LCI 101 (suite 2)
Maintenant, la fête est terminée. Nous montons rejoindre notre secteur, direction Chau-Doc, sur le Bassac, en passant par le Mékong. Dès les premiers jours, nous pouvons apprécier le type d'homme qu'est notre commandant.
Je présume que, comme moi, beaucoup de ceux qui liront ces pages ont vu le film "Les révoltés du "Bounty". Comme eux, je ne pensais pas possible qu'au milieu du XXème siècle, il pût subsister des "capitaine Blygh".
Le régime qui nous attendait avec ce fou était bien celui du "Bouty", mis à part la flagellation. L'équipage, ainsi que les officiers et officiers mariniers comprirent immédiatement quelle allait être l'ambiance du bord. X... donnait ses ordres directement à l'équipage.
Pour une peccadille, parfois sans motif, il collait, au détour d'une coursive, sans rapport préalable, trente jours de prison. Il faut savoir qu'une telle sanction, exceptionnelle dans la marine, n'est normalement appliquée que pour motif grave et audition au rapport de l'homme incriminé. Elle retarde considérablement l'avancement de celui qui la subit. X... n'ouvrait la bouche que pour coller trente jours, pas moins. Le pire est que le "fautif" était condamné à se faire raser les cheveux et à exécuter sa peine. Comment? Bien sûr, le bateau ne comportait pas de local pénitentiaire. Alors, ce sadique faisait enfermer le pauvre bougre dans le local du guindeau, local exigu où l'on ne pouvait se tenir autrement que courbé en deux.
Evidemment, ce local est en fer, tout comme son roof sur lequel se trouve le canon de 75. Imaginez la température à l'intérieur sachant qu'à l'extérieur, il règne trente-cinq à quarante degrés. Le prisonnier a droit à une heure quotidienne de sortie sur le pont, encadré par deux hommes en armes, sous la surveillance du capitaine d'armes. Le reste du temps, il ,est enfermé dans un four, dans le noir quasi-absolu, la seule clarté, la seule ventilation, ne parvenant que par l'unique écubier. Folie... J'écris ces lignes soixante ans après ces faits et je me demande si ma mémoire ne me trahit pas, s'il est possible qu'un tel traitement nous fût infligé, sans que nul n'ait pu intervenir.
Les ressources humaines sont insoupçonnables, car on aurait pu s'attendre à ce que l'un des prisonniers succombât à de tels sévices .
A l'heure de la "promenade", le malheureux apparaissait, blême, titubant, ébloui par la lumière, à demi évanoui. Tous étaient scandalisés mais personne n'osait protester, le sens de la hiérarchie étant alors très fort dans la marine.. On peut dire qu'une véritable terreur s'établit sur le bateau..Photo: caractéristiques du LCI.
A suivre... message n°361