La contribution du Lafayette à l'évacuation des populations en juin et juillet 1962.

Récapitulation :
En juin, 3 voyages : 15/16 juin Bône /Marseille
18/19 juin Mers el Kébir/ Marseille puis Toulon
21/23 juin Alger (1200 karkis)/Marseille puis Toulon

En juillet, 4 voyages : 8/9 juillet Mers el Kébir/Toulon
17/18 juillet Mers el Kébir/Toulon
21/22 juillet Mers el Kébir/Toulon
25/26 juillet Mers el Kébir/Toulon
plus 28/29 juillet Alger/Toulon (hélicos)

Voyage du 8/9 juillet

""Dans son article du 10 juillet 1962, le journaliste de la République du Var écrivait en reprenant les propos du commandant du bâtiment que la traversée s'était bien passée.
Effectivement. Mais les conditions générales du transport furent assez pénibles, même si "l'équipage du La Fayette s'est multiplié". Le temps fut calme et la vitesse de traversée put atteindre 24 noeuds mais le porte-avions n'avait pas été conçu pour transporter autant de personnes.
A Mers-e-Kébir, au moment de l'embarquement en zone industrielle comme à Milhaud, la chaleur est étouffante, accablante. Des toiles de tente et des morceaux de tissus ont été tant bien que mal tendus pour abriter les réfugiés de la chaleur. Par ailleurs en Oranie, le désordre est très grand. C'est la fin d'un monde. "Les valises s'entassent partout, gênent le passage. On ne les enjambent plus. On marche dessus sans se soucier de savoir à qui elles appartiennent".
Le moment du chargement n'est pas toujours aisé : ainsi lors de la préparation d'un précédent voyage entre Bône et Marseille, le CV Duval avait déjà appelé l'attention de l'état-major sur l'impossibilité de charger 50 véhicules et 600 tonnes de bagages avec la seule grue du La Fayette qui ne pouvait soulever au maximum que 6 tonnes. Le tour de force a cependant été réalisé puisque lors de ses trois rotations, le porte-avions ne reste au total à Mers el Kébir que 15 heures pour charger 8000 passagers, 1000 tonnes de bagages et 400 voitures environ. A l'issue de la première rotation effectuée entre Mers el Kébir et Toulon, le CV Duval se montrera très élogieux quant à l'attitude de l'équipage "à tous les échelons remarquables de gentillesse et de dévouement", mais marquera aussi les limites d'un tel recours au porte-avions : " Le transport d'un tel nombre de passagers n'est possible qu'en cas d'extrême urgence et par très beau temps comme ce fut le cas pendant cette traversée. Sinon, il convient de ne pas dépasser 1 500". De même "l'embarquement des véhicules et des bagages en montée acceptées ici en raison des circonstances ne pourrait être renouvelé que si le port d'arrivée dispose d'une grue, ce qui n'est pas le cas actuellement der Toulon. L'embarquement et le débarquement par la seule grue du bord qui n'a pas été prévue pour un service continu demeure très aléatoire". Le second et le troisième voyage se dérouleront "sans incident" si ce n'est les 4 dernières heures de la traversée soumise au mistral et à une forte houle.""

Voyage du 21/22 juillet

""Le porte-avions La Fayette est dépêché en Algérie pour une troisième rotation. Si les réfugiés ne sont plus que 1870 et que la situation est en voie de "normalisation", il n'en demeure pas moins que "l'appréhension du lendemain, et surtout de la nuit, demeure". Le transit reste encore délicat le 22 juillet : l'attente avant l'embarquement est de 4 jours au minimum dans les locaux des compagnies maritimes.""

""Paris Jour décrit le transport des hardes des réfugiés : "Sur sa piste d'envol : des réfrigérateurs, des postes de télévision, des machines à laver au milieu d'un assortiment de valises ficelées. Tout un bric-à-brac que les matelots devaient enjamber pour effectuer les manoeuvres de départ". A l'intérieur du porte-avions non prévu pour cela, le maintien des conditions minimales d'hygiène est difficile pour ne pas dire impossible. Dans son article du 19 juillet, le journaliste du Méridional-La France évoquera "l'odeur exhalée par le hangar d'aviation où un immense conglomérat d'hommes, de femmes et d'enfants offraient la désolante image immortalisée par Exodus, ces petites gens avec des "bagages de la honte" qui sont ceux des migrations de la désespérance et de la peur""".

Voyage 21/23 juin Alger Marseille
Toujours selon les mêmes sources

""Le Monde publie une dépêche de l'Agence France Presse annonçant que "le porte-avions La Fayette a quitté vendredi après-midi Alger pour la métropole avec à son bord 1 100 harkis et leurs familles". Mais dans cette première période qui précède les évènements du 5 juillet à Oran, ces rapatriements sont alors envisagées sous un angle un peu narquois : ainsi Paris-Jour ne manque pas de souligner dans la légende d'une photographie montrant une Peugeot 404 en cours de déchargement du pont du porte-avions sur le quai du port de Marseille qu'avec ces harkis "de nombreux Français d'Algérie s'étaient embarqués, en prenant soin de ramener également leur voiture"."

Voyage 8/9 juillet Mers el Kébir Toulon (1ère mission de juillet)

""Le Monde dans son édition du 9 juillet 1962 note que "Le porte-avions La Fayette évacue les familles du personnel de Mers el Kébir" soit un total de 2 500 personnes débarquées à Marseille et autant à Toulon qui s'ajoutent aux 576 FSNA arrivés le dimanche précédent.
Mais la presse quotidienne provençale se fait elle aussi l'écho régulier et beaucoup plus précis de ces transports. Cela est fort logique car son lectorat assiste à ces rapatriements. Ainsi Le Provençal et Le Petit Varois-La Marseillaise rapportent l'arrivée des 2 500 réfugiés avec de plus amples détails dramatiques, insistant sur les qualités de coeur du commandant du porte-avions qui, par charité, a pris à son bord plus de personnes qu'il n'avait été initialement prévu et ordonné.""
""Une fois les opérations de contrôles effectuées par les fonctionnaires de la Sûreté nationale héliportées avant même l'arrivée en vue des côtes métropolitaines, le porte-avions accoste : des ambulances de la Marine, de la Croix-Rouge, de la Fédération nationale de sauvetage évacuent d'abord les invalides et les impotents vers les hôpitaux (Sainte Anne ou Foch). Le transbordement se fait alors pour les autres passagers par autocars privés réquisitionnés de l'appontement de Milhaud vers le 5ème dépôt des équipages""

17/18 juillet Mers el Kébir/Toulon (2ème mission de juillet)

""Le 17 juillet, le porte-avions La Fayette embarque donc à Mers el Kébir 2643 réfugiés d'Oranie : plus de 500 d'entre eux campaient sur le part de la base depuis une semaine et le reste dans les centres de l'armée de Terre, des entrepôts, à la gare maritime et sur les quais du port d'Oran, sous la protection de la troupe. "Ils couchaient à même le sol, mangeaient à la gamelle". Cette fois, le CV Duval ne pourra pas prendre tout le monde à bord : "il a fallu faire un choix dramatique" A ce la s'ajoutent 80 voitures et 350 mètres cubes de bagages. L'entassement était tel à bord que le La Fayette a forcé les machines : filant à 26 noeuds, il est arrivé à Toulon avec 24 heures d'avance. "L'installation de 2 633 personnes, malgré des trésors de bonne volonté était précaire. Il fallait en finir au plus vite et les ramener à Toulon dans les plus brefs délais. Ce que nous avons fait" dira-t-il à son arrivée aux journalistes. Les passagers se sont disciplinés eux-mêmes et des responsables de groups ont été désignés au sein de l'équipage. Deux cent familles de l'armée de Terre, de la Marine ou de l'armée de l'Air, soit 8 à 900 personnes composent une partie de ce second flux de réfugiés."

21/22 juillet Mers el Kébir/Toulon (3ème mission de juillet)

"Une troisième mission de transport est décidée pour le PA La Fayette le 20 juillet. Et trois jours plus tard, débarquent à Toulon sur les appontements de Milhaud 1 870 réfugiés d'Oran, avec 166 voitures et 250 mètres cubes de bagages. Il s'agit de 350 sous-officiers des groupes mobiles de sécurité dont 7 Musulmans et 12 harkis, tous avec leurs familles, soit un total de 600 personnes."