Pas difficile à repérer les gars un peu paumés à la sortie de la gare cherchant désespérément à se raccrocher encore à quelque chose avant d’y plonger...
Dans la vie de mataf… avec un petit sac ou une petite valise à la main…
Personnellement, en fait, je venais du Sud de la France mais j’avais profité de mon bon de transport pour faire une halte chez mes Grands-Parents adorés… à Lorient, ma ville natale.
Premier jour : dans la cour du CFM, appel et répartition par sections au sein d’une compagnie (par ordre alphabétique) prise en main de ma section par le Second Maitre canonnier PARENTHOEN, un bel et fier officier marinier (certains de vous l’ont connu ?) droit comme un « I » et sanglé dans sa gabardine bleu marine par-dessus son uniforme et direction les salles de cours, de classe, de tests…
Re-tests psychotechniques… ceux des trois jours n’ayant sans doute pas suffit à Lyon… il est vrai qu’il s’était déjà écoulé deux ou trois ans et nous aurions pu, dans ce laps de temps, devenir plus intelligents ou plus c—s.
Au fur et à mesure de l’avancement des tests dans les différents niveaux d’instruction et de connaissance, certains d’entre nous disparaissaient et le nombre de participants diminuait d’autant.
Je ne suis pas allé jusqu’au bout des tests… mon niveau du Bac Math-Elem ne me permettant pas d’aller plus haut….dommage, qui sait, j’aurais pu, peut-être avoir tout de suite le grade d’Amiral ?
A noter qu'à mon arrivée, m'attendaient déjà trois lettres de ma fiancée... un bon remède pour supporter tout ce qui a suivi (bon ce n'était pas le Club Med' mais pas le bagne non plus...).
Bon, pas tout ça… l’habillement… très performants les gars chargés de trouver du premier coup d’œil la bonne taille et nous voilà habillés en « apprenti-matelots » MAIS toujours sans être passés chez le coiffeur…
Ce qui fait que pendant une paire de jours, nous sommes habillés comme des marins (j’ose le terme) mais avec nos coupes de cheveux du civil… bien que certains, pensant pouvoir passer à travers la coupe d’incorporation, ont pris les devants et ont demandé à leur coiffeur habituel de les rafraichir sérieusement afin d’échapper (pensaient-ils… les pauvres bougres) à la sauvage tondeuse de la Marine Nationale… on verra ça plus loin.
Mais quand même un beau matin, on y passe…
Notre instructeur, le fier et bel O-M Second Maitre Canonnier PARENTHOEN (qu’il nous faut appeler « Second maitre » et non « Chef » comme cela se fera plus tard sur nos lieux d’affectation), nous conduit « Chez le coiffeur ».
Effectivement, il y a bien un « salon de coiffure » mais pas de « coiffeur »...
- Qui est coiffeur dans le civil qu’il demande notre Chef … pardon, notre second-maitre ?
Un gars lève la main et se fait embaucher illico-presto mais on ne va pas y passer toute la journée et il faut encore deux autres coiffeurs… ce sera un apprenti-coiffeur pour dames et un mécanicien auto.
J’ai du bol et je passe avec le seul coiffeur pro du trio… il me fait une coupe impeccable, tout au ciseaux et sans utilisation de la tondeuse… et pourtant j’ai une coiffure de rocker qui me tombe sur les épaules.
- Tu es très bien me dit mon pote Gilles Bodinier, originaire du même bled que moi, et ce avec des yeux d’envie car lui il a désormais la boule à zéro… le pauvre !
Il me dit cela car il n'y a pas de miroir pour juger du résultat... pour beaucoup, il vaut mieux.
Notre Second Maitre Canonnier nous dit qu'il est de bon ton de "donner la pièce" aux "coiffeurs"... ce que nous faisons de bon cœur... les coiffeurs se font d'entrée un petit pécule... c'est bien...
D’autres ont moins de chance et passent (malgré leur précaution auprès de leur coiffeur local et habituel) dans les pattes de l’apprenti-coiffeur pour dames ou du mécano-auto… il y a des bouts d’oreilles qui volent et beaucoup en sortent un rien sanguinolents… les pauvres !
Nous ressemblons maintenant un peu plus à de vrais marins…
Nota : nous avons été dans les premiers à percevoir la nouvelle tenue de treillis style blue-jean et non pantalon à pont style peintre en bâtiment… mais il nous faut porter la vareuse à l’intérieur du pantalon… et nous envions les matafs du dépôt des équipages voisin qui portent, eux, la vareuse par-dessus le pantalon et en plus portent un bachi, un peu avachi, avec un beau ruban légendé alors que nous portons, nous, une espèce de galette anonyme style pont d’envol de porte-avions… ouais, il en manque encore un peu pour avoir la "Navy Touch".
La suite bientôt sur vos écrans...
JEFF