Après ce rapide repas au Foyer du Marin, je regagne la station à pied, à travers le bouzac, trois quart d'heure de marche.
De temps en temps, je me retourne pour voir si des chiens errants ne me guettent pas les jarrets.
Une vraie plaie ces clébards, épais comme des stockfishs et toujours prêts à t'agresser.
J'arrive sans encombre à la Possession.
Douche, changement de tenue, on se met sur son trente et un, ce soir c'est sortie.
Un passage au bar pour voir les collègues et chercher un moyen de transport.
Un groupe part sur Saint Denis, version Mylord ou Hibou, un autre part sur la Ravine des Cabris au Tout va bien.
Ce dernier peut me déposer à Saint Paul, ils veulent m'entrainer à la Ravine, mais je ne me sens pas de faire toute cette route par l'étang salé et Saint Pierre, ni pour l'aller ni pour le retour surtout...
Surtout quand on voit le nombre d'épaves derrière la station !
A l'heure dite, le départ, passage par la rivière des Galets sur le pont de fer, la station Omega sur la droite, puis ils me déposent à l'entrée du Pavillon de la Buse.
Cherchant autour de moi, je ne vois aucun zoreille à l'horizon, ça sera soirée locale.
A l'époque, les soirées commençaient et se terminaient plus tôt.
Pas besoin d'entrée en matière.
J'entre, m'assoie à une table avec une dodo prise au bar.
L'orchestre démarre lentement, la salle s'emplit rapidement.
Bientôt les premiers danseurs s'élancent.
Trop tôt pour moi, j'attends la foule.
Elle ne tarde pas et la piste de danse est rapidement comble, c'est le moment.
Les séries s'enchainent, les premiers slows tardent un peu, mais c'est normal.
On guette l’âme solitaire, et on trouve, le sud, la première fois, Nino Ferrer, Joe Dassin, Schoenberg...
Collé serré, dans la moiteur du soir je fais connaissance avec ma partenaire, une jolie malabare, quand le micro annonce un concours de séga.
Je lui propose un essai sur les premières mesures du premier morceau, elle acquiesce.
Nous voila parti, piano piano.
Elle semble apprécier ma conduite et décide de poursuivre l'expérience.
Les ségas s'enchainent, allant crescendo Michel Admette, quatre heures bon matin missi coutou, Caroline, des Réunionnais, des Mauriciens, plus rapides, et la piste se vide peu à peu.
Nous ne nous en apercevons pas, pris par notre fougue.
Quand soudain, un moment de calme, une main me tape sur l'épaule et m'indique la sortie.
Je remercie ma partenaire et nous quittons la piste sous les applaudissements.
Nous n'avons pas gagné, mais nous avons quand même fini deuxième.
Elle me demande si je suis un yab des hauts, et lorsqu'elle apprend que je suis zoreille et marin, quelle surprise !
Cette histoire ne dura que le temps d'un concours de séga, en immersion totale dans le milieu, mais demeure un beau souvenir, surtout pour un mec pas foutu de danser une valse ou un tango.
Le concours terminé, l'orchestre joue maintenant des airs de pop, tout y passe, y compris Deep Purple, il est bon, il est excellent cet orchestre, on dit qu'il apprend ses morceaux en écoutant des vynils fournis par des marins, à la caverne, à Saint Paul.
De temps, en temps, pour reprendre son souffle et éliminer les excès de sudation, une petite sortie à l'arrière permet de rejoindre l'extérieur, coté plage, la belle plage de Saint Paul. Marrant ça, la première fois que j'ai vu cette plage, c'était du large, avec l'Altaïr, à couple de la Charente, des Dauphins étaient passés nous rendre une petite visite, ils sont un certain nombre à fréquenter la baie, jusqu'au Cap la Houssaye.
La nuit se poursuit, mais ma soirée va s'achever, il est temps de s'inquiéter pour le retour.
Je ne suis en effet que piéton et de la Buse à la station, y a une trotte.
Je sors donc et me poste en bordure de route, le pouce en l'air avec l'insouciance de la jeunesse.
Très vite, une voiture s'arrête, la vitre s'ouvre et une jeune femme me demande où je vais en créole.
Je lui réponds, zot y conné la marine à la possession ?
Elle me répond qu'ils vont au Port et que là la marine elle connait.
J'embarque dans la 404 où se trouvent déjà huit personnes !
Tout le monde se tasse, et la radio à fond la voiture s'ébranle.
Finalement, curieux, ils me demandent où se trouve la marine à la Possession.
Et moi de leur demander, zot y conné le cimetière ?
C'est à coté.
La gentillesse les pousse à me ramener jusqu'à l'entrée et là , discrètement, après les avoir remercié, je regagne ma bannette sur la pointe des pieds, surtout, ne pas réveiller Boris la mascotte.
Vite, un peu de sommeil, demain, c'est un dimanche de service.
Je m'endors rapidement avec encore, des airs de séga dans la tête.
Demain sera un autre jour, ça sera FUX DE FBHG ZBO INT QRV K...
Mais au matin, Ah la la coq l'a santé, coq l'a santé, casse mon sommeil !

A+ TUR2