par phirou Dim 1 Nov 2020 - 21:00
Alain, je n'ai pas l'impression d'avoir dévié du sujet. Car Mon frère Yves, qui est un des romans majeurs de Pierre Loti, est souvent présenté comme l'histoire de l'amitié entre l'officier Julien Viaud et un matelot alcoolique. En lisant attentivement le texte, on constate qu'Yves a en réalité une rage en lui qu'il ne comprend pas, et qui éclate parfois lorsqu'il a bu quelques verres, comme son père. C'est une âme tourmentée, rongée par une violence qui le mine, mais ce n'est pas un alcoolique. Il passe des semaines en mer ou consigné à bord sans se trouver en état de manque. Il lui faudra beaucoup de temps, et le soutien de son ami, pour exorciser ses démons. Et lorsque Loti parle d'alcoolisme à son propos, c'est abusif. Il est du reste injuste avec le petit peuple, et en particulier les Bretons. Car il faut le rappeler ( et c'est pour cela que Patrick et moi avons mentionné ces études) que l'on boit peu dans le Finistère, au moins jusqu'à la fin du XIXe siècle, et que l'image du matelot alcoolique est à cette époque, fausse et injuste. On se demande alors pourquoi Loti, qui est passionné par la Bretagne, conserve ces préjugés, qu'il n'aura pas envers les Basques (un dada qu'il enfourchera plus tard).
Il n'en reste pas moins que Loti est un des rares littérateurs à parler en connaissance de cause du quotidien des matelots à cette époque, et un des rares à souligner leur vie quasi-monacale à bord, dans des bâtiments surpeuplés, avec un confort inexistant, un travail pénible et souvent dangereux.