[center]INFORMATION PREALABLE
J’ai été embarqué sur l’ARROMANCHES du 01 juin 1951 au 01 août 1952, et par conséquent j’étais présent à bord, comme Q.M 2 détecteur, lors de l’accident du 14 avril 1952.
Il y a donc 60 ans, j’avais 2O ans, et cet accident est resté présent dans ma mémoire par sa gravité et ses conséquences tragiques, comme dans celle de tous ceux qui étaient à bord à l’époque.
Chaque année ces souvenirs reviennent avec PÂQUES.
J’ai une fille de 42 ans à qui je pense avoir transmis la passion de la mer, et qui vit à Johannesburg, en Afrique du Sud.
Afin qu’elle puisse transmettre elle-même les souvenirs que j’ai transcrits de ma famille, de mes grands parents, de mes parents, de leur vie en général, de la mienne et de celle de mon épouse, je lui adresse régulièrement un chapitre de plus.
C’est ainsi que je lui ai adressé début avril le document que je vous propose, et qui relate l’accident du 14 avril 1952.
Quand je l’ai écrit, je n’avais pas encore .connaissance de l’existence Du Forum de discussions pour les anciens de la Marine Nationale.
J’ai survolé, peut-être trop vite, le forum de l’ARROMANCHES, sans remarquer qu’il y soit relaté cette mauvaise journée.
La relation que j’en fait ne vous était donc pas destinée, et ce n’est pas un livre de bord.
C’est seulement l’expression de la mémoire encore vivante d’un vieil homme de 80 ans qui se découvre pour sa fille.
Toutefois vous pouvez lire cela sans avoir l’impression de regarder par le trou de la serrure, même si j’y relate des choses personnelles de façon intimisme.
La franchise habituelle des interventions dans le forum m’informera bien vite de vos réactions, et promis je ne récidiverai pas si je n’ai pas pris le bon cap en vous présentant les choses comme cela.
A ma Fille Laurence, le 14 avril 2012
Ma Puce, il y a 60 ans, le lundi de Pâques 1952 était un 14 avril…
J’étais dans la marine, embarqué sur le Porte-avions « ARROMANCHES ».
Nous étions en navigation, en opération de guerre au TONKIN.
Comme chaque année, en cette saison, et depuis mars les conditions météo étaient mauvaises, mais ce jour-là était particulièrement beau.
Depuis le 30 mars, le bateau et ses avions, leurs équipages, étaient engagés dans une opération dite « catapulte », visant les centres viet de VINH dans le THAN-HOA, et la voie fluviale de SONG-CA.
Le 14 avril, nous étions à 400 kilomètres de TOURANE, 300 de HAIPHONG, et les objectifs de l’action sur le Nord Vietnam étaient situés à 50 kilomètres à vol d’oiseau.
Comme tous à bord, mes occupations étaient directement dépendantes de ce qui se passait.
A la mer, j’étais au Central Information, situé à tribord dans la superstructure qui formait ce que nous allons appeler la passerelle, j’avais 20 ans, la photo ci-contre à été prise en 1953 à TOULON.
Mon travail présentait beaucoup de similitude avec celui des aiguilleurs du ciel, dans une tour de contrôle, si ce n’est que le matériel électronique alors utilisé apparaît aujourd’hui antédiluvien, et que l’usage des radars aériens et de surface, servait tant à la navigation, qu’à l’assistance aux avions en vol, et à la surveillance des espaces maritimes et aériens.
Un porte-avions est une machine complexe qui met en œuvre des hommes ayant des qualifications complémentaires, utilisant des matériels plus ou moins sophistiqués, le tout ne « baignant dans l’huile », qu’après de lunes et bien des répétitions, une bonne dose d’esprit disons d’équipage, accompagné de la discipline qui va avec.
L’ARROMANCHES avait été construit en 1942 au chantier Vickers Armstrongs à NEWCASTLE-on-Tyne, avant d’être « loué » à la France en 1946, il avait été fabriqué en bonne ferraille anglaise et primitivement nommé « COLOSSUS ».
Sa construction, faite selon les normes et règlement de la marine marchande anglaise, ne comportait, par souci d’économie et de gain de temps, aucune protection véritable.
Ce qui en dit long, pour un navire de guerre, sur la pesée de la vie des équipages.
Les machines étaient celles des destroyers britanniques de l’époque, elles permettaient d’atteindre 23/25 nœuds.
L’intérieur ne comportait aucun revêtement de cloisons ou de plafond, tous les câbles et tuyaux étaient apparents, la climatisation n’existait qu’au central information et dans l’infirmerie.
Nous disons qu’au central information, elle avait été installée non pas pour les hommes, mais uniquement pour éviter que l’électronique ne surchauffe.
Il n’y avait aucun confort, et, dans le cadre d’une tradition de plusieurs siècles, nous dormions dans l’inconfort relatif du hamac, où la toile solide et rude est doublée en partie basse afin d’y glisser un matelas de deux centimètres, pas de drap, seulement une couverture grise réglementaire.
À chaque extrémité du hamac on trouvait 18 oeils (yeux ne se dit pas) de pie pour accrocher les hanets des araignées dont l’autre bout était fixé sur une boucle en fer, elles-mêmes prolongé par un filin solide.
Le soir, on récupérait son hamac stocké à cheval sur une barre, le long d’une cloison, où on l’avait soigneusement disposé le matin, la couverture était soigneusement « élongée » à l’intérieur du hamac, lui-même refermé par 8 hanets cousus sous les dessous bâbords et tribord, et que l’on avait noués, par paire, sur le dessus.
Pour dormir, on attachait son hamac, si l’on pouvait, à un endroit stratégique finalement déterminé par les rapports de force qui existent entre individus et groupes d’individus dans un milieu quasi carcéral.
Quand je dis stratégique c’est qu’il existait des zones de bruits importants, générés par la ventilation forcée, et des lieux de passages plus ou moins éclairés fortement.
Quand on avait trouvé le bon emplacement dans ce contexte, c’est comme si on avait pissé sur le demi-blindage du pont pour marquer son territoire, et il fallait que chacun comprenne que ce serait un casus belli que de venir y accrocher son hamac.
Grimper dans son hamac était depuis longtemps devenu un geste machinal, les chutes étaient rarissimes, on y était assez confortable en arc de cercle sur le dos, mais couché sur le côté, toujours en arc de cercle, il valait mieux ne pas souffrir des vertèbres.
Jeune mais fatigué, pas loin des poutrelles, avec la peinture grise du plafond comme seul horizon, isolé latéralement par les deux côtés cousus sur des filins de son hamac, on pouvait se retrouver un peu plus seul, fermer les yeux, et même rêver selon ses humeurs.
En « indo », la chaleur et l’humidité transformaient l’intérieur du bateau, et à plus forte raison le hamac, en étuve.
Dans la journée, dans les postes situés dans tes « tranches » que l’on désigne par une lettre alphabétique, ou les marins sont regroupés par spécialités professionnelles, par exemple la tranche K pour les Détecteurs, tout le monde ne portait qu’un short et des sandales.
Seule solution, la nuit, avoir une natte en paille de riz, prendre sa couverture, et aller coucher sur la ferraille d’une coursive extérieure, à l’air libre,
L’inconfort, à cette époque, n’était pas que nocturne. Il n’y avait aucune salle de repos où l’équivalence.
Nous étions encore au régime des tables et bancs aux barrots, c’est-à-dire normalement aussitôt la fin des repas, à placer lesdits bancs et tables, pattes repliées, sur des barres fixées au plafond et que l’on voit bien sur la photo de la tranche K, les gamelles et bidons étaient, eux, accrochés aux râteliers.
Une table pour huit hommes, un banc pour 4, un bidon, comme une gamelle, pour 8.
Les bidons et gamelles en ferblanterie étaient lourds, la gamelle possédait une séparation longitudinale permettant de mettre la viande d’un côté et les légumes de l’autre.
3 fois par jour et à tour de rôle, 2 hommes dits de plat, par table, allaient à la cuisine et à la cambuse avec les bidons et les gamelles (dont ils assumaient postérieurement le nettoyage), chercher les repas.
Chacun passait à table avec son assiette, son verre (ex boite de petits pois en fer-blanc rouillé pour certains), ou son quart réglementaire, et ses couverts.
Ma résistance à l’ambiance consistait, avec quelques condisciples, a passer à table avec une assiette en porcelaine et des ustensiles en argenterie, pour lesquels je n’ai jamais entendu un souffle.
Après avoir connu hamac, bancs et tables aux barrots, douches et chiottes collectives, tant à l’École de la Marine Nationale, que sur mon premier embarquement le croiseur ÉMILE BERTIN (conçu en 1929/30), puis le cuirassé JEAN BART, construits avant la seconde guerre mondiale, mes affectations postérieures sur le destroyer « MAROCAIN » (ex-américain), puis aux USA en base navale à PHILADELPHIE, et enfin sur le destroyer « Le KABYLE » m’avaient habitué aux plateaux-repas, à la couchette, à la douche, et aux chiottes individuelles.
Ce retour au XIXe siècle sur cet ex « COLOSSUS », d’abord prêté par la ROYALE NAVY, puis acheté par la France en 1951, et la vie quotidienne décrite sans plus de détail, m’a profondément marqué tant sur le moment que par ses conséquences ultérieures, sans que pour autant je regrette cette période.
Dans le fond, les conditions de vie décrites n’étaient pas pires que celles que j’avais connues enfant et adolescent, le hamac n’était pas plus inconfortable que la paillasse des lits de ma grand-mère dans sa maison natale, qui fut aussi celle de ma mère et la mienne, à VOULEME (Vienne), la campagne profonde du sud du département.
Leurs literies étaient faites d’un grand sac avec 2 ouvertures sur le dessus, par lesquelles ont entassé chaque saison les feuilles qui enveloppaient le maïs, après son séchage.
Sur ce « sommier », une couette issue de la volaille consommée au fil des ans servait d’amortisseur.
J’y couchais, à l’époque, déjà assis comme Louis XIV…
A bord de l’ARROMANCHES la cuisine était une tambouille de grande collectivité, du genre de celle qui utilise des rames pour touiller dans le chaudron, mais elle était moins redoutable que celle de ma mère dont la technique culinaire (à base de saindoux) et le mode de conservation exclusif (le garde-manger) me crucifiaient les intestins et le foie.
J’avais moins faim qu’à l’époque des restrictions subies pendant la guerre 39/45, si ce n’est que mes condisciples et moi souffrions d’une insuffisance de pain qui allait jusqu’à engendrer des tensions à table et à nécessiter une répartition préalable.
La douche collective quotidienne représentait un progrès exceptionnel par rapport aux rares jours de grands rinçages dans la cour à la campagne, ou aux équipements sanitaires des immeubles dans lesquels nous vécumes, mes parents et moi..
Les chiottes collectives n’étaient pas moins hygiéniques que la cabane au fond du jardin, ou même que le trou dans la terre, entouré de grand buis, à l’air libre en toutes saisons, de ma campagne natale, mais il fallait s’accommoder de la promiscuité des voisins, assis côte à côte (disons cul à cul pour être plus précis), séparés seulement par des accoudoirs en tube, au dessus d’un demi tube d’un sérieux diamètre où circulait un flot salvateur et à géométrie variable.
Dans le genre, les chiottes du Croiseur Emile Bertin étaient pires car il fallait grimper sur les tubes, formant ainsi d’immenses toilettes à la turc, qui, occupés, auraient certainement inspiré l’art moderne compte tenu de ce que j’ai vu au musée de la « Dogana » de VENISE chez M. PINAULT.
Independamment du sujet ci-dessus évoqué, la guerre c’était finalement la prolongation inévitable de mon enfance.
Mais, sur la longueur, comme l’on vivait en circuit fermé, dans un inconfort notoire doublé d’une promiscuité non négociable, on pouvait avoir l’esprit qui vagabondait, rêver d’autre chose où tout simplement avoir besoin de s’isoler un peu.
Dans mes attributions, hors le service à la mer précédemment décrit, il y avait la responsabilité d’un petit local situé immédiatement sous le pont d’envol, dont la seule porte et ouverture donnait sur une coursive, elle-même ouverte sur une « baignoire » destinée à permettre au personnel de pont de se réfugier en cas de danger, cette baignoire, donnant sur le large et le ciel était équipée d’un affût quadruple de canons de 40, anti tout ce qu’on veut.
J’étais détenteur de la clef.
Ce local était destiné à la maintenance des terminaux multiples des radars aériens et de surface. Il s’agissait des équivalents, à l’époque, des moniteurs d’un système en réseau, ils étaient désignés par l’expression P.P.I dont j’ai oublié la traduction.
Ces matériels étaient à bout de souffle, tombaient régulièrement en panne, les câblages cuits par l’excès de chaleur permanent.
Dans le local, il y avait des instruments de mesures électriques, des outils, du matériel de réparation, de la documentation, les P.P.I en cours de maintenance, le téléphone, un haut-parleur diffusant les ordres à bord, etc..
En hauteur une sorte de porte-bagages comme il y en avait autrefois dans les wagons de chemin de fer.
C’est sur cette console, quand le local était vide d’occupants, et que je n’étais pas de service, que je venais pousser un petit roupillon aussi clandestin que discret.
Je n’étais pas un champion de la remise en état du matériel électronique, mais j’arrivais à dépanner des appareils quand mes camarades y avaient renoncé, cela étonnait tout le monde y compris mon patron, le Lieutenant de Vaisseau JAFFRELOT.
Il insistait toujours beaucoup pour savoir qu’elle était ma méthode, et comme je ne m’expliquais pas moi-même ni ne réalisais comment et pourquoi cela remarchait, mes explications étaient naturellement vaseuses.
Monsieur JAFFRELOT pensait que je lui cachais mes secrets de cuisine (comme un chef qui refuse de dévoiler ses recettes) alors que je lui devais, selon lui, toute la transparence qui fait avancer la science…
C’était un homme bon et gentil, et comme il avait des responsabilités au carré des Officiers Subalternes, il me demandait (en ma qualité « d’artiste » surtout connu à bord pour les caricatures qui circulaient), de temps à autre, de faire un dessin destiné à illustrer les menus des grands jours.
C’est ainsi que pour le dimanche de Pâques 1952, je lui remis sur sa demande un dessin qui représentait le porte avion ARROMANCHES en mer, avec, dans le ciel, autour et à l’arrière du navire, une escadrille de cloches se présentant à l’appontage.
Le dessin du menu eut beaucoup de succès dès lors qu’un des Officiers pilotes, au début du repas, donna un nom aux « cloches » qui se présentaient à l’appontage…
Malheureusement le lundi 14 avril 1952 sera plus dramatique.
À bord, il y avait 2 flottilles aéro.
La 1 F, dite de chasse, pourvues d’avions ex-américains F6F Hellcat,
Et la 3F, équipée de SB2C Helldiver, monomoteurs biplaces de bombardement en piqué, d’une masse de plus de 7 tonnes, la tronche massive, avec des ailes repliables, dont voici un profil.
Pendant la durée de mon embarquement, ces avions et leurs pilotes cumuleront 670 sorties de bombardement et d’appui au sol, largueront 330 tonnes de bombes, lanceront 600 roquettes, et tireront 360 000 cartouches.
Le lundi 14 avril 1952, nous étions dans le secteur des Îles NORWAY, avec un beau temps.
Vers 11h30, 4 avions HELLDIVER de la 3F furent catapultés, ainsi que 10 HELLCAT, ils volèrent en direction de COUP-DIEN, au sud-ouest de THANH-HOA, pour une mission de bombardement d’ateliers.
Je fus remplacé vers 12 heures 30, au central information, pour aller déjeuner avec ma bordée, selon les rites précédemment décrits.
A ce moment-là, le bombardement était terminé avec succès, et les avions rentraient, sans perte ni incident.
J’avais avalé le contenu de mon assiette, et ayant rejoint le local P.P.I, monté me coucher sur la console pour faire une courte sieste.
Il devait être 13h20 et les premiers des 14 avions de retour se présentaient à l’appontage.
Impossible de dormir dans ces conditions, mais je restais allongé.
Tout d’un coup, survint un énorme et horrible bruit ou se mélangeait l’emballement des moteurs, des impacts, des raclements de métal, puis des cris…
Je m’éjectais littéralement du local, car j’avais l’impression que cela venait de se passer au-dessus de ma tête, me ruais sur la baignoire, et regardais sur le pont d’envol.
Le spectacle était effroyable.
Le dernier avion à apponter s’était présenté trop rapidement, avait rebondi sans pouvoir accrocher un des brins avec sa crosse d’appontage, était passé au-dessus des barrières, et s’était crashé sur la partie avant du pont d’envol où les avions sont parqués, certains encore hélices tournantes, avec tout le personnel technique qui s’affairait pour l’amarrage et le désarmement.
J’entendais des cris de blessés et de mourant, et voyais des morceaux de métal, des avions amoncelés, compressés, découpés, déformés, de la fumée, une jambe coupée avec une espadrille rouge à quelques pas de mon nez, et des hommes qui couraient dans tous les sens.
Mon intuition me disait que l’incendie était imminent, et qu’il allait être précédé ou suivi d’explosions.
Aucun ordre n’était encore sorti des haut-parleurs, mais il n’y avait aucun doute pour moi c’était une catastrophe encore incontrôlée.
Je voyais le personnel incendie se mettre spontanément en ordre de marche sur le pont d’envol, puis les ordres arrivèrent et je rejoignis mon poste.
C’est l’avion piloté par le Second Maître GENDROT de la 6F, qui avait percuté les avions du parking, tuant son ami le Second Maître GEFFROY qui était toujours dans son cockpit et qui avait eu le temps de dire à son patron d’appareil, grimpé sur une aile pour l’aider à sortir, « fout le camp », avant de mourir.
Le patron s’en est sorti en se couchant sous l’aile mais il y a eu 3 autres morts. Le Second Maître MIGNOT, Mécanicien volant et Directeur de pont d’envol, tué par l’hélice d’un avion percuté et dont le moteur tournait encore ; 2 matelots de pont, mon quasi homonyme GIRAULT avec lequel j’entretenais des liens amicaux, et BLANC son collègue.
Et puis des blessés graves, FORTE affecté à la 1F, qui a eu une jambe arrachée et l’autre dilacérée, BRAI dont on s’est demandé s’il avait la rate éclatée et qui avait une épaule fracturée, LAHILLE avec 2 jambes brisées.
Il a fallu beaucoup de chance dans le malheur pour que cet accident n’entraîna pas d’avantage de conséquence, pour BESSE dont l’avion à été découpé en rondelle jusqu’à son siège, pour RICHEBE dont l’avion sous la poussée de la catastrophe à failli basculer à la mer, et qui s’en est tiré en sautant du plan sur lequel il se tenait, manqué de peu et par chance d’une hélice qui tournait.
Il a fallu jeter à la mer 5 HELLCAT et 1 HELLDIVER.
Dans le courant de l’après-midi un hélicoptère sanitaire piloté par une femme médecin devenue ultérieurement célèbre, le capitaine Valérie ANDRÉ, s’est posé sur le pont d’envol, pour emmener les blessés à HANOÏ.
En fin d’après-midi, j’ai été prié de prendre la tenue n° 1, pour accompagner, avec quelques camarades, les 4 morts, depuis la plage arrière ou leur corps reposaient sur des civières, jusqu’à la coupée où un escorteur basé à HAIPHONG les attendait. Leurs obsèques ont été célébrées le lendemain alors que nous avions repris la mer.
Je ne sais pourquoi, mais le vent qui agitait les drapeaux placés sur les brancards dévoilait aussi une odeur faite de sang et de produits pharmaceutiques, qui s’associant avec celle de la mer, me donnait une glaciale chair de poule qui s’associait à la tempête s’agitant sous mon crâne, à propos de la vie et de la mort.
Chaque année, j’y pense.