Aussitôt, nous sommes assaillis par des lames bien formées et les conditions de navigation ne feront qu'empirer, tout au long de la nuit.
Au réveil, le ciel est bien dégagé, mais un violent "vent debout" fouette le haut des vagues, dont la taille est devenue des plus respectable, et nous adresse d'énormes "paquets de mer" qui déferlent sur la plage avant, passent par dessus la passerelle et vont se perdre derrière la cheminée, inondant tourelles et plage AR.
Pas de postes de veille ni de combat, dans ces conditions...
Vraiment, ça chahute pas mal, mais je suis bien amariné, maintenant, et comme j'aime bien les coups de vent, je vais pouvoir aller prendre un bon bol d'air,
sur l'aileron tribord.
Un grand bol d'air, ce ne sera pas un luxe, du reste ; pas mal de coeurs sont en marmelade et les coursives, les postes et autres endroits habituellement fréquentés, sont dans un état peu ragoutant (tant pour la vue que pour l'odeur).
Les filières de sécurité ont été mises à poste et j'observe que quelques téméraires en ont profité pour aller se regrouper au pied de la cheminée qui leur offre la chaleur et une certaine protection contre les éléments.
A midi, il y aura liberté de cambuse et distribution de biscuits de mer ; enfin, si l'on peut appeler ça une distribution.
En fait, le bosco les disposera, à même le sol, dans leur emballage de cellophane (4 ou 6 par paquet ; je ne me souviens plus exactement), dans les coursives et à l'entrée des postes...
Je suis revenu sur mon aileron, quand les haut-parleurs annoncent la présence d'un sous-marin en surface.
Je crois rêver ; par ce temps ?
Cependant, c'est bien un 400 tonnes (je crois me souvenir que c'était l'Argonaute) qui se démène comme il peut, à quelques 100 mètres de nous.
Il est en avarie et dans l'impossibilité de plonger ; nous allons donc devoir l'escorter jusqu'à la côte espagnole, pour le moins.
Chouette, alors ! Voilà un évènement bien inattendu et propre à susciter mon intérêt.
Sur la passerelle, juste au dessus de moi ; toutes les jumelles sont de sortie.
Quant à moi, bien calé contre la cloison et assez bien protégé par le pare-lames, sans jumelles cependant, je ne perds pas une miette du spectacle.
Les "pôvres" ! Si nous ne sommes pas tellement bien lotis, face aux éléments ; alors eux...
Sur les sous-marins, on parle de baignoire ; mais c'est bien plutôt : baignoire + douche, tout à la fois.
Ils sont 4 dans le kiosque à profiter de ce confort, stoïquement et bien malgré eux
Je garde le souvenir de ce contraste saisissant entre la mer déchaînée et le ciel sans nuage ; d'un bleu, mais d'un bleu...
Pendant des heures, nous sommes malmenés de conserve.
Puis, petit à petit, la mer se calme et nous trouvons, enfin, la tranquillité entre l'Espagne et les Baléares.
Ouf ! On a beau aimer le gros temps ; trop, c'est trop.
La nuit va bientôt tomber et nous laissons notre protégé poursuivre, seul, son voyage.
Nous naviguons plus vite, maintenant que nous sommes libres de nos mouvement, et les estomacs se remettent en état, petit à petit.
C'est alors que nous ressentons un grand choc à l'arrière.
Nous stoppons et il s'avère qu'un espar, à la dérive, est passé dans notre hélice babord et qu'elle est faussée ; mais que faisait donc la veille passerelle ?
Cap sur Toulon (adieu Gibraltar) ; nous en serons quitte pour terminer le voyage à petite vitesse et sur un seul arbre d'hélice.
Compte tenu de la situation et du fait que le temps est des plus cléments pour la saison, le commandant a la bonne idée de nous convier à une séance de cinéma sur la plage AR, la tourelle III faisant office de porte-écran.
Avec une température agréable, la mer redevenue tout à fait calme et un bon blouson de mer sur le dos, tout est parfait pour la soirée soit réussie ; alors, pourquoi pas ?
De mémoire, il n'y a pas foule ; et pour cause, beaucoup auront préféré leur hamac.
Cependant, en plein milieu de la projection, les haut-parleurs se font inopinément entendre.
- "Ici, le Commandant."
Et la nouvelle tombe :
- "JF Kenedy, le Président des États-Unis vient d'être assassiné à Dallas, nous allons faire une minute de silence".
Paix à son âme ; c'était le 22 novembre 1963...
XM