Voici la suite et la fin de mes aventures en Cochinchine.
Un beau jour, cap sur Cho Gao, machine en avant toute, direction Saïgon. La dinassaut va recevoir, arrivé flambant neuf des Etats-Unis, un L.S.S.L pour remplacer notre vieux 108. C'est la version moderne du L.C.I. améliorée dans tous les domaines, surtout celui de l'armement. Ce cuirassé miniature possède un armement redoutable: canon de 76,5, quatre canons de 40 en deux tourelles doubles, quatre canons de 20, etc...
Voici le bateau, rutilant, bourré d'équipements, de vivres, de tout. nous mesurons l'abîme qui sépare le potentiel américain, comparé à nos faibles moyens. Nous commençons de recevoir, mais au compte-goutte, le matériel américain réclamé par nos généraux. Les Américains commencent de se rendre compte que la guerre soutenue en Indochine n'est plus une guerre coloniale, mais qu'elle s'insère dans la résistance à l'hégémonie communiste dans le sud-est asiatique. La Corée, qui s'est enflammée en 1950, où les Américains sont engagés, leur a ouvert les yeux. En revanche, l'aide sera constamment octroyée du bout des lèvres, si l'on peut dire, avec l'arrière-pensée de nous remplacer un jour dans cette magnifique colonie. Ils y parviendront, pour leur malheur, quelques années plus tard. Mais ceci est une autre histoire.Pour le moment, nous sommes à Saïgon, à l'arsenal où j'espère bien tirer qeulques bonnes bordées avant de repartir. Dieu sait où.
Ma nomination de second est arrivée. Je passe quelques jours dans le poste d'équipage, puis accède au poste des "boeufs". Le confort et les équipements de ce bateau ne laissent pas de nous émerveiller. Il existe même des machines à laver le linge de l'équipage. Les boys annamites, chargés jusque là de ce travail, risquent de perdre leur place. La cambuse du bateau est pleine de vins de Californie étiquetés sans vergogne : Champagne, Sauternes, ou autres noms de grands crus français. La qualité n'est toutefois pas à la hauteur des étiquettes.
Le soir, bordée à Cholon avec mon ami Cadio, le second fusilier. Bien cuits, vers deux heures du matin, nous cherchons une âme soeur pour passer la nuit. Personne,; A cette heure, les rôles ont été distribués, les dames sont en main. Finalement, nous trouvons une attardée qui se fait forte de subvenir à tous nos besoins.
Mon changement de grade me vaut une nouvelle affectation. J'apprends que je suis nommé chef radio à Marine Phnom-Penh, au Cambodge. Pour moi, finie la guerre. Le Cambodge est une oasis de paix dans l'Indochine d'aujourd'hui. Seules quelques bandes armées de pirates, dont certains se réclament du communisme, sèment quelques troubles dans la brousse. Mais cela n'ira pas en s'arrangeant. Et je vais rapidement m'apercevoir que mon impression était quelque peu optimiste.
La casquette est toute neuve.