par † sagnimorte albert Ven 21 Avr 2017 - 18:19
Bonjour, bande de débauchés!
Un peu de sérieux, maintenant.
LCI 101 (suite 7)
Après l'affaire de la "Glycine"
Et nous sommes retournés à la routine, pourrait-on dire: une opération en plaine des Joncs. La plaine des Joncs, cette morne plaine, étendue sans fin, pratiquement sans un arbre, quadrillée de rachs et arroyos minuscules. Le terrain est miné. Parmi les éclopés, un adjudant de la biffe s'est fait proprement arracher la jambe jusqu'au genou. Seul est resté le tibia, bien nettoyé. On l'opère dans la jonque hôpital, à couple, ainsi que beaucoup d'autres.
Retour à Chaudoc.
X... me demande de chiffrer et de faire transmettre un message. Je le chiffre et le donne pour transmission à un de mes matelots, le fameux B... La fréquence est occupée. B...est en train de lire. Le message ne présente aucun caractère d'urgence. Un quart d'heure se passe. X... qui se tient sur le spardeck à coté d' une écoutille juste au dessus du P.C. radio, me fait appeler.
- Le message a-t-il été transmis?
-Je vais voir, commandant.
Horreur! Ce con de B...est toujours en train de lire et n'a rien transmis du tout. Il saute sur le manipulateur morse. Je rends compte sans mettre en cause le matelot.
-Commandant, on est entrain de transmettre le message.
-Vous aurez trente jours.
M.. .Bien qu'ayant constamment côtoyé ce salaud, j'ai échappé jusque-là et par la faute de ce minable de B... , mon avancement sera retardé d'un an ou deux.
Voila. J'ai mes trente jours. Mais le pacha est coincé sur un point. Il ne peut pas me faire exécuter la sanction, comme à tout un chacun. L'équipage entier, officiers-mariniers compris, me lancent des coups d'oeil complices. Eh oui, je suis indispensable, ce qui doit le faire râler fortement. Je n'irai donc pas me liquéfier dans le peack avant. J'irai tout de même, Ô dérision, encadré de deux fusiliers en armes et du bidel, me faire raser le crâne chez le coiffeur du coin, un hameau de quelques paillotes. Lequel coiffeur se pose maintenant des questions sur les moeurs curieuses des Français.
Cela fait maintenant cinq mois que nous sommes dans ce secteur pourri. Nos pertes, la terreur que fait régner X..., ses distributions de graves punitions pour des peccadilles et envers tous, mettent les nerfs à fleur de peau. Le bateau stationne souvent pendant la nuit dans un poste de brousse (celui du coiffeur) accosté le long de la berge, en pleine végétation. Le commandant dort dans sa cabine située à la base de la tourelle, ladite cabine comportant de chaque bord un large hublot, ledit hublot restant ouvert toute la nuit, la chaleur étouffante l'exigeant. Oui, l'idée de balancer par là une grenade quadrillée commence à faire son chemin dans quelques têtes, dont la mienne. Vu l'exiguïté de la cabine et la,puissance destructrice de la grenade quadrillée, il n'aurait aucune chance d'en réchapper. La proximité de la berge justifierait un coup du Viet minh. Le factionnaire, ulcéré comme tout le monde fermerait les yeux.
Voila où nous en sommes arrivés.
A suivre ... message n°542