par Roger Tanguy Mar 29 Mar 2016 - 22:58
Mon grand-père, Hervé, un paysan qui s'y connaissait en chevaux, a fait son service militaire dans un régiment de dragons (cavalerie). 1909-1911.
Pour autant, il n'échappe pas à la mobilisation en 14, dans l'infanterie.
Dans l'historique du régiment, on peut lire le compte-rendu de ce départ dans une phraséologie typique de l'époque :
Au cours d'une prise d'armes passée avant le départ, le colonel, dans une harangue empreinte du plus pur patriotisme, indique à tous le chemin du devoir et la grandeur du sacrifice que la Patrie attend d'eux. Un immense cri de : « Vive la France » répond à ces nobles paroles. Le 7 août, le 62e R.I. s'embarque à Lorient. Le trajet de la caserne à la gare est, pour le régiment, une véritable marche triomphale. Une foule émue l'entoure et l'acclame sans discontinuer. Le sous-préfet, la municipalité et toute la population lorientaise se trouvent à la gare pour saluer le drapeau et les bataillons qui partent pour la frontière.
Les soldats sont animés d'un enthousiasme indescriptible ; des cris de joie s'élèvent de toutes parts, on a l'impression que chacun s'apprête à faire consciencieusement son devoir pour défendre le sol sacré de la Patrie menacée et déjà envahie.
Cet historique omet de préciser que le trajet de la caserne (Bisson) à la gare s'est fait sous une pluie diluvienne.
- Spoiler:
Mon pépé va connaître le baptême du feu à Messin (Belgique – 4782 morts), puis ce sera la Marne, la Somme (1914), la Champagne (1915) et Verdun, bien sûr (1916).
En juillet 1916, il passe au 1er régiment d'artillerie coloniale. S'est-on rappelé, que c'est un paysan, un ex-dragon ? Avant 1917, les régiments d'artillerie sont dits « montés ». C'est une artillerie hippomobile, tractée par des chevaux (environ 500 chevaux par régiment). On a besoin de gens qui savent conduire des chevaux.
En 1917 son régiment part pour Salonique, l'armée d'Orient, les Balkans. Il continue la guerre dans les Balkans (1918-1919) alors qu'en France, elle est terminée. Il en reviendra avec la malaria (marais de Macédoine) mais vivant. On peut dire que de la guerre, il aura eu son compte.
Son frère cadet François, est incorporé en septembre 1915. Il sera blessé au visage à Verdun, en 1917. Il n'est pas revenu de la guerre. Il n'est ni mort ni disparu, juste effacé des mémoires. Il n'a pas eu de descendance. Ses neveux et nièces, nés plus tard, n'ont jamais entendu parler de lui. A fortiori, les petit neveux ignorent qu'il a existé. Sauf un, moi. J'ai fini par retrouver son parcours (cela m'a pris des années – même sa fiche matricule, rayée, est inexploitable). Le 17 mars 2016, donc tout récemment, l'ONAC vient de m'informer qu'elle donnait une suite favorable à ma demande : François bénéficie depuis cette date de la mention Mort pour la France (il a été tué lors de la traversé de l'Avre, Picardie).
Le petit frère, Alain, n'échappe pas à la mobilisation. Il est incorporé en mai 1917.
Le 7 mai 1918, on peut lire dans le journal de marche et des opérations du 52ème RIC :
7 mai – journée calme. L'ennemi réagit encore contre nos tirs d'artillerie de tranchée par une cinquantaine de minen (ou minenwerfer, mortier de tranchées) de 10h15 à 11 h. L'après-midi, il recommence son tir de minen à 14h30...
pertes : néant
blessés :
3 artilleurs de tranchées blessés vers 16 heures
3 blessés par accident à la 7ème compagnie. Éclatement de grenades abandonnées.
L'un d'eux est Alain .
Blessé le 7 mai 1918 à Commercy. Arrachement du pied gauche et du ⅓ moyen de la jambe par éclats de grenade. Amputation jambe gauche. Son abdomen, ses intestins sont endommagés. Il est renvoyé dans ses foyers où c'est donc sans surprise qu'il décède peu après.
La mère, veuve, a perdu deux de ses garçons. Elle avait inscrit ses garçons à l'école (pas les filles), car ils auraient eu besoin de connaître le Français pour faire leur service militaire.