par Timonier Belladone Sam 17 Nov 2018, 17:22
J'avoue que, par moment, j'ai du mal à penser que nous avons fait la même guerre si je compare certains récits !
J'étais pourtant là, de 1952 à 1954, moitié Saïgon et le delta du Mékong et moitié Haïphong et tout le nord, baie d'Along, frontière chinoise (Hainan), Paracels, Norways, etc...
Et ce qui me chiffonne c'est la facilité avec laquelle certains tiraient à tour de bras pour abattre une malheureuse congaï, sans conséquences semble-t-il !
Quand je pense au boulot supplémentaire que j'avais, perso, en retour de patrouille, pour faire les états de dépenses de munitions, le comptage des balles et des obus, dates, circonstances etc... le tout à envoyer en trois exemplaires à l'U.M.S. ou à la B.N. Haïphong !
Tout ceci sans tenir compte, bien entendu, du journal de bord tenu par les chefs de quart successifs et ratifié par le pacha himself !
Et c'est pas parce que nous étions sur les dragueurs, d'ailleurs plutôt petits bateaux, comparativement aux barlus qui croisaient en mer seulement, à cause de leur tirant d'eau.
Les équipages des LCVP ou des YSL (deux vedettes seulement hélas) qu'on appelaient la Marine Kaki, avaient exactement les mêmes contraintes.
Quand on piquait un sampan sur le Mékong après l'avoir allumé, il fallait soigner les blessés, la question ne se posait même pas.
Et lorsqu'un jour mon copain Chavret s'est foutu en l'air à cause d'un obus de mortier qui n'était pas parti, le pacha a eu de sacrées emm... !
Notre meilleur tireur aux 20 m/m, matelot mécanicien Brun, se faisait engueuler parce ses coups de semonce pour arrêter les jonques avant de les arraisonner tombaient un peu trop près de leur avant.
A lire certains, j'ai l'impression d'avoir fait une campagne d'Indo tout en douceur, peinarde...
J'ai pourtant pas rêvé les allumages que nous avons eu dans le Delta ou au Tonkin, ni les morceaux de cervelle tirés de ma poche en voulant prendre mes cigarettes auprès du corps de Sébastien Le Cann, foudroyé par une balle de mitrailleuse Hotchkiss, partie de la plage...
Je précise tout ça, parce sinon, les plus jeunes vont croire que nous étions des va-t-en-guerre, sanguinaires, sans aucun respect pour la personne humaine.
Quand la Marine a commencé à se "jauniser" avec de passer sous contrôle vietnamien (1954), je débarquai avec des sacs de bonbons et un Colt à la ceinture, à la place de ma Thomson.
C'est vous dire !
Et pour apporter une touche plus "soft", nos bachis restaient la plupart du temps dans les caissons, jusqu'au retour à la base.
Sinon nous portions des chapeaux de brousse à bord, officiers et officiers-mariniers compris.
Le bachi était rangé soigneusement, avec mon matricule dans le fond (je l'ai encore), matricule fait avec du dentifrice, bien entendu !
A la fameuse revue navale à Toulon, en 1958, toute l'escadre étant passée en revue par LE Général, nous devions être en gants blancs, l'un enfilé, l'autre tenu à la main.
Comme j'étais nouvellement promu second, je n'avais pas de gants.
Solution, avec un bon copain :
J'avais enfilé UN gant à la main droite, avec lequel je tenais une chaussette blanche !
Le général n'a rien vu, rassurez vous, il était trop loin !