur un châssis Citroën U23.
Cet engin me fait peur et à chaque mise en route ; je redoute l’explosion !
Je suis de temps à autre de service à la baraque de piste où je reste seul le soir ou le dimanche.
Hors la surveillance générale, ce service consiste surtout à réceptionner des messages téléphoniques et à aviser les équipages concernés, ceux du Noralpha et du Ventura, en particulier, d’avoir à se tenir prêts aux voyages des notabilités et du ministre.
Les membres de ces équipages doivent impérativement laisser un N° de téléphone où les joindre.
Un soir, vers 23 heures, je reçois un message relayé par Marine Paris cc prévenir : le maître pilote Glover, le maître pilote Nicolas, dit le beau, le second maître radio Nicolas, dit le vilain, (pour ne pas le confondre avec le précédent !) Hors Glover n’a pas laissé de téléphone, que faire ?
Je savais que ce monsieur avait de très nombreuses relations féminines qu’il appelait souvent au téléphone.
Toutes les communications privées étant enregistrées sur un cahier au standard, je cherche le N° le plus souvent appelé.
Au premier appel je tombe sur un monsieur à la voix rogue et je raccroche aussitôt ; au deuxième appel c’est une voix de femme qui me répond, je demande Glover, il est là : Ouf ! Quand je lui dit que j’avais appelé au N° précédent : Oh la la ! Fait il, mais tu t’es bien débrouillé.
Ce maître pilote George (sans S) Max Glover, dont les galons et le pingouin étaient brodés sur sa veste avait des cartes de visite mentionnant : pilote d’aviation navale.
Il portait l’insigne de la R.A.F à la quelle il avait appartenu au cours de la guerre.
On le disait fils d’un médecin général.
Il a été célèbre en son temps.
De vieux pilotes d’Air Calédonie m’ont encore parlé de lui 40 ans plus tard, à Nouméa où j’étais alors à titre civil.
Ce service est très cool et quand je suis seul le soir il m’arrive d’enfourcher la « Harley Davidson », dont seul le pacha se sert de temps à autre, et de faire quelques tours sur les pistes de roulage à l’intérieur de l’aéroport, après avoir débranché le compteur !
Certains font même venir leur petite amie la nuit pour meubler ces temps de garde !
Cela m’est arrivé une fois, je n’avais pas la conscience tranquille et je n’ai pas renouvelé !
Il y a d’autres « cas » à l’escadrille, tel le QM Jourdain de Coutance, marquis dans le civil !
Il est chargé du service transit ; parmi les « grosses légumes » qui utilisent la 31S il y a deux généraux de ses oncles.
C’est un gentil camarade, souvent fauché, sauf quand son notaire lui verse quelque revenu. Alors c’est la fiesta et il invite tous ceux qui veulent le suivre, à Pigalle en particulier où il est très connu, parait il, des petites femmes de Paris !
Si un soir vous décidez de sortir et que vous ne retrouvez plus le col que vous aviez lavé et repassé à cet effet, allez voir Jourdain, il l’a sur le dos et s’excuse de cet emprunt !
Quelques noms qui me reviennent en mémoire : LV de Fleuriau, LV Lequien, OE1 Ducos, PM mecae Lacroix, PM radio Arrivé, PM mécanicien volant Launay, et EV Thiroux de Gervilliers.
Ce dernier m’a collé sur la peau de bouc, pour paroles déplacées à l’égard d’un supérieur, parce que, ayant demandé à un QM de me donner un coup de main pour charger une poubelle dans une camionnette et qu’il avait refusé sous prétexte de son grade, j’avais répondu que pour la corvée de poubelle il n’y avait pas plus de QM que de beurre au cul ! Quand je suis passé au rapport, j’ai eu la très nette impression que l’officier en second était très gêné de me coller une semaine de consigne.
Le 1er octobre 1948 je suis promu quartier maître de 2ème classe.
Je suis très fier de mes deux galons de laine rouge !
Plus intéressant encore, la solde qui est bien maigre le sera un peu moins du fait de ces premiers galons.
Je suis très curieux de ce qui se passe et de ce que je vois sur l’aéroport d’Orly (rien de comparable avec celui d’aujourd’hui !) et de tous ces avions qui viennent de tous les coins du monde.
Mais je rêve toujours d’horizons exotiques.
Je me fais inscrire sur la liste des volontaires pour campagnes lointaines.
Le capitaine de corvette Charles Vaziaga qui commande l’escadrille 31S me parle de Madagascar et me fait désigner pour la BAN Diego Suarez.