par rouveret Lun 21 Jan 2008 - 15:05
Pour compléter le récit de Rozo décrivant son voyage en Indo à bord du LCI 108, remorqué par le Rhinocéros, je peux vous donner ma version... tout simplement parce que j'étais à l'autre bout de la remorque !
Si c'est vrai... jugez-en :
La date de notre départ pour Saïgon est déjà fixée… l’équipage bénéficie de brèves permissions, en deux bordées.
Pour ceux qui restent, la préparation du long voyage est une priorité, ainsi les matelots vont dérouler les 650 mètres de remorque qui seront brossés et graissés soigneusement.
Vint ensuite pour le navire le passage au bassin de carénage où s’effectuent le grattage de la coque et l’application des peintures sous marines.
Puis une journée sur coffre est consacrée à la régulation des compas.
Les marins aussi se préparent à cette absence de plusieurs mois, loin du pays et de leur famille, ils sortent en ville et procèdent à divers achats.
Pour ma part, je fais l’acquisition d’une solide valise tôlée, d’une paire de caleçons, de papier à lettre, et d’un appareil photo de marque Kodak.
(Je sens que je vais avoir à m’en servir !)
Le Rhino appareille le Jeudi 15 Septembre 1949, tirant en remorque deux péniches de débarquement, les L.C.T N° R27 et R28, (Landing Craft Tank) à destination d’Oran, sa prochaine escale, en compagnie de « L’Infatiguable », remorqueur à charbon.
Nous rencontrons une mer très formée peu après le passage du goulet, l’Infatigable doit rapidement faire demi tour, remorque cassée.
Nous continuons seul notre route, en roulant bord sur bord…, le matériel fatigue (sans parler des hommes !) bientôt nous constatons que le L.C.T R28 s’enfonce dangereusement.
Avec la vedette Canadienne, je conduis l’équipe de sécurité composée de cinq mécanos et électriciens à bord de celui-ci, pas de doute, c’est une voie d’eau… !
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Il faut lancer les moteurs afin d’avoir de l’énergie, et pomper prestement ! !
C’est ma première sortie en haute mer par mauvais temps… !
Les manœuvres d’accostage sont très risquées, pour les hommes comme pour le matériel, parfois la masse de la péniche nous surplombe de plusieurs mètres, mais je m’en tire sans rien casser !
Le pacha décide d’effectuer une escale technique à Lisbonne afin de mesurer l’ampleur des dégâts, et faire procéder aux réparations, nos hommes pomperons 365 tonnes de flotte 24 heures durant pour maintenir le bateau à flot.
Deux jours seront nécessaires au colmatage de la voie d’eau, j’en profite pour faire une courte visite de la ville que je trouve splendide, j’adore ses rues en pentes, ses vieilles églises, et son délicieux porto, que je goutte pour la première fois.
Le Dimanche 25 Septembre, nous touchons Oran où la Marine inspecte nos engins.
Le résultat n’est pas brillant, le R28 est inapte à un long remorquage jusqu’à Saïgon en raison des probabilités de tempêtes en océan Indien.
C’est le L.C.I n° 108 (Landing Craft Infantry) qui est choisi pour le remplacer.
Les jours suivants vont être consacrés à sa préparation, consistant principalement à souder une ceinture en chaîne autour de la coque, afin de répartir les efforts de traction.
Mardi 27 Septembre une prise d’armes est organisée à bord de notre navire qui accueille son nouveau commandant !
Gagnerons nous au change ?
Ce dernier découvre un navire en très bon état, à l’ambiance très cordiale, est-ce le résultat des nombreux jours de mer que les hommes d’équipage ont partagé ensemble ? ou l’inoubliable réception de N’Komgsamba qui les a rapproché ?
Ils ont tous le sentiment de faire partie d’une équipe, unie, soudée, solidaire, aussi bien à bord que hors du bord.
J'ai séjourné deux ans sur ce navire duquel j'ai gardé un excellent souvenir (Avril 49 - juin 51) ensuite affecté en Indo sur les Fais, (EA et LCM) Secteurs Mytho, Cantho, Vin Long (Juin 51 - Juin 53)
Mon bouquin a été publié en 2004 et a pour titre " De la terre à la Mer ".
Mon apprentissage de la vie dans la Marine Nationale 1947/1953" 400 pages - 32 photos - 22 Euros + transport.
Amitiès à tous.
jean