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DERNIERS SUJETS
[Divers commando] Commando François
† Fanch 56- FONDATEUR
- Age : 75
- Message n°127
Re: [Divers commando] Commando François
Reçu par mail de Stan
Citation
Info
D/c Hier de Felix MEVEL Ancien rescapé du Cdo François......Grande figure des Fusco.
Peut être etes vous informé mais mieux vaut 2 fois que pas du tout....
Stan
fin de citation
Citation
Info
D/c Hier de Felix MEVEL Ancien rescapé du Cdo François......Grande figure des Fusco.
Peut être etes vous informé mais mieux vaut 2 fois que pas du tout....
Stan
fin de citation
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°134
Re: [Divers commando] Commando François
Cet ouvrage de René BAIL a été réédité en 2003 chez GRANCHER sous le titre "COMMANDOS-MARINE AU COMBAT". l'ouvrage "CORSAIR EN BERET VERT" avait été "tripatouillé" par Erwan BERGOT au grand dam de René qui avait été mis devant le fait accompli. Pour la réédition, je l'ai "dactylographié" d'après le manuscrit original. Malheureusement GRANCHER s'est limité à 350 pages et il en manque donc une centaine par rapport au manuscrit. On y trouve des références à des annexes qui sont introuvables.
Le "massacre" du commando François y est longuement décrit avec en plus les émouvants témoignages de Marceau SIMON, YONGER, Roland BURNICHON et Gilbert CHARLOTTE.
Le "massacre" du commando François y est longuement décrit avec en plus les émouvants témoignages de Marceau SIMON, YONGER, Roland BURNICHON et Gilbert CHARLOTTE.
Guérin Robert- QM 1
- Age : 79
- Message n°135
Re: [Divers commando] Commando François
Bonjour Daniel
Merci Daniel denous présenter ce bouquin qui manque à ma bibliothèque,je vais essayer de le trouver en librérie.
j'ai "CORSAIRES EN BERET VERT" de RENE BAIL et il fait 311 pages,livre trés intéréssant d'ailleur (pour les fans)
Merci Daniel denous présenter ce bouquin qui manque à ma bibliothèque,je vais essayer de le trouver en librérie.
j'ai "CORSAIRES EN BERET VERT" de RENE BAIL et il fait 311 pages,livre trés intéréssant d'ailleur (pour les fans)
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°136
Re: [Divers commando] Commando François
Je vais vous poster en plusieurs fois les témoignages de certains des hommes du "commando François" à la suite de l'affaire de Ninh-Binh. Ils sont extraits de l'ouvrage de René BAIL "COMMANDOS-MARINE AU COMBAT" cité plus haut :
Second-maître Marceau Simon
Nous retrouvons maintenant le second-maître Simon, après qu'il ait été abandonné sur son ordre, par le quartier-maître Caroff. Ce dernier, souvenons nous, avait récupéré l'arme, les équipements et les munitions de son chef. Le quartier-maître Mevel qui passait quelques instants plus tard sur les lieux, avait cru Simon mort. Ce dernier a décrit les moments qu'il a vécu après s'être retrouvé seul…
“Lorsque je repris connaissance, il faisait grand jour. Je parvins à me soulever, mais péniblement. C'est là que je vis d'ailleurs que l'on m'avait dépouillé de tous mes vêtements… Les Viêts sans nul doute étaient passés par là !
Mes blessures ne me faisaient pas tellement souffrir, quoique mon visage était tout endolori et ensanglanté. Ces putains de Viêts avaient dû contrôler mon état à coups de crosse ou autre traitement du même genre.
J'étais en vie, bien sûr, mais ma situation n'était pas des plus enviables. Mes deux bras étaient bien “amochés” et la jambe droite ne valait guère mieux.
Néanmoins, l'esprit de conservation aidant, je décidais de tenter ma chance en essayant de regagner le rach et, de là, à me laisser porter par le courant en direction du rocher.(1)
Premier point : Il était nécessaire de me repérer. Aussi je tentais de me soulever un peu plus pour me dégager des herbes… Quand une rafale éclata non loin de là (je n'ai jamais su si c'étaient les Viêts ou les nôtres). Inutile de dire que j'étais plaqué à terre et que le cœur battait à tout rompre. Reprenant mes esprits, j'entamais une longue progression en direction du rach, par reptation dorsale.
La peau en prenait un coup avec l'herbe et les pierres, mais maintenant, comme j'avais réussi à survivre à cette terrible nuit, j'estimais, j'espérais pouvoir m'en tirer…
Il ne faut jamais composer avec l'avenir, l'espoir et toutes ces choses aberrantes. Cela faisait combien de temps… dix minutes, un quart d'heure peut-être ? Je m'arrêtais. Des bruits de voix semblaient provenir de la droite. J'avoue que je ne me sentais guère vaillant. Toutefois, en me cramponnant, je parvins à jeter un coup d'œil par dessus une diguette que je longeais. Avec consternation, je constatais que je me trouvais en plein milieu des troupes viêts. Inutile de continuer dans cette direction.
Pour le moment, il valait mieux ne pas bouger, aussi je me laissais aller, face contre terre, et décidais d'attendre ainsi dans l'espoir que les Viêts ne s'avisent pas de rappliquer de mon côté.
Hélas !… c'était net, les voix se rapprochaient. Quelques instants plus tard, les Viêts s'arrêtaient à côté de moi. Je tremblais intérieurement, mais j'avais la désagréable impression de bouger. Les “autres”, pour le moment, ne faisaient que parler… pourvu qu'ils ne contrôlent pas mon état, pensais-je, et il pouvaient aussi bien le faire avec une baïonnette. Mais, me voyant complètement dénudé, ils ont dû me croire mort et continuèrent leur route.
J'en étais quitte pour une sacrée frousse, mais le sort m'en réservait d'autres, et des meilleures.
Jugeant, au bout d'un certain temps, que je pouvais repartir, je me remis sur le dos. Halte ! Encore du bruit et non loin de moi. Voulant voir… Non ! Ce n'était pas vrai… Un groupe de mortier s'installait à une quinzaine de mètres de moi et je dois signaler là, que sur les cinq hommes, deux, au moins, étaient des Allemands, car, par la suite, tous les commandements étaient donnés dans cette langue. On peut même déduire qu'il y avait le chef de pièce et le tireur. De toutes façons, dans l'impossibilité de bouger par crainte d'être repéré, il me fallait attendre la suite des événements. Ce qui n'allait pas tarder.
La chasse, demandée depuis le début de l'accrochage, arriva sur les lieux. Trois chasseurs-bombardiers, des Hellcat ou des Bearcat (2) je ne sais plus. Une passe leur suffit pour repérer les mortiers. Le reste allait suivre. Je les ai entendu venir, la différence de régime en piqué et la “sauce” qu'ils balançaient, les uns après les autres, le ronflement après durant la ressource… Ils ont fait ainsi plusieurs passes chacun.
A la distance où je me trouvais, je me demande encore par quel miracle je ne fus pas touché. J'ai vu les impacts autour de moi. Du côté des mortiers, alors là ils ont eu leur ration. Plusieurs ont dû être tués ou blessés, car, lorsqu'ils ont décroché, j'ai vu des Viêts qui transportaient des corps.
Une fois de plus j'avais échappé à la mort et là, cela aurait pu arriver avec des balles françaises. Cette alerte passée, et ayant récupéré mon souffle, je reprenais ma progression, toujours sur le dos !
Je n'avais même pas réfléchi combien de temps j'allais pouvoir étaler ainsi, j'avançais… un point c'est tout, quoique maintenant, avec la chaleur et tout ce que j'avais subi, la soif devenait insupportable. Me sentant mal, la vue du rocher, but de tous mes efforts, me dopait. Je commençais à croire à la fin de ce cauchemar. Réunissant toutes mes forces, je me redressais assez haut pour faire signe aux gens du poste, accroché au faible espoir d'être vu.
Quelqu'un m'a vu, sans nul doute, je me laissais retomber, épuisé, tandis que des rafales passaient à proximité et à la limite du découragement, je m'évanouissais.
Combien de temps suis-je resté ainsi dans le coltar ?… D'abord j'entendis comme un lourd bourdonnement dans mes oreilles, puis, plus distinctement des voix. Je compris même que c'étaient des Viêts, d'après leur langage… J'ouvris les yeux. Là, tout autour de moi, des Viêts braquant leurs mitraillettes sur moi…
En arriver là après tant d'efforts. C'était pas vrai, il n'y avait plus de Bon Dieu !…
Je réalisais difficilement leur comportement, jusqu'à l'arrivée d'un Européen… un sergent français ! Ceux que j'avais pris pour des Viêts étaient en fait des Viêtnamiens de l'armée régulière… J'étais sauvé !
Le sergent, après m'avoir demandé mon identité et mon grade, envoyait un message radio pour me signaler. La réponse confirmait, quelques instants plus tard, que j'étais porté sur la liste des disparus.
Ensuite, tout se passa très vite, comme un film qu'on projette en accéléré. Je recevais les premiers soins sur place, puis on me brancardais jusqu'au pied du grand rocher. De là, je fus embarqué sur un L.C.M., dont le patron , le maître Corbel, un bon vieux collègue, me donna à boire… enfin ! C'était O.K. pour le moment.
Après ordres et contre-ordres, je fus transbordé sur un L.S.T., à destination de Nam-Dinh, avec mon camarade Pihan. De là nous fûmes évacués sur Hanoi par un “mouchard” (Morane-500), dont le pilote s'était mis à la disposition du médecin-major. C'est grâce à lui que je fus sauvé. Vu l'empressement à l'arrivée à l'hôpital, la mise en place rapide de la transfusion qui allait durer plusieurs heures, je compris qu'il était grand temps. D'ailleurs, le “toubib” me le confirmera plus tard.”
Second-maître Marceau Simon
Nous retrouvons maintenant le second-maître Simon, après qu'il ait été abandonné sur son ordre, par le quartier-maître Caroff. Ce dernier, souvenons nous, avait récupéré l'arme, les équipements et les munitions de son chef. Le quartier-maître Mevel qui passait quelques instants plus tard sur les lieux, avait cru Simon mort. Ce dernier a décrit les moments qu'il a vécu après s'être retrouvé seul…
“Lorsque je repris connaissance, il faisait grand jour. Je parvins à me soulever, mais péniblement. C'est là que je vis d'ailleurs que l'on m'avait dépouillé de tous mes vêtements… Les Viêts sans nul doute étaient passés par là !
Mes blessures ne me faisaient pas tellement souffrir, quoique mon visage était tout endolori et ensanglanté. Ces putains de Viêts avaient dû contrôler mon état à coups de crosse ou autre traitement du même genre.
J'étais en vie, bien sûr, mais ma situation n'était pas des plus enviables. Mes deux bras étaient bien “amochés” et la jambe droite ne valait guère mieux.
Néanmoins, l'esprit de conservation aidant, je décidais de tenter ma chance en essayant de regagner le rach et, de là, à me laisser porter par le courant en direction du rocher.(1)
Premier point : Il était nécessaire de me repérer. Aussi je tentais de me soulever un peu plus pour me dégager des herbes… Quand une rafale éclata non loin de là (je n'ai jamais su si c'étaient les Viêts ou les nôtres). Inutile de dire que j'étais plaqué à terre et que le cœur battait à tout rompre. Reprenant mes esprits, j'entamais une longue progression en direction du rach, par reptation dorsale.
La peau en prenait un coup avec l'herbe et les pierres, mais maintenant, comme j'avais réussi à survivre à cette terrible nuit, j'estimais, j'espérais pouvoir m'en tirer…
Il ne faut jamais composer avec l'avenir, l'espoir et toutes ces choses aberrantes. Cela faisait combien de temps… dix minutes, un quart d'heure peut-être ? Je m'arrêtais. Des bruits de voix semblaient provenir de la droite. J'avoue que je ne me sentais guère vaillant. Toutefois, en me cramponnant, je parvins à jeter un coup d'œil par dessus une diguette que je longeais. Avec consternation, je constatais que je me trouvais en plein milieu des troupes viêts. Inutile de continuer dans cette direction.
Pour le moment, il valait mieux ne pas bouger, aussi je me laissais aller, face contre terre, et décidais d'attendre ainsi dans l'espoir que les Viêts ne s'avisent pas de rappliquer de mon côté.
Hélas !… c'était net, les voix se rapprochaient. Quelques instants plus tard, les Viêts s'arrêtaient à côté de moi. Je tremblais intérieurement, mais j'avais la désagréable impression de bouger. Les “autres”, pour le moment, ne faisaient que parler… pourvu qu'ils ne contrôlent pas mon état, pensais-je, et il pouvaient aussi bien le faire avec une baïonnette. Mais, me voyant complètement dénudé, ils ont dû me croire mort et continuèrent leur route.
J'en étais quitte pour une sacrée frousse, mais le sort m'en réservait d'autres, et des meilleures.
Jugeant, au bout d'un certain temps, que je pouvais repartir, je me remis sur le dos. Halte ! Encore du bruit et non loin de moi. Voulant voir… Non ! Ce n'était pas vrai… Un groupe de mortier s'installait à une quinzaine de mètres de moi et je dois signaler là, que sur les cinq hommes, deux, au moins, étaient des Allemands, car, par la suite, tous les commandements étaient donnés dans cette langue. On peut même déduire qu'il y avait le chef de pièce et le tireur. De toutes façons, dans l'impossibilité de bouger par crainte d'être repéré, il me fallait attendre la suite des événements. Ce qui n'allait pas tarder.
La chasse, demandée depuis le début de l'accrochage, arriva sur les lieux. Trois chasseurs-bombardiers, des Hellcat ou des Bearcat (2) je ne sais plus. Une passe leur suffit pour repérer les mortiers. Le reste allait suivre. Je les ai entendu venir, la différence de régime en piqué et la “sauce” qu'ils balançaient, les uns après les autres, le ronflement après durant la ressource… Ils ont fait ainsi plusieurs passes chacun.
A la distance où je me trouvais, je me demande encore par quel miracle je ne fus pas touché. J'ai vu les impacts autour de moi. Du côté des mortiers, alors là ils ont eu leur ration. Plusieurs ont dû être tués ou blessés, car, lorsqu'ils ont décroché, j'ai vu des Viêts qui transportaient des corps.
Une fois de plus j'avais échappé à la mort et là, cela aurait pu arriver avec des balles françaises. Cette alerte passée, et ayant récupéré mon souffle, je reprenais ma progression, toujours sur le dos !
Je n'avais même pas réfléchi combien de temps j'allais pouvoir étaler ainsi, j'avançais… un point c'est tout, quoique maintenant, avec la chaleur et tout ce que j'avais subi, la soif devenait insupportable. Me sentant mal, la vue du rocher, but de tous mes efforts, me dopait. Je commençais à croire à la fin de ce cauchemar. Réunissant toutes mes forces, je me redressais assez haut pour faire signe aux gens du poste, accroché au faible espoir d'être vu.
Quelqu'un m'a vu, sans nul doute, je me laissais retomber, épuisé, tandis que des rafales passaient à proximité et à la limite du découragement, je m'évanouissais.
Combien de temps suis-je resté ainsi dans le coltar ?… D'abord j'entendis comme un lourd bourdonnement dans mes oreilles, puis, plus distinctement des voix. Je compris même que c'étaient des Viêts, d'après leur langage… J'ouvris les yeux. Là, tout autour de moi, des Viêts braquant leurs mitraillettes sur moi…
En arriver là après tant d'efforts. C'était pas vrai, il n'y avait plus de Bon Dieu !…
Je réalisais difficilement leur comportement, jusqu'à l'arrivée d'un Européen… un sergent français ! Ceux que j'avais pris pour des Viêts étaient en fait des Viêtnamiens de l'armée régulière… J'étais sauvé !
Le sergent, après m'avoir demandé mon identité et mon grade, envoyait un message radio pour me signaler. La réponse confirmait, quelques instants plus tard, que j'étais porté sur la liste des disparus.
Ensuite, tout se passa très vite, comme un film qu'on projette en accéléré. Je recevais les premiers soins sur place, puis on me brancardais jusqu'au pied du grand rocher. De là, je fus embarqué sur un L.C.M., dont le patron , le maître Corbel, un bon vieux collègue, me donna à boire… enfin ! C'était O.K. pour le moment.
Après ordres et contre-ordres, je fus transbordé sur un L.S.T., à destination de Nam-Dinh, avec mon camarade Pihan. De là nous fûmes évacués sur Hanoi par un “mouchard” (Morane-500), dont le pilote s'était mis à la disposition du médecin-major. C'est grâce à lui que je fus sauvé. Vu l'empressement à l'arrivée à l'hôpital, la mise en place rapide de la transfusion qui allait durer plusieurs heures, je compris qu'il était grand temps. D'ailleurs, le “toubib” me le confirmera plus tard.”
Dernière édition par le Sam 19 Mai 2007 - 13:55, édité 1 fois
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°137
Re: [Divers commando] Commando François
Quartier-maître Yonger
Grièvement blessé par un éclat de mortier qui lui a arraché un grand morceau de la fesse, Yonger est resté allongé sur le terrain, à une quarantaine de mètres des pagodons. Après avoir tenté plusieurs fois de regagner le rach, mais trop affaibli, il renonce. Puis, voyant passer Cazeau près de lui, il lui remet son arme. (3)
Le jour est levé et les Viêts ont commencé le ratissage. L'un d'eux apercevant Yonger allongé face contre terre, s'approche et l'empoigne pour le retourner. Le croit-il mort ? Toutefois, un gémissement du blessé le fait bondir en arrière et manœuvrer rapidement la culasse de son fusil.
Braquant son arme, il attend, puis voyant l'état de faiblesse du blessé, il revient vers lui. Visiblement il ne parle pas le français et c'est à l'aide de signes qu'il demande à Yonger où se trouve son arme. Celui-ci lui demande d'abord de l'eau en montrant la gourde. Le Viêt refuse, puis s'éloigne sans insister.
Un peu plus loin, sur la route du rach, des Européens discutent vivement avec des Viêts, des officiers sans doute, Yonger ne voit pas bien. De temps en temps, ils font quelques pas qui les rapprochent de Yonger. A un moment donné, il peut même entendre un Européen, qui semble donner des ordres de temps à autre, s'écrier plusieurs fois de suite et en français : “Non… Moi je ne comprends pas… non vraiment pas !”
Le soleil cogne dur et la soif torture Yonger. Plusieurs fois il demande de l'eau à des Viêts qui passent, mais la réponse est toujours négative.
Désespérant d'obtenir de l'eau, le blessé appelle un autre Viêt et lui demande :
- Oh… transportez-moi à l'église, je serai à l'ombre au moins.
- Moi demander lieutenant, répond le bo-doï en s'éloignant. Il l'attend encore !…
Soudain, un bruit de moteur se fait entendre dans le ciel… Un “criquet” (4) arrive sur les lieux afin d'observer les mouvements des Viêts. Animé par un fol espoir, Yonger se soulève et fait des gestes d'un seul bras, mais en vain, l'avion s'éloigne. Les Viêts, quant à eux, se sont parfaitement camouflés, certains même au milieu du troupeau de buffles, en se blotissant sous les bêtes.
Ce sera seulement à 17 heures, lors de la contre-attaque, que Massebœuf retrouvera Yonger allongé auprès d'une maigre flaque d'eau boueuse, dans laquelle il avait essayé de boire. Après quelques soins rapides, il sera brancardé vers le poste du Day pour y être évacué.
Encore un qui rentrait et qui n'y croyait plus !…
Grièvement blessé par un éclat de mortier qui lui a arraché un grand morceau de la fesse, Yonger est resté allongé sur le terrain, à une quarantaine de mètres des pagodons. Après avoir tenté plusieurs fois de regagner le rach, mais trop affaibli, il renonce. Puis, voyant passer Cazeau près de lui, il lui remet son arme. (3)
Le jour est levé et les Viêts ont commencé le ratissage. L'un d'eux apercevant Yonger allongé face contre terre, s'approche et l'empoigne pour le retourner. Le croit-il mort ? Toutefois, un gémissement du blessé le fait bondir en arrière et manœuvrer rapidement la culasse de son fusil.
Braquant son arme, il attend, puis voyant l'état de faiblesse du blessé, il revient vers lui. Visiblement il ne parle pas le français et c'est à l'aide de signes qu'il demande à Yonger où se trouve son arme. Celui-ci lui demande d'abord de l'eau en montrant la gourde. Le Viêt refuse, puis s'éloigne sans insister.
Un peu plus loin, sur la route du rach, des Européens discutent vivement avec des Viêts, des officiers sans doute, Yonger ne voit pas bien. De temps en temps, ils font quelques pas qui les rapprochent de Yonger. A un moment donné, il peut même entendre un Européen, qui semble donner des ordres de temps à autre, s'écrier plusieurs fois de suite et en français : “Non… Moi je ne comprends pas… non vraiment pas !”
Le soleil cogne dur et la soif torture Yonger. Plusieurs fois il demande de l'eau à des Viêts qui passent, mais la réponse est toujours négative.
Désespérant d'obtenir de l'eau, le blessé appelle un autre Viêt et lui demande :
- Oh… transportez-moi à l'église, je serai à l'ombre au moins.
- Moi demander lieutenant, répond le bo-doï en s'éloignant. Il l'attend encore !…
Soudain, un bruit de moteur se fait entendre dans le ciel… Un “criquet” (4) arrive sur les lieux afin d'observer les mouvements des Viêts. Animé par un fol espoir, Yonger se soulève et fait des gestes d'un seul bras, mais en vain, l'avion s'éloigne. Les Viêts, quant à eux, se sont parfaitement camouflés, certains même au milieu du troupeau de buffles, en se blotissant sous les bêtes.
Ce sera seulement à 17 heures, lors de la contre-attaque, que Massebœuf retrouvera Yonger allongé auprès d'une maigre flaque d'eau boueuse, dans laquelle il avait essayé de boire. Après quelques soins rapides, il sera brancardé vers le poste du Day pour y être évacué.
Encore un qui rentrait et qui n'y croyait plus !…
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°138
Re: [Divers commando] Commando François
Quartier-maître Jacques Burnichon
Placé en renfort après la patrouille, le groupe “C” de Poullélaouen a pris position derrière l'église. La pièce est placée sur le côté droit, parmi les brousailles et les arbustes, quant à la voltige, elle se tient sur l'arrière des bâtiments affectés aux cuisines et aux réfectoires. La liaison entre les deux éléments est assurée par le quartier-maître Burnichon, posté à l'extrémité droite des bâtiments.
C'est à cet endroit que l'attaque va le surprendre, sans qu'il ait eu le temps de contacter ses camarades de groupe. Il raconte :
“Dès que j'entendis le coup de départ et l'arrivée sur l'église, je compris qu'on allait être accrochés sérieusement. Quelques secondes plus tard, les armes automatiques viêts entrèrent dans la danse. La meilleure solution pour moi était de m'accroupir dans le coin d'une fenêtre et de tirer… au juger, sur des ombres en mouvement. Quelquefois, je parvenais à distinguer des silhouettes à la faveur des explosions, mais dans cette nuit, c'était la pagaille noire, pour employer l'expression le plus juste.
Soudain, d'un seul bond, quelqu'un pénétra dans la pièce où je m'étais embusqué, en criant : “la “Burniche”… ne tire-pas, c'est moi, Joe…” C'était le grand Joe le Corre. Il était temps, encore un peu et je lui faisais sa fête ! Il prit position à une autre fenêtre et ouvrit le feu sur des ombres. Mais à nous deux, on ne pouvait qu'attirer l'attention des Viêts… et leur riposte !
Comme il fallait s'y attendre, une giclée de “bastos” percuta les murs et les gamelles qui se trouvaient là. Ils nous avaient repérés. Rien que le bruit des impacts sur le métal des ustensiles de cuisine portait sur les nerfs. Joe me dit :
- On ne peut pas rester là… il faut rejoindre les autres…
- Bon, ejecte en vitesse, je te couvre”, fut ma réponse.
Il sauta aussitôt par la fenêtre et disparut dans la nuit, tandis que moi, je tirais, tout en changeant de fenêtre pour ne pas me faire localiser avec précision. En plus, j'essayais de leur faire “croire” qu'il y avait plusieurs tireurs. Je ne sais pas ce qu'ils ont cru, toutefois, ces salauds ont réussi à s'approcher suffisamment près pour me balancer quelques grenades. Heureusement que je les avais entendu fuser, immédiatement je plongeais dans un recoin, une sorte de début de couloir.
Bon Dieu, quelles explosions !… J'étais bien “sonné”, mais indemne. Néanmoins, je restais à terre, immobile, au cas où ces salauds auraient la fantaisie de contrôler leur bilan, mais personne ne vint. Croyant mon cas réglé, ils avaient dû continuer leur progression.
Je me relevais et m'approchais de ce qui restait de la porte. Dehors ça canardait de partout et l'église bloquait encore des coups de mortiers, de canons sans recul… Le matraquage, quoi ! Les copains devaient salement déguster.
A la lueur des grenades incendiaires ou des explosions de toutes sortes, je pouvais voir les différentes vagues d'assaut avec leurs moyens d'attaque, également différents. Les premières armées de grenades, de bambous dynamite (5) et de coupe-coupes. Venaient ensuite celles qui portaient les échelles de bambou. Pour s'assurer de pouvoir mettre les échelles en place, plusieurs hommes en tenaient les montants pour permettre qu'au moins un autre puisse réussir à l'escalader.
D'autres vagues suivaient, armées de façon disparate et enfin les bo-doïs, les réguliers en treillis et casque en latanier ; leur armement était plus homogène et conséquent. (6)
Décidé, je fis un bond dehors et me retrouvais dans l'herbe haute, attendant une quelconque réaction… mais rien ! Je me relevais et, profitant de l'obscurité, je démarrais en direction du parvis. D'un seul coup je sentis les Viêts partout autour de moi ; cela grenouillait sec ! Je ne pouvais faire autrement qu'avancer en même temps qu'eux. Autant dire que je ne bronchais pas.
Je réussis à m'esquiver à hauteur du parvis. En arrivant en bas des marches, j'aperçus un corps couché en travers, un commando. Dans la nuit je ne parvenais pas à distinguer qui et je n'eus pas le temps d'approfondir la question... une rafale, partie de je ne sais où, vint percuter le mur non loin de moi ; je fis un bond à l'intérieur de l'église. Tout “cramait” dedans… Il il avait de la fumée, de la poussière, mais plus personne !
Seul !… J'étais seul au milieu de tous ces Viêts. Je tournais sur moi même, indécis ; que faire maintenant ? Puis je pensais soudainement au clocher. Comment l'idée me vint, comment ai-je escaladé les échelons de la première échelle ?… Je ne sais plus !
Pour monter tout en haut, il fallait escalader trois échelles successives, séparées par des paliers comportant des petites trappes. Tout là-haut, il y avait un étroit local contenant la cloche. Parvenu à cet endroit, je tentais de retrouver mes esprits et de me concentrer. Je n'étais pas blessé et j'avais toujours ma MAT, bien sûr, mais il ne me restait qu'un demi-chargeur. Ce n'était pas lourd, mais suffisamment réconfortant sur le plan moral.
Dehors ça tirait toujours, quoique cela paraissait s'éloigner de l'église. J'en étais là de mes réflexions, lorsque j'entendis un bruit provenant d'en bas, dans l'église. Fait encore plus grave, il me semblait bien que quelqu'un commençait à monter les échelles. Je me plaquais vivement debout contre la cloche, mitraillette braquée, prêt à défendre chèrement ma peau. L'inconvénient dans cette situation était qu'étant plus grand que la cloche, mes jambes étaient visibles au-dessous et, si le Viêt… D'ailleurs, il était arrivé à la hauteur de la dernière trappe. Je distinguais une faible lueur tremblotante, du moins indirectement, car je ne me serais pas risqué à regarder. Les nerfs tendus, l'attente me parut interminable. Je retenais ma respiration et j'avais l'impression que le bruit de mon cœur qui me martelait la poitrine résonnait dans tout le local. Ce Viêt a-t-il eu peur, ou négligea-t-il de vérifier à fond ?… Toutefois, il ne monta pas plus haut et commença à descendre, lentement, tandis que je restais là, figé sur place, comme assomé par cette alerte.
Après avoir soufflé pour décompresser, je réalisais que ma situation aurait pu être pire. J'étais indemne et ma présence ignorée des Viêts, espérant toutefois que cela durerait. Jusqu'à maintenant la nuit m'avait servi, mais le jour commençait à pointer.
Je pouvais mieux distinguer les recoins de mon refuge. Dans un angle j'apercevais les postes-radio C9 et 300 du Commando. J'aurais bien voulu entrer en contact avec les nôtres, indiquer ma position et celles des Viêts, mais j'ignorais complètement le fonctionnement des appareils et les “channels”. (7)
L'arrivée du jour permettait aux Viêts de fouiller l'église, à la recherche des équipements abandonnés par les commandos et réutilisables. Je les voyais très bien circuler, regardant par les claires-voies. Ça grouillait, il y en avait partout, une véritable fourmilière. Je me demandais par quel moyen j'allais pouvoir m'en tirer.
Je pensais à différentes manières de m'en sortir, mais ne m'intéressais plus du tout aux événements extérieurs. Ils allaient se charger de me remettre brusquement dans l'ambiance.
Les renforts arrivaient par le Day et par la route de Nam-Dinh. A première vue c'était très réconfortant, jusqu'au moment où les bâtiments de la Dinassaut se sont mis à tirer, particulièrement le L.C.I. 102, qui prit le clocher comme objectif.
Sans avoir le temps de comprendre ce qui m'arrivait, je fus projeté à terre par le souffle d'un obus qui traversa le clocher de part en part, sans heureusement exploser ; du moins c'est ce que j'en déduisis par la suite. Combien de temps suis-je resté inconscient ?… Je ne sais, mais je perçus vaguement d'autres explosions.
En ouvrant les yeux, je vis des trous béants dans les murs de mon abris. Je me redressais péniblement, les membres endoloris. Le clocher avait “morflé”. Non seulement il y avait les trous, mais plus grave encore, la poussière qui colmatait les interstices du plancher était tombée et je voyais distinctement les Viêts en-dessous de moi. S'ils levaient la tête, ils pouvaient maintenant me voir également. J'étais dans une situation critique.
Continuant mon évaluation des dégâts, j'apercevais avec effroi un obus non explosé, calé dans le plancher du dessous, au niveau de la deuxième trappe ! Il suffisait maintenant d'un autre choc, tout sauterait et c'en serait fini de “la Burniche” !
Tous ces événements qui se succédaient avec une rapidité déconcertante, l'angoisse d'une fin dramatique et quasi certaine, achevèrent de me démoraliser.
Succombant à un moment de défaillance, j'eus soudain envie d'en finir avec la vie et de provoquer mon destin. Je présentais mon corps devant une brêche, l'offrant volontairement aux coups qui inévitablement allaient suivre. Mais l'instinct de conservation était quand même le plus fort. Je me reprenais et commençais à ramasser, le plus discrètement possible, des débris divers pour colmater à nouveau les défauts du plancher.
L'entracte ne fut pas long. A ce moment la chasse intervint… b****l ! (comme disent les aviateurs). Des chasseurs-bombardier “Bearcat” se mirent à arroser les alentours et le clocher. J'eus juste le temps de plonger sous la cloche que des projectiles vinrent la percuter. La résonance provoquée par les impacts était infernale ; ça me cognait dans la tête… çà me faisait mal, mais au moins je ne fus pas atteint.
Sitôt l'alerte passée, une colère sourde s'empara de moi. Ce n'étais tout de même pas vrai, Bon Dieu !… Tous ces événements qui s'enchaînaient allaient-ils bientôt finir ? Je voulais à tout prix m'en sortir. Il me fallait quitter ce clocher au plus vite ou j'allais y laisser ma peau !
Les avions étant partis, je décidais d'en faire autant. Ce refuge situé dans un endroit bien repérable et de loin, n'était en fait qu'un objectif permanent et facile a atteindre. J'enlevais mes rangers, reprenais ma mitraillette et commençais à descendre les échelles avec précaution. Il n'y avait plus que quatre Viêts dans l'église, occupés à fouiller. Je calculais mes chances. En les prenant par surprise, je pouvais espérer les “flinguer” tous les quatre, bondir hors de l'église et foncer vers le rach. Après, à la nage, il me fallait tenter de regagner le poste.
J'étais déjà arrivé au milieu de la dernière échelle, la plus basse donc, lorsque des voix se firent entendre sur le parvis. Je ne sais comment j'escaladais les échelles, mais j'étais déjà tout en haut quand un groupe pénétra dans l'église.
J'en étais une fois de plus à récupérer lorsque je compris que les Viêts, arrivés au bas de l'échelle, s'apprêtaient à y grimper. Cette fois c'était cuit. Il ne me restait plus qu'à faire un dernier baroud d'honneur en vidant mon… demi-chargeur sur les intrus. Je pensais : “la Burniche… t'es foutu, mais cette bande de fumiers là tu vas leur faire payer l'addition avant d'être servi !”
J'étais prêt. Il fallait les laisser monter, les avoir à bout portant et, si possible, essayer de récupérer leurs armes. Ils devaient bien être à mi-chemin, lorsque l'artillerie reprit ses tirs sur l'église. Surpris, les Viêts se laissèrent dégringoler en hurlant, puis coururent regagner leurs abris.
Décidément la série noire continuait ! Un danger en chassait un autre. Le clocher fut encore atteint plusieurs fois. Un drôle de sentiment régnait en moi, j'avais la nette impression d'attendre que l'obus du dessous pète et que tout soit définitivement réglé. C'était trop pour un seul homme, surtout dans la même journée.
Les tirs d'artillerie cessèrent brusquement, puis ce furent des rafales d'armes automatiques, mais je ne bougeais même plus. Il y eut encore quelques coups de feu, puis enfin le silence. J'avais passé un cap, celui où le silence devenait insupportable. Tout ce déchaînement de bruits d'abord, puis maintenant le néant.
Mais tout à coup j'entendais des voix. Etait-ce l'effet d'un mirage auditif ou l'espoir de survivre à tout prix, j'eus l'impression de les entendre cette fois parler ma langue maternelle, le français. Me relevant prudemment, je vis des Viêtnamiens portant des armes françaises, mais aussi des Européens. Cela ne signifiait pas nécessairement que j'étais sauvé, car, des armes françaises les Viêts en possédaient également, des cadres européens, déserteurs français ou légionnaires servaient dans leurs rangs.
Je risquais quand même le tout pour le tout, j'en avais marre. Je tendis par une brêche mon béret vert à bout de bras, en criant : “Français ?…” Un Européen se retourna brusquement dans ma direction, en braquant sa MAT, puis me répondit, enfin : “Oui… Français !…”
Je ressentis d'abord un grand soulagement, puis, mes nerfs se relachant, ce fut une grande lassitude qui m'envahit. Brusquement ma tête était vide. Je repris tout de même ma M.A.T et je redescendis machinalement les échelles successives, passant les trappes, sans vraiment les voir. J'arrivais sur le parvis lorsque je vis le “Pacha” qui s'avançait. Il y avait également le second-maître Mahé, Massebœuf et… cette vieille cloche d'Hoffmann.
Je me souviendrai toujours d'un geste particulier que j'ai accompli, presque par réflexe. Arrivé devant Labbens, je lui ai présenté ma mitraillette, pour lui montrer que, malgré tout ce qui m'était arrivé, je l'avais conservée.
Un sergent “biffin” me colla une cigarette entre les lèvres. Je tirais machinalement dessus, mais j'étais complètement amorphe. Pendant ce temps mes camarades fouillaient l'église, dans l'espoir de retrouver quelques affaire. Mais les Viêts n'avaient rien laissé. Mahé réussira tout de même à récupérer son badge “commando-marine”, autrement, tout ce qui n'avait pas brulé avait été emporté.
C'est à ce moment que les rafales reprirent en se rapprochant. L'ennemi contre-attaquait à son tour et furieusement encore. Il fallut se replier dare-dare. J'essayais bien de courir, mais je traînais plutôt ; j'étais vidé. Les copains me houspillaient pour que j'aille plus vite ; j'étais au bout du rouleau.
Nous arrivâmes enfin au poste, talonnés par les Viêts.” (8)
Placé en renfort après la patrouille, le groupe “C” de Poullélaouen a pris position derrière l'église. La pièce est placée sur le côté droit, parmi les brousailles et les arbustes, quant à la voltige, elle se tient sur l'arrière des bâtiments affectés aux cuisines et aux réfectoires. La liaison entre les deux éléments est assurée par le quartier-maître Burnichon, posté à l'extrémité droite des bâtiments.
C'est à cet endroit que l'attaque va le surprendre, sans qu'il ait eu le temps de contacter ses camarades de groupe. Il raconte :
“Dès que j'entendis le coup de départ et l'arrivée sur l'église, je compris qu'on allait être accrochés sérieusement. Quelques secondes plus tard, les armes automatiques viêts entrèrent dans la danse. La meilleure solution pour moi était de m'accroupir dans le coin d'une fenêtre et de tirer… au juger, sur des ombres en mouvement. Quelquefois, je parvenais à distinguer des silhouettes à la faveur des explosions, mais dans cette nuit, c'était la pagaille noire, pour employer l'expression le plus juste.
Soudain, d'un seul bond, quelqu'un pénétra dans la pièce où je m'étais embusqué, en criant : “la “Burniche”… ne tire-pas, c'est moi, Joe…” C'était le grand Joe le Corre. Il était temps, encore un peu et je lui faisais sa fête ! Il prit position à une autre fenêtre et ouvrit le feu sur des ombres. Mais à nous deux, on ne pouvait qu'attirer l'attention des Viêts… et leur riposte !
Comme il fallait s'y attendre, une giclée de “bastos” percuta les murs et les gamelles qui se trouvaient là. Ils nous avaient repérés. Rien que le bruit des impacts sur le métal des ustensiles de cuisine portait sur les nerfs. Joe me dit :
- On ne peut pas rester là… il faut rejoindre les autres…
- Bon, ejecte en vitesse, je te couvre”, fut ma réponse.
Il sauta aussitôt par la fenêtre et disparut dans la nuit, tandis que moi, je tirais, tout en changeant de fenêtre pour ne pas me faire localiser avec précision. En plus, j'essayais de leur faire “croire” qu'il y avait plusieurs tireurs. Je ne sais pas ce qu'ils ont cru, toutefois, ces salauds ont réussi à s'approcher suffisamment près pour me balancer quelques grenades. Heureusement que je les avais entendu fuser, immédiatement je plongeais dans un recoin, une sorte de début de couloir.
Bon Dieu, quelles explosions !… J'étais bien “sonné”, mais indemne. Néanmoins, je restais à terre, immobile, au cas où ces salauds auraient la fantaisie de contrôler leur bilan, mais personne ne vint. Croyant mon cas réglé, ils avaient dû continuer leur progression.
Je me relevais et m'approchais de ce qui restait de la porte. Dehors ça canardait de partout et l'église bloquait encore des coups de mortiers, de canons sans recul… Le matraquage, quoi ! Les copains devaient salement déguster.
A la lueur des grenades incendiaires ou des explosions de toutes sortes, je pouvais voir les différentes vagues d'assaut avec leurs moyens d'attaque, également différents. Les premières armées de grenades, de bambous dynamite (5) et de coupe-coupes. Venaient ensuite celles qui portaient les échelles de bambou. Pour s'assurer de pouvoir mettre les échelles en place, plusieurs hommes en tenaient les montants pour permettre qu'au moins un autre puisse réussir à l'escalader.
D'autres vagues suivaient, armées de façon disparate et enfin les bo-doïs, les réguliers en treillis et casque en latanier ; leur armement était plus homogène et conséquent. (6)
Décidé, je fis un bond dehors et me retrouvais dans l'herbe haute, attendant une quelconque réaction… mais rien ! Je me relevais et, profitant de l'obscurité, je démarrais en direction du parvis. D'un seul coup je sentis les Viêts partout autour de moi ; cela grenouillait sec ! Je ne pouvais faire autrement qu'avancer en même temps qu'eux. Autant dire que je ne bronchais pas.
Je réussis à m'esquiver à hauteur du parvis. En arrivant en bas des marches, j'aperçus un corps couché en travers, un commando. Dans la nuit je ne parvenais pas à distinguer qui et je n'eus pas le temps d'approfondir la question... une rafale, partie de je ne sais où, vint percuter le mur non loin de moi ; je fis un bond à l'intérieur de l'église. Tout “cramait” dedans… Il il avait de la fumée, de la poussière, mais plus personne !
Seul !… J'étais seul au milieu de tous ces Viêts. Je tournais sur moi même, indécis ; que faire maintenant ? Puis je pensais soudainement au clocher. Comment l'idée me vint, comment ai-je escaladé les échelons de la première échelle ?… Je ne sais plus !
Pour monter tout en haut, il fallait escalader trois échelles successives, séparées par des paliers comportant des petites trappes. Tout là-haut, il y avait un étroit local contenant la cloche. Parvenu à cet endroit, je tentais de retrouver mes esprits et de me concentrer. Je n'étais pas blessé et j'avais toujours ma MAT, bien sûr, mais il ne me restait qu'un demi-chargeur. Ce n'était pas lourd, mais suffisamment réconfortant sur le plan moral.
Dehors ça tirait toujours, quoique cela paraissait s'éloigner de l'église. J'en étais là de mes réflexions, lorsque j'entendis un bruit provenant d'en bas, dans l'église. Fait encore plus grave, il me semblait bien que quelqu'un commençait à monter les échelles. Je me plaquais vivement debout contre la cloche, mitraillette braquée, prêt à défendre chèrement ma peau. L'inconvénient dans cette situation était qu'étant plus grand que la cloche, mes jambes étaient visibles au-dessous et, si le Viêt… D'ailleurs, il était arrivé à la hauteur de la dernière trappe. Je distinguais une faible lueur tremblotante, du moins indirectement, car je ne me serais pas risqué à regarder. Les nerfs tendus, l'attente me parut interminable. Je retenais ma respiration et j'avais l'impression que le bruit de mon cœur qui me martelait la poitrine résonnait dans tout le local. Ce Viêt a-t-il eu peur, ou négligea-t-il de vérifier à fond ?… Toutefois, il ne monta pas plus haut et commença à descendre, lentement, tandis que je restais là, figé sur place, comme assomé par cette alerte.
Après avoir soufflé pour décompresser, je réalisais que ma situation aurait pu être pire. J'étais indemne et ma présence ignorée des Viêts, espérant toutefois que cela durerait. Jusqu'à maintenant la nuit m'avait servi, mais le jour commençait à pointer.
Je pouvais mieux distinguer les recoins de mon refuge. Dans un angle j'apercevais les postes-radio C9 et 300 du Commando. J'aurais bien voulu entrer en contact avec les nôtres, indiquer ma position et celles des Viêts, mais j'ignorais complètement le fonctionnement des appareils et les “channels”. (7)
L'arrivée du jour permettait aux Viêts de fouiller l'église, à la recherche des équipements abandonnés par les commandos et réutilisables. Je les voyais très bien circuler, regardant par les claires-voies. Ça grouillait, il y en avait partout, une véritable fourmilière. Je me demandais par quel moyen j'allais pouvoir m'en tirer.
Je pensais à différentes manières de m'en sortir, mais ne m'intéressais plus du tout aux événements extérieurs. Ils allaient se charger de me remettre brusquement dans l'ambiance.
Les renforts arrivaient par le Day et par la route de Nam-Dinh. A première vue c'était très réconfortant, jusqu'au moment où les bâtiments de la Dinassaut se sont mis à tirer, particulièrement le L.C.I. 102, qui prit le clocher comme objectif.
Sans avoir le temps de comprendre ce qui m'arrivait, je fus projeté à terre par le souffle d'un obus qui traversa le clocher de part en part, sans heureusement exploser ; du moins c'est ce que j'en déduisis par la suite. Combien de temps suis-je resté inconscient ?… Je ne sais, mais je perçus vaguement d'autres explosions.
En ouvrant les yeux, je vis des trous béants dans les murs de mon abris. Je me redressais péniblement, les membres endoloris. Le clocher avait “morflé”. Non seulement il y avait les trous, mais plus grave encore, la poussière qui colmatait les interstices du plancher était tombée et je voyais distinctement les Viêts en-dessous de moi. S'ils levaient la tête, ils pouvaient maintenant me voir également. J'étais dans une situation critique.
Continuant mon évaluation des dégâts, j'apercevais avec effroi un obus non explosé, calé dans le plancher du dessous, au niveau de la deuxième trappe ! Il suffisait maintenant d'un autre choc, tout sauterait et c'en serait fini de “la Burniche” !
Tous ces événements qui se succédaient avec une rapidité déconcertante, l'angoisse d'une fin dramatique et quasi certaine, achevèrent de me démoraliser.
Succombant à un moment de défaillance, j'eus soudain envie d'en finir avec la vie et de provoquer mon destin. Je présentais mon corps devant une brêche, l'offrant volontairement aux coups qui inévitablement allaient suivre. Mais l'instinct de conservation était quand même le plus fort. Je me reprenais et commençais à ramasser, le plus discrètement possible, des débris divers pour colmater à nouveau les défauts du plancher.
L'entracte ne fut pas long. A ce moment la chasse intervint… b****l ! (comme disent les aviateurs). Des chasseurs-bombardier “Bearcat” se mirent à arroser les alentours et le clocher. J'eus juste le temps de plonger sous la cloche que des projectiles vinrent la percuter. La résonance provoquée par les impacts était infernale ; ça me cognait dans la tête… çà me faisait mal, mais au moins je ne fus pas atteint.
Sitôt l'alerte passée, une colère sourde s'empara de moi. Ce n'étais tout de même pas vrai, Bon Dieu !… Tous ces événements qui s'enchaînaient allaient-ils bientôt finir ? Je voulais à tout prix m'en sortir. Il me fallait quitter ce clocher au plus vite ou j'allais y laisser ma peau !
Les avions étant partis, je décidais d'en faire autant. Ce refuge situé dans un endroit bien repérable et de loin, n'était en fait qu'un objectif permanent et facile a atteindre. J'enlevais mes rangers, reprenais ma mitraillette et commençais à descendre les échelles avec précaution. Il n'y avait plus que quatre Viêts dans l'église, occupés à fouiller. Je calculais mes chances. En les prenant par surprise, je pouvais espérer les “flinguer” tous les quatre, bondir hors de l'église et foncer vers le rach. Après, à la nage, il me fallait tenter de regagner le poste.
J'étais déjà arrivé au milieu de la dernière échelle, la plus basse donc, lorsque des voix se firent entendre sur le parvis. Je ne sais comment j'escaladais les échelles, mais j'étais déjà tout en haut quand un groupe pénétra dans l'église.
J'en étais une fois de plus à récupérer lorsque je compris que les Viêts, arrivés au bas de l'échelle, s'apprêtaient à y grimper. Cette fois c'était cuit. Il ne me restait plus qu'à faire un dernier baroud d'honneur en vidant mon… demi-chargeur sur les intrus. Je pensais : “la Burniche… t'es foutu, mais cette bande de fumiers là tu vas leur faire payer l'addition avant d'être servi !”
J'étais prêt. Il fallait les laisser monter, les avoir à bout portant et, si possible, essayer de récupérer leurs armes. Ils devaient bien être à mi-chemin, lorsque l'artillerie reprit ses tirs sur l'église. Surpris, les Viêts se laissèrent dégringoler en hurlant, puis coururent regagner leurs abris.
Décidément la série noire continuait ! Un danger en chassait un autre. Le clocher fut encore atteint plusieurs fois. Un drôle de sentiment régnait en moi, j'avais la nette impression d'attendre que l'obus du dessous pète et que tout soit définitivement réglé. C'était trop pour un seul homme, surtout dans la même journée.
Les tirs d'artillerie cessèrent brusquement, puis ce furent des rafales d'armes automatiques, mais je ne bougeais même plus. Il y eut encore quelques coups de feu, puis enfin le silence. J'avais passé un cap, celui où le silence devenait insupportable. Tout ce déchaînement de bruits d'abord, puis maintenant le néant.
Mais tout à coup j'entendais des voix. Etait-ce l'effet d'un mirage auditif ou l'espoir de survivre à tout prix, j'eus l'impression de les entendre cette fois parler ma langue maternelle, le français. Me relevant prudemment, je vis des Viêtnamiens portant des armes françaises, mais aussi des Européens. Cela ne signifiait pas nécessairement que j'étais sauvé, car, des armes françaises les Viêts en possédaient également, des cadres européens, déserteurs français ou légionnaires servaient dans leurs rangs.
Je risquais quand même le tout pour le tout, j'en avais marre. Je tendis par une brêche mon béret vert à bout de bras, en criant : “Français ?…” Un Européen se retourna brusquement dans ma direction, en braquant sa MAT, puis me répondit, enfin : “Oui… Français !…”
Je ressentis d'abord un grand soulagement, puis, mes nerfs se relachant, ce fut une grande lassitude qui m'envahit. Brusquement ma tête était vide. Je repris tout de même ma M.A.T et je redescendis machinalement les échelles successives, passant les trappes, sans vraiment les voir. J'arrivais sur le parvis lorsque je vis le “Pacha” qui s'avançait. Il y avait également le second-maître Mahé, Massebœuf et… cette vieille cloche d'Hoffmann.
Je me souviendrai toujours d'un geste particulier que j'ai accompli, presque par réflexe. Arrivé devant Labbens, je lui ai présenté ma mitraillette, pour lui montrer que, malgré tout ce qui m'était arrivé, je l'avais conservée.
Un sergent “biffin” me colla une cigarette entre les lèvres. Je tirais machinalement dessus, mais j'étais complètement amorphe. Pendant ce temps mes camarades fouillaient l'église, dans l'espoir de retrouver quelques affaire. Mais les Viêts n'avaient rien laissé. Mahé réussira tout de même à récupérer son badge “commando-marine”, autrement, tout ce qui n'avait pas brulé avait été emporté.
C'est à ce moment que les rafales reprirent en se rapprochant. L'ennemi contre-attaquait à son tour et furieusement encore. Il fallut se replier dare-dare. J'essayais bien de courir, mais je traînais plutôt ; j'étais vidé. Les copains me houspillaient pour que j'aille plus vite ; j'étais au bout du rouleau.
Nous arrivâmes enfin au poste, talonnés par les Viêts.” (8)
Dernière édition par BONNERUE Daniel le Dim 7 Nov 2010 - 21:27, édité 1 fois
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°139
Re: [Divers commando] Commando François
Quartier-maître Gilbert Charlotte
Le témoignage de Gilbert CHARLOTTE, qui fut prisonnier des Viêts, étant le plus long, je le publierai en plusieurs fois.
“Jamais je ne pourrais oublier cette année en enfer !” : c'est par ces mots que Gilbert Charlotte devait conclure le récit qui va suivre. Je tiens à préciser qu'il est le seul rescapé de cette cruelle tragédie. Gilbert, natif de Fort-de-France, était un sportif accompli dans plusieurs disciplines : Athlétisme, boxe et divers autres sports d'équipe. Sa forte constitution lui permettra de revenir des camps viêts et de pouvoir ainsi témoigner des mauvais traîtements que, pourtant prisonniers de guerre, ses camarades et lui même ont subi de la part des séides du bienveillant “oncle Hô”…
Le témoignage de Gilbert CHARLOTTE, qui fut prisonnier des Viêts, étant le plus long, je le publierai en plusieurs fois.
“Jamais je ne pourrais oublier cette année en enfer !” : c'est par ces mots que Gilbert Charlotte devait conclure le récit qui va suivre. Je tiens à préciser qu'il est le seul rescapé de cette cruelle tragédie. Gilbert, natif de Fort-de-France, était un sportif accompli dans plusieurs disciplines : Athlétisme, boxe et divers autres sports d'équipe. Sa forte constitution lui permettra de revenir des camps viêts et de pouvoir ainsi témoigner des mauvais traîtements que, pourtant prisonniers de guerre, ses camarades et lui même ont subi de la part des séides du bienveillant “oncle Hô”…
- Spoiler:
“Tout en marchant, j'essayais de nous dénombrer… quarante deux ! Cependant, je n'étais pas sûr. Peut-être avais-je compté plusieurs fois les mêmes gens ?
Nous arrivions à la lisière du village, sous les bananiers, lorsque les avions réapparurent et recommencèrent leur tournoiement au-dessus de nous.
Les deux ou trois Viêts qui se trouvaient en tête de notre formation se mirent de côté. Les ordres hurlés par les commissaires politiques nous firent stopper, puis accroupir. J'étais avec Poullélaouen et quelques autres, exactement le dernier de ce petit groupe de misère. Les quelques bo-doïs en escorte sur nos flancs, s'écartèrent et se mirent en retrait de deux ou trois mètres. Derrière moi, il y avait un autre groupe de quatre camarades. C'est alors que j'entendis des ordres dans mon dos. En me retournant je vis le commissaire politique parler rapidement à ses hommes. L'un d'eux ayant rencontré mon regard, me fit comprendre de la voix accompagnée d'un geste rapide de la main, de nous lever et de nous remettre en route. Tout d'abord je ne compris pas, puis je me mis à gueuler à mes compagnons, qu'on nous ordonnait de reprendre la piste. Indécis, un peu perdus, ils se levèrent, tout en restant sur place. Les avions étaient toujours au-dessus de nos têtes. Je me retournais encore vers le Viêt. Visiblement agacé, il me fit à nouveau un signe impératif de la main, pour me faire retourner ou avancer, je ne comprenais plus. Tournant la tête rapidement, j'eu cependant le temps de remarquer que le visage du garde était décomposé et que ses camarades et lui même avaient mis un genou à terre, braquant sur nous leurs armes d'une manière menaçante. J'eu instantanement l'impression que le sang se glaçait dans mes veines.
Un sombre présentiment, l'instinct du danger, que sais-je, me fit une nouvelle fois me retourner. Les regards sans expression qui nous fixaient, puis ce Viêt qui se redressait brusquement en armant sa Thompson, je sentais que quelque chose de grave allait se passer… L'homme s'était rapproché de deux ou trois pas, tandis qu'à quelques mètres en retrait, le commissaire politique observait la scène sans rien dire. A ce moment là, aucun d'entre nous ne faisait plus attention aux avions qui nous survolaient toujours. Comme moi, mes copains semblaient avoir les pires craintes de ce qui était en train de se tramer. Ils regardaient tout autour, les yeux écarquillés ; quel spectacle pitoyable !
Brutalement, alors que je ne le regardais plus, le Viêt qui se trouvait derrière moi, mitraillette à la hanche, ouvrit le feu, balayant de gauche à droite d'un mouvement circulaire… Comment ais-je fait ?… J'entendis un hurlement effroyable de Poullélaouen et en même temps, je me sentis libre de mes mouvements. Sans réfléchir, je fis un bond prodigieux vers la rizière. Je me retrouvais à plat ventre sous les eaux boueuses puis, profitant de la hauteur du riz qui était en pleine sève, je m'éloignais d'une trentaine de mètres du lieu du massacre.
Je réfléchissais très vite. Guidé sans doute par l'instinct de conservation, je déduisais de tout ce qui me passait par la tête que, l'eau de la rizière étant tranquille, si je continuais à m'éloigner à cette vitesse, la boue soulevée dans le sillage de mon déplacement indiquerait à coup sûr mon axe de fuite. Je restait donc sur place, à une quarantaine de mètres maintenant de mes pauvres camarades dont j'entendais les plaintes et les gémissements. Certains appelaient leur mère. Je crus bien reconnaître la voix de mon copain Biette : “Maman… Maman !…” Alors que le pauvre était orphelin !
Les cris inhumains des hommes blessés déchiraient mes tympans, entrecoupés de rafales et de coups de feu. J'entendais crier aussi : “Les salauds… ils nous crèvent, les salauds !” Et moi il me semblait éprouver la même douleur que celle ressentie par mes camarades lorsque les baïonnettes transperçaient leurs chairs. Croyez-moi, je n'avais plus peur. J'attendais simplement mon tour, lorsqu'ils m'auraient retrouvé…
Soudain, un clapotis derrière moi… Avec un certain soulagement, je reconnaissait Robert. Il avait suivi mon sillage boueux et était ainsi parvenu jusqu'à moi. La fange qui maculait son visage dissimulait à peine la pâleur qui paraissait au-dessous. Un rictus indéfinissable déformait ses traits. Ses yeux d'enfant apeuré et fatigué imploraient un peu de réconfort.
- “Robert, comment ça va pour toi ? , lui dis-je…
- J'ai mal, me répondit-il, j'ai morflé une balle dans le cul !…
- Ne t'inquiète pas, on va s'en tirer… Mais il ne faut plus bouger. On n'entend plus rien là-bas. Ils ont dû les massacrer et maintenant ils vont se mettre à notre recherche. Chaque fois qu'ils s'approcheront de nous, ils nous faudra respirer un bon coup et nous enfoncer entièrement dans l'eau boueuse, en s'aggripant aux racines…
- Ce sera dur.
- C'est le seul moyen de s'en tirer… Tenir le plus longtemps possible sous l'eau !…”
Pour le moment, nous nous tenions côte à côte. Les Viêts ayant terminé leur macabre besogne, avaient forcé des paysans à venir ramasser les cadavres et retirer ceux qui avaient roulé jusque dans la rizière. Nous ne pouvions les voir, mais nous devinions tous leurs mouvements. Lorsque la vie d'un individu est en danger, tous ses sens sont en éveil.
Puis des clapotis et un brassage d'eau nous indiquèrent ce que nous craignions, ils étaient en train de passer la rizière au peigne fin dans un ratissage en règle.
- “Attention !, dis-je, ils arrivent… Aspire à fond !
- Tu crois qu'on a des chances, demandais Robert, Je ne sais pas si je tiendrai le coup… Ça fait si mal…
- Il le faut ! Tu entends ! ce serait trop con, après avoir passé au travers de tout cela, de se faire coincer !”
Combien de fois avons nous plongé ?… A plusieurs reprises les jambes des bo-doïs passèrent bien près de nous puis s'éloignèrent. Nous en sentions les vibrations dans l'eau. La trouille de nous faire prendre nous crispait en permanence. Par moments, Robert souffrait tellement de sa blessure, que j'ai plusieurs fois crains qu'il allait céder à la douleur et se mette à hurler. Dans ces moments là, je lui tenais fraternellement la main ou lui caressais le visage pour le calmer. Revenu en surface, il dût lire une intense prière dans mon regard qu'il ne gémit pas et fit en sorte de contrôler sa respiration, la bouche grande ouverte, pour ne pas faire de bruit.
Pendant ce temps, les sangsues s'agglutinaient sur notre corps. Elles étaient grosses comme le pouce, mais nous ne les sentions même plus.
Je ne pouvais qu'admirer le courage de mon copain. Il y avait bien trois heures que nous pataugions dans la rizière, dans une position inconfortable. La lumière du jour déclinait légèrement, ombrant l'endroit où nous trouvions. La température commençait à baisser.
Mais soudain, nous perçumes des bruits d'eau brassée et d'herbes froissées s'approchant ; quelqu'un venait droit sur nous. Le léger vent qui s'était levé depuis peu nous avait empêché d'entendre plus tôt. Nous n'avions même plus le temps de disparaître sous l'eau. Nous attendions figés, fixant l'endroit présumé d'où allait surgir celui ou ceux qui décideraient de notre destin. Les hautes herbes s'écartèrent et, les yeux baissés dans l'attente de je ne sais quel coup dur, nous aperçûmes deux jambes maigres… Levant le regard, résignés, nous vîmes un paysan, un pauvre nhâ-qué.
Il nous fixait paraissant pour le moins surpris, puis, détournant son regard, il se mit à observer d'autres points de la rizière, apparemment plus à gauche et il reprit sa marche. Nous ne savions plus quoi penser. En passant, sa jambe frôlait mon bras. Il disparut de notre vue et le bruit d'eau brassée s'attenuat jusqu'à disparaître, laissant à nouveau le silence retomber sur la rizière.
Quelques instants plus tard, des bruits de voix parvenaient jusqu'à nous en provenance du village. Cela ne dura que peu de temps et les gens s'éloignèrent. A ce moment, Robert et moi nous sommes regardés et, malgré notre situation critique, nous nous remimes à espérer. Pour nous, preuve était faite que les villageois n'étaient pas tous des sympathisants du Viêt-minh.
Le silence se faisait plus pesant à l'approche du crépuscule. Nous savions que la nuit venue nous serions sauvés. Déjà je calculais la progression qui devait nous mener d'abord le long du rach, puis vers le poste du rocher et le Day.
Ne sachant plus où se trouvaient les troupes amies, je me sentais néanmoins capable de ramper à travers les rizières. Plus rien ne pourrait m'empêcher de couvrir la quarantaine de kilomètres qui devait nous séparer de Nam-Dinh. J'en faisais part à Robert, mais celui-ci me demanda de l'abandonner, car il ne sentait pas la force d'effectuer ce trajet. Oui, c'était évident, Robert avait besoin de moi. Pour le moment, nous étions le commando “François” et, tant que cela serait possible, le commando “François” rentrerait à Nam-Dinh entier ou ne rentrerait pas du tout ! “T'en fait pas mon gars, tiens bon jusqu'à la nuit et nous nous démerderons. De toutes façons, nous resterons ensemble !”
Des bruits qui nous parvenaient de temps en temps nous rappelaient que les Viêts se trouvaient toujours aux alentours. Les différentes tentatives de contre-attaques avaient dû être repoussées et maintenant, nous ne restions qu'à deux, couverts de boue et de sangsues.
A nouveau, le bruit reconnaissable de l'eau brassée parvenait à nos oreilles, nous indiquant qu'il y avait encore du monde dans la rizière. Je m'enfonçais rapidement dans la vase après m'être bien “gonflé”. Un mouvement brusque contre moi me fit comprendre que Robert s'était redressé. Ce fut pour moi un véritable coup de boutoir ! Que faire d'autre ? Je remontais à l'air libre et, me mettant à genoux, je regardais autour de moi… Il y avait de quoi hurler de rage… le bo-doï ne venait même pas sur nous. Tel qu'il était tourné, vraisemblablement il allait traverser la rizière sans même se douter de notre présence. Ce n'est qu'en détournant la tête qu'il nous aperçut, restant abasourdi de nous voir là. Puis un semblant de sourire apparut sur son visage. Il ne chercha même pas à braquer sa mitraillette.
Robert, grimaçant de douleur, me dit : “Pourquoi n'es-tu pas resté planqué ?… Moi je vais crever, je n'en puis plus… mais toi tu avais toutes tes chances !…”
Sans lui répondre, je me redressais et l'aidais à se tenir debout ; il n'en pouvait plus le pauvre. Tout en le soutenant, je souriais pauvrement au bo-doï en lui montrant sa mitraillette et je lui criais : “Tiet… Tiet… (tue… tue)” (1). Sans cesser de sourire, il hocha la tête puis fit des signes de dénégations. Après quelques instants, constatant que nous n'étions que deux, d'un geste bref, il nous “invita” à sortir de la rizière, pour rejoindre vraisemblablement l'orée du village que nous avion quitté quelques heures plus tôt.
La remontée fut pénible. J'aidais de mon mieux le pauvre Robert. Il serrait les mâchoires, mais des larmes coulaient sur ses joues. Parvenu sur le chemin, je reconnaissais l'endroit du massacre, mais plus aucune trace de cadavres ! Un peu plus loin, un groupe de villageois nous regardaient approcher. En passant devant eux, j'entendis quelques mots. Je crus qu'ils se moquaient de nous, car ils souriaient, mais après réflexion, je voulu bien admettre une autre version. Peut être qu'ils nous disaient tout simplement que nous l'avions échappée belle. Oui ! Mais pour combien de temps ? Et qu'allait nous réserver l'avenir sous les auspices du Viêt-minh ?
En attendant, mon pauvre camarade gémissait, quand il ne hurlait pas à plein poumons. Chaque mouvement lui faisait endurer le martyre. Je le soutenais de mon mieux après avoir passé son bras autour de mon cou…
Sur ces entrefaites, survint un groupe de trois bo-doïs ; ils venaient tout simplement nous récupérer. Comprenant vite qu'aucune aide ne me serait apportée, je mis un genou à terrre et, après avoir fait basculer Robert en travers de mes épaules, je me redressais, emboîtant le pas à mes gardes. Nous nous dirigeâmes vers les falaises de Ninh-Binh !
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
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Re: [Divers commando] Commando François
Suite du témoignage de Gilbert CHARLOTTE :
“Je retrouvais des camarades vivants…”
C'est au moment où je m'y attendais le moins, qu'à quelques mètres à droite de notre route, j'apercevais le monstrueux tas de cadavres… Les pauvres restes meurtris et figés de ceux qui avaient été mes camarades du commando “François”, entassés les uns sur les autres. Quelques mots secs en vietnamien et une brusque bourrade me firent réaliser. Les gardiens, contrariés sans doute, me faisaient presser l'allure. Néanmoins, j'eu quand même le temps de reconnaître deux visages : Celui d'Henry, feu second-maître fusilier, un maistrancier, puis celui de Garric, feu matelot fusilier… 1, 82 mètres, 100 kilos, 47 de pointure, fort comme un bœuf mais doux comme un agneau… Ils avaient dû en “baver” pour le transporter jusque là !
“Je retrouvais des camarades vivants…”
C'est au moment où je m'y attendais le moins, qu'à quelques mètres à droite de notre route, j'apercevais le monstrueux tas de cadavres… Les pauvres restes meurtris et figés de ceux qui avaient été mes camarades du commando “François”, entassés les uns sur les autres. Quelques mots secs en vietnamien et une brusque bourrade me firent réaliser. Les gardiens, contrariés sans doute, me faisaient presser l'allure. Néanmoins, j'eu quand même le temps de reconnaître deux visages : Celui d'Henry, feu second-maître fusilier, un maistrancier, puis celui de Garric, feu matelot fusilier… 1, 82 mètres, 100 kilos, 47 de pointure, fort comme un bœuf mais doux comme un agneau… Ils avaient dû en “baver” pour le transporter jusque là !
- Spoiler:
Et notre petit groupe continuait d'avancer dans la fraîcheur du crépuscule. Combien de temps allions-nous encore continuer à marcher ? Avec les quatre vingt kilos de Robert qui me martyrisaient les reins, pourrais-je tenir ainsi longtemps ?
Au bout de deux ou trois kilomètres, nous parvenions à un autre affluent du Day. Les falaises étaient encore loin de l'autre côté. Des sampans menés par des riverains vinrent nous prendre pour nous conduire sur l'autre rive.
A peine arrivés de l'autre côté, je reprenais Robert sur mon dos. Mais après ce transfert, le rythme était cassé et mon pas faiblissait; Les gardes s'en aperçurent et ordonnèrent une halte. Un groupe de paysans fut réquisitionné au passage. Quelques ordres secs et incompréhensibles pour moi réglèrent rapidement le problème. Les paysans disposèrent rapidement un fléau, puis un panier de portage dans lequel Robert fut installé tant bien que mal. Notre groupe, ainsi augmenté de deux porteurs occasionnels, s'achemina au long des raidillons rocailleux qui serpentaient à flanc de falaise.
Pour le moment, Robert semblait moins souffrir. En cours de route il put même m'expliquer ce qu'il avait vu lors de la fusillade. Lorsqu'il avait réalisé que les Viêts se mettaient à tirer sur les prisonniers, se sentant subitement libéré de ses entraves, il s'était propulsé dans un véritable vol plané en direction de la riziére. Il n'avait pas eu le temps de voir comment ses liens avaient été rompus, par des balles sans doute ? Mais au cours du plongeon, il s'était senti atteint par une balle qui l'avait touché sous la fesse et n'était pas ressortie. C'était cette “saloperie” qui le faisait tant souffrir, semblant attiser le feu en lui.
Il faisait nuit lorsque nous arrivâmes devant une maison construite en pierres et tranformée en casmate, gardée de toutes parts. C'était semble-t-il le P.C. de l'opération. On nous fit entrer. Là, dans une salle seulement éclairée par de méchantes lampes à huile, assis derrière une table des officiers viêts examinaient des cartes d'état-major. Dans leur ensemble, ils paraissaient très jeunes et dynamiques. Cependant, leur mine était sérieuse et ils semblaient fort préoccupés. Après nous avoir fait approcher, ils nous posèrent quelques questions, mais sans pousser trop loin ; nous manquions apparemment d'intérêt pour eux. Puis ils nous ordonnèrent d'aller rejoindre nos camarades à l'autre extrémité de la salle.
C'était vrai, ils étaient là bien vivants, je ne les avais pas remarqué dans la pénombre. Quelle joie !… Le commando “François” n'était pas complétement anéanti. Il y avait là Colleter, le Huédé, le Louer, Toussaert, Abiven, Bénard, Camus, Besnard, Py, Boucher, Fredo le petit viêtnamien qui était un peu notre mascotte, deux autres gars également dont je ne souviens pas des noms et enfin, le lieutenant le Gouvello de la Porte. Quinze rescapés, pour le moment. Des gardes coupèrent court à la joie de nous revoir en nous criant : “Vous, c'est pas parler !…”
Nous prenions place dans le groupe, en position assise, les jambes en tailleur, collés les uns contre les autres. Chacun d'entre nous, enfermé au plus profond de ses pensées, essayait de comprendre le pourquoi et le comment de ce qui s'était passé depuis vingt quatre heures. Tout cela nous amenait inexorablement à penser aux copains, puis, c'était des épisodes de notre vie, les visages de nos parents… Cependant, la lucidité revenant, des plans d'évasion commençaient à germer dans nos esprits. Malgré l'interdiction de parler, nous nous efforcions de communiquer, le plus discrètement possible. En chuchottant, nous échangions des suggestions. Nous tentions de faire le point.
Mais vers une heure ou deux du matin, un ordre subit nous fit lever. Nous quittions presque aussitôt la casemate, escortés par quatre ou cinq gardes seulement. Avant de partir et par précautions sans doute, les Viêts nous avaient fait quitter nos chaussures, du moins à ceux qui en portaient encore. En ce qui me concerne, je n'avais plus qu'un flottant pour tout vêtement depuis que j'avais cédé mon pantalon à Robert.
Au fur et à mesure que nous avancions, je réalisais qu'en fait l'armée française ne contrôlait plus grand chose en Indochine. En dehors des centres urbains, les Viêts étaient les maîtres incontestés des régions, campagnes et montagnes. Il ne leur manquait que l'aviation pour être en mesure de nous “foutre” dehors avec pertes et fracas.
Pendant ce temps en France, on nous traitait d'assassins. Tous ces bons citoyens français qui avaient élu députés et sénateurs étaient ceux-là même qui nous envoyaient combattre en Indochine, dans ce merdier indescriptible. Tous, électeurs et élus nous traitaient d'assassins ! Alors que certaines fois les Viêts, dans un soucis de propagande il est vrai, nous témoignaient une certaine pitié, allant parfois jusqu'à nous consoler. Mais ils n'en étaient pas à une contradiction prêt. Ils ne manquaient aucune occasion de nous rappeler, en termes chaleureux souvent, leur admiration pour ce peuple français, révolutionnaire et généreux, ainsi que pour… Tino Rossi, notre chanteur national !
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
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Re: [Divers commando] Commando François
Suite du témoignage de Gilbert CHARLOTTE :
Dans l'ensemble, nos guides étaient assez corrects ; conformément sans doute aux ordres reçus. Nous marchions la nuit, prenant du repos pendant les heures chaudes de la journée dans un coin du village que nous traversions. L'accueil que nous recevions au sein des populations “frontalières” était plus qu'inquiétant. Les gens s'approchaient de nous, des lueurs de meurtre dans les yeux. Ce qui était une réaction compréhensible de leur part, si on prenait en compte les bombardements quasi continuels qu'ils subissaient de la part de l'aviation, les mitraillages qui suivaient et les tirs “à priori” de notre artillerie. A leurs yeux, rien ne plaidait en notre faveur. Ils nous auraient sans doute écharpés si nos gardes ne les en avaient empêchés.
Dans l'ensemble, nos guides étaient assez corrects ; conformément sans doute aux ordres reçus. Nous marchions la nuit, prenant du repos pendant les heures chaudes de la journée dans un coin du village que nous traversions. L'accueil que nous recevions au sein des populations “frontalières” était plus qu'inquiétant. Les gens s'approchaient de nous, des lueurs de meurtre dans les yeux. Ce qui était une réaction compréhensible de leur part, si on prenait en compte les bombardements quasi continuels qu'ils subissaient de la part de l'aviation, les mitraillages qui suivaient et les tirs “à priori” de notre artillerie. A leurs yeux, rien ne plaidait en notre faveur. Ils nous auraient sans doute écharpés si nos gardes ne les en avaient empêchés.
- Spoiler:
- Je reconnais bien volontiers que, sans défense, attachés les uns aux autres, nous avions tous la trouille. Heureusement que, dans ces moments là, nos gardes étaient vigilants et efficaces. A chaque halte, des femmes commises d'office nous apportaient un “repas chaud”. Le menu invariable consistait en un plat de riz, garni de liseron d'eau et d'un peu de poisson sec, le tout relevé par une cuillerée de nuoc-mam.
Nous avons marché pendant des jours, quand le terrain bénéficiait d'une couverture végétale, et des nuits suivant les régions traversées. Nous avons franchi des montagnes, traversé des rivières au moyen d'embarcations rudimentaires en roseau. On couvrait en moyenne une vingtaine de kilomètres par jour et, pour des gars blessés ou pour le moins éprouvés comme nous l'étions, c'était vraiment beaucoup trop.
Un jour nous avons rencontré une colonne viêt qui se repliait vers une de leurs bases arrières. Cela confirmait ce que nous pressentions. Il y avait eu de violents accrochages dans le secteur. Cela faisait au moins deux jours que nous ne cessions d'entendre des avions, des salves de 105 mm, sans oublier les rafales des armes lourdes. Il semble me souvenir qu'à ce moment, nous marchions déjà depuis plus d'une semaine, zigzagant entre les montagnes et les villages.
Après nous être enfoncés plus avant en zone viêt, l'accueil changea, se faisant nettement moins agressif. Maintenant, il arrivait souvent que des jeunes filles viennent nous servir des fruits frais. Immanquablement, un personnage qui se voulait important, intervenait pour nous débiter son refrain de propagande. La plupart du temps, cela ressemblait à ceci : “Vous voyez, jeunes gens, on vous a envoyés au Viêtnam pour assassiner notre peuple, mais nous sommes résistants. Mangez ces fruits que vous offrent, sans rancune, nos jeunes filles et soyez les bienvenus !” Le geste nous semblait presque beau, car nous étions comme dans un état second, étonnés, pour ne pas dire heureux, d'être toujours en vie, oubliant temporairement nos pieds en feu.
Propagande partout et toujours, sous toutes les formes possibles. L'impossible viendra plus tard ! Ce n'était que le commencement de notre éducation politique, made in Viêt-minh.
En cours de route, il nous arrivait de faire le point, discrètement bien sûr. Dans l'immédiat, il n'y avait aucun moyen possible pour tenter une évasion collective. Quant à une fuite individuelle, chacun était d'avis qu'elle entraînerait en représailles l'exécution de tous les autres. Nous avions déjà vu de quoi étaient capables ces infâmes commissaires politiques. Ainsi personne ne fut tenté de “faire la belle”.
Que de discussions ont tourné autour de ce maudit village, théâtre du massacre de nos camarades. Des avis partagés, des déductions nous ont conduit à penser que c'est l'intervention de l'aviation qui a précipité les événements. Le commissaire politique voyant que notre groupe, qui comptait de nombreux blessés, risquait de retarder le mouvement de repli, avait froidement ordonné le massacre.
A mon retour de captivité, j'ai appris ce qui s'était passé du côté français. Une contre-attaque, comprenant des tirailleurs sénégalais, nord-africains et des partisans auxquels s'étaient joints une dizaine de nos camarades, était parvenue à quelques centaines de mètres seulement du village où nous étions captifs. Plus tard, après s'être regroupés, les Viêts contre-attaquaient à leur tour, partant à l'assaut du poste du rocher, qui fut abandonné par ses quatre vingts partisans (2). Toutefois, ces derniers parvenaient à le reprendre, puis en furent encore délogés. Le poste changea trois fois de main (3). Puis les Viêts décrochèrent des bords du Day. Une partie de leurs troupes allait encore “grenouiller” un mois durant dans la plaine du Than-Hoa, accrochant continuellement les troupes françaises. Leurs intententions de récupérer des provisions de riz ne purent être satisfaites.
Nous voici donc au milieu de cette colonne en retraite qui compte beaucoup de blessés, brancardés vers les hôpitaux de campagne situés vers l'arrière.
D'autres gardes nous prennent en charge, beaucoup moins “sympathiques” que les précédents (c'est bien connu, les gens de l'arrière sont toujours plus emmerdants que ceux du front). Sans perdre de temps, un jeune commissaire politique nous faisait subir un nouvel interrogatoire. Il voulait sans doute savoir ce qu'on lui réservait.
Ayant tout le temps pour réfléchir sur notre condition, nous faisions continuellement des retours en arrière. Le massacre de nos copains hantait nos pensées. Nous même en sortirions nous vivants ? Une conversation avec l'enseigne de vaisseau le Gouvello de la Porte devait m'apprendre quelques détails complémentaires. Lorsque nous étions accroupis sous les bananiers, scrutant avec anxiété le ciel strié par les 12,7 des avions, les Viêts avaient entraîné le lieutenant vers l'intérieur du village. En passant, il avait appelé Vichniakoff et un autre camarade dont je ne me souviens plus du nom ainsi que Fredo, notre jeune compagnon viêtnamien. D'autre part, un Viêt avait déjà entraîné un autre de nos copains, Guillon (un gars de Lyon, très gentil)… Lorsque Vichniakoff réalisa qu'on fusillait ses amis, il se mit à hurler, fou de rage et d'impuissance contre cet innomable acte de lâcheté, ruant malgré ses liens. Pour les Viêts, pas d'états d'âme, ils l'abattirent sur place, ainsi que l'autre camarade. Néanmoins, ils ne touchèrent ni au lieutenant, ni à Fredo !
Lors du ramassage des cadavres, les Viêts eurent la mauvaise surprise de trouver sous les corps des suppliciés, un camarade coincé dessous mais bien vivant. C'était le quartier-maître Abiven, un Breton dynamique et “rigolard” dans d'autres moments plus sereins. Il souffrait atrocement, car une balle lui avait fracassé l'avant bras droit (4).
Les seuls rescapés et témoins de cette tuerie étaient donc le lieutenant le Gouvello, Robert, Abiven, Fredo et moi ; cinq hommes sur quarante deux !…
Le lieutenant fut appelé devant le commissaire. Le ton s'envenima tout de suite quand il lui demanda quelles raisons “valables” pouvaient justifier la fusillade de prisonniers de guerre entravés et dociles : “La Porte, coupa sèchement le commissaire, c'est vous et tous vos semblables qui êtes venus nous faire la guerre. Lorsque vous avez tué des nôtres, personne ne vous a demandé pourquoi. Je vous ferais remarquer, en outre, que les valeureuses troupes de l'armée populaire du Viêt-Minh sont très disciplinées. Notre armée est issue du peuple travailleur viêtnamien, qui ne comprend pas d'assasins ! Maintenant, en ce qui nous concerne, nous ne pouvons parler que de combats, des hommes ont été tués. C'est le fait de votre guerre colonialiste. Quant à ces fusillades dont vous osez me parler, apprenez une fois pour toutes que personne n'a été fusillé. Sortez et ne parlez plus jamais de cela !”
Le lieutenant sortit la rage au cœur. Quelques instants plus tard c'était à mon tour d'être présenté à l'interrogatoire. J'attaquais également de front le commissaire, lui posant la même question que mon prédécesseur. Le commissaire parut d'abord agacé, puis son visage se détendit. Il reprenait visiblement le contrôle de ses moyens :
- “Vous aussi, me dit-il, cessez donc de me parler de cet incident. Voyons plutôt ce qui vous concerne directement. De quelle région êtes-vous originaire ?
- De la Martinique, de Fort-de-France !
- Avez-vous pleinement conscience que la guerre que vous menez contre le peuple du Viêtnam n'a que des buts colonialistes et impérialistes, dont les jeunes gens de France sont les premières victimes. Soyez donc logiques, Charlotte, en reconnaissant qu'à la place d'envoyer des métropolitains au combat, vos officiers colonialistes préfèrent envoyer des Africains, des Nord-Africains, des légionnbaires, donc des étrangers. Comment comprendre la France, qui d'un côté glorifie ses propres maquisards de la deuxième guerre mondiale, et d'un autre refuse d'accordre une liberté légitime au peuple du Viêtnam ! La France a tendance à oublier trop vite qu'elle a été libérée grâce à ses colonies, en affichant à l'égard de ces dernières une arrogance typiquement colonialiste…”
Que répondre devant cette avalanche d'arguments ? J'essayais bien d'engager une lutte verbale, mais il éluda et c'est en riant qu'il m'ordonna de me retirer :
- “C'est bien la première fois, ajouta-t-il, qu'il m'est donné de voir un prisonnier qui n'a pas peur devant moi !”
Puis il entreprit sur le champ la composition d'un questionnaire dont il nous fit la lecture un peu plus tard. C'était pour le moins particulièrement orienté puisque s'adressant à des militaires combattant pour leur pays ! Voici quelques exemples des questions contenues dans ce document et des réponses que l'on attendait évidemment de nous :
- La guerre que nous menions en Indochine était-elle une bonne action ? : Non
- Avions-nous au cours de nos combats tué des Viêtnamiens, civils ou militaires ? : Oui
- Nos pères, mères, frères et sœurs seraient-ils contents de nous voir, mitraillette au poing, en train d'opprimer des innocents ? : Non…
Suivaient d'autres questions à faire pâlir d'envie monsieur de la Palisse, tant les réponses attendues étaient d'une navrante évidence. Il était bien entendu que celles-ci ne pouvaient qu'être collectives, comme tout ce qu'imposait le régime viêt-minh.
Cependant, le commissaire politique décidait de sonder plus profondément la pensée des prisonniers. Il fit appeler Toussaert, Besnard, Colleter et je crois me rappeler deux ou trois autres, puis il leur demanda de signer le texte. La réaction des hommes à ce moment fut d'abord la consternation, puis une hésitation liée à l'incertitude, à la peur de trahir… Mais finalement, il ne pouvait rien y avoir de dangereux à signer ce questionnaire aux réponses imposées, qui tenait plus, si ce n'avait été le tragique de la situation, de l'enfantillage que d'un manifeste de protestataires. Nos camarades signèrent, à notre grand soulagement je dois le reconnaître.
Le lendemain, la marche reprenait suivant le même processus que les jours précédents. La plupart du temps c'était de nuit, avec des haltes pour le ravitaillement et pour nous instiller notre dose de propagande marxiste et donc nous mettre constamment en condition… Après le crime de guerre, c'était le lavage de cerveau pour les rescapés !
Un après-midi, après avoir marché une quinzaine de jours, nous arrivions enfin dans une étroite vallée où coulait une rivière fraîche et limpide. Il y avait déjà là une quarantaine de prisonniers viêtnamiens qui semblaient s'être accoutumés à leur situation. La surveillance était assurée par des miliciens garde-chiourmes, qui appliquaient strictement les le règlement, mais sans toutefois nous manquer de respect. Seuls les officiers ou les chefs avaient le droit de nous parler. En outre, un interprète nous était attaché ; il s'appelait monsieur Dien. Agé de quarante cinq ans environ, il était assez cultivé. Ancien responsable de la police viêt-minh, il avait écopé de vingt ans de prison après avoir été impliqué dans une affaire concernant un trafic de bétail. Paraissant sévère, au premier abord, il s'était révélé juste et équitable à notre encontre. Constatant que j'étais presque à poil, il m'avait fait remettre un treillis vert de l'armée régulière. Il ne me manquait plus que le casque en latanier et les sandales taillées dans des pneus de camion, pour qu'on me confonde avec un bo-doï. Mais bien entendu il n'était pas question de me fournir des chaussures ni même un casque. Par contre, j'eus droit à un splendide chapeau conique à base large, retenu sous le menton par une cordelette. Il était tout neuf ! C'était un don généreux du pacifique et valeureux peuple du Viêtnam !
Très tôt le lendemain matin, quelle ne fut pas notre surprise de voir arriver puis stopper à quelques mètres de nous, un groupe d'une quarantaine de tirailleurs sénégalais. Il y avait un Européen avec eux, pas très grand, mais trapu. Nous nous observions mutuellement, mais il nous avait été interdit de leur parler et réciproquement. Cependant, l'un d'entre nous réussissait à échanger quelques mots avec l'Européen, qui déclinait discrètement son identité : “Caporal le Goff… 24ème R.T.S. (5)… Prisonniers libérés !” L'échange se limita à ces quelques mots, puis la colonne s'ébranla et disparut de notre vue. Tous ces hommes étaient habillés comme je l'étais depuis peu, avec en plus, une natte enroulée sur le dos. Il avait bien dit : Libérés ! Ce mot m'avait frappé. Je sentis soudain une grande lassitude m'envahir, ainsi que mes camarades. Nous étions là, abattus, assommés.
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°142
Re: [Divers commando] Commando François
Suite du témoignage de Gilbert CHARLOTTE :
Ce fut à partir de ce moment que notre calvaire débuta. Dès le lendemain nous reprîmes la piste. Nos pieds furent rapidement écorchés et en sang ; les échauffements suintaient entre les orteils endoloris. Bien sûr, nous avions vingt ans et à cet âge là on est costaud, mais dans des conditions de vie et de nourriture normales. Seule la crainte d'être abattu si nous étions considérés comme traînards, nous faisait serrer les rangs. Je me remémorais alors les marches forcées à l'école des fusiliers, au cap Matifou, devant les regards indifférents des habitants du coin, les étonnantes épreuves de cross-country qui couvraient une douzaine de kilomètres et le fameux parcours du combattant. Et, à dix sept ou dix huit ans, on se tapait cela comme des hommes, même sans un poil au menton. C'était pourtant le bon temps, lorsque le capitaine Richard, qui nous électrisait littéralement de son regard gris-acier, venait me serrer la main, lui tellement “officier”, pour ne pas dire hautain, sous les ovations de l'école toute entière, après que j'ai parcouru un cent mètres dans un temps record, durant lequel je n'avais pas respiré plus de trois fois !…
Ce fut à partir de ce moment que notre calvaire débuta. Dès le lendemain nous reprîmes la piste. Nos pieds furent rapidement écorchés et en sang ; les échauffements suintaient entre les orteils endoloris. Bien sûr, nous avions vingt ans et à cet âge là on est costaud, mais dans des conditions de vie et de nourriture normales. Seule la crainte d'être abattu si nous étions considérés comme traînards, nous faisait serrer les rangs. Je me remémorais alors les marches forcées à l'école des fusiliers, au cap Matifou, devant les regards indifférents des habitants du coin, les étonnantes épreuves de cross-country qui couvraient une douzaine de kilomètres et le fameux parcours du combattant. Et, à dix sept ou dix huit ans, on se tapait cela comme des hommes, même sans un poil au menton. C'était pourtant le bon temps, lorsque le capitaine Richard, qui nous électrisait littéralement de son regard gris-acier, venait me serrer la main, lui tellement “officier”, pour ne pas dire hautain, sous les ovations de l'école toute entière, après que j'ai parcouru un cent mètres dans un temps record, durant lequel je n'avais pas respiré plus de trois fois !…
- Spoiler:
Emergeant de ce passé, je regardais autour de moi… Là ce pauvre Robert, incapable de marcher et continuellement porté par des paysans qui se relayaient de village en village, mais qui souffrait pourtant de plus en plus. Il trouvait néanmoins la force de plaisanter avec nous. Ensuite le Huédé, qui avait “bloqué” un éclat de mortier dans l'œil. Tout un côté de son visage était enflé et suppurait. Venait encore Abiven, dont le bras fracturé pendait lamentablement. Chaque cahot du chemin, chaque faux pas lui arrachait un gémissement et son visage se crispait de douleur.
Puis notre triste convoi arriva enfin dans un village-hôpital. Tandis que nous restions sur place, les autres prisonniers, viêtnamiens en général, étaient dirigés vers une autre destination. Toutefois, ce qui était vraiment étonnant, c'était la présence de l'enseigne de vaisseau le Gouvello de la Porte. Habituellement, les Viêts séparaient les officiers des sous-officiers et de la troupe.
Tandis qu'on nous enfermait dans une cagna sur pilotis, où nous allions passer plusieurs jours, nos camarades Robert et le Huédé furent transportés dans une case “hôpital”. Ils passèrent une visite médicale devant un jeune médecin viêt. Celui-ci avait fait ses études à Paris et il parla même l'argot avec le Huédé. Il examina Robert avec l'intention de l'opérer. Mais comme la balle s'était logée trop profondément dans les entrailles de notre camarade et qu'il ne disposait pas du matériel nécessaire, il renonça à tenter l'intervention chirurgicale. Néanmoins, afin de lui éviter des souffrances intolérables, il décida de lui administrer de la morphine.
Puis ce fut le tour de le Huédé. Son orbite était purulente ! Il était grand temps d'intervenir. L'opération eut lieu à “chaud”, sans anesthésie car l'hôpital en manquait. Toutefois le jeune médecin parvint à extraire l'éclat (il le remit à le Huédé en souvenir), mais il dut pratiquer l'énucléation de l'œil blessé, ce qui rendit borgne notre camarade. Après avoir fait les pansements, l'affaire étant sérieuse, il décida de garder le Huédé sous sa propre surveillance.
Notre ami Robert mourut quelques jours plus tard. Lorsque nous l'apprîmes, nous avions déjà quitté le village-hôpital où, seuls le Huédé et lui étaient restés (6).
Notre colonne s'amenuisait, mais ce n'était pas fini. Accompagné par les miliciens et monsieur Dien, nous arrivâmes dans notre premier camp de prisonniers. Immédiatement Fredo fut séparé de nous et parqué au milieu des prisonniers viêtnamiens. Notre gentil camarade, que nous avions capturé dans la région de Vinh-Long (Cochinchine), n'avait que quinze ans.
Depuis que nous avions été fait prisonniers, il ne cessait de nous répéter tristement : “Commando François tiet… Commando François tiet !…” Il était devenu un bon commando et déjà, à l'île de Cat Ba, nous l'avions échappé belle, lui et moi, lorsque notre groupe avait failli être capturé par les Viêts. Cela s'était passé quelques mois avant Ninh-Binh. Les Viêts lui avaient interdit de nous parler, mais ses yeux expressifs nous faisaient comprendre combien il nous regrettait.
Dans ce camp, outre les les prisonniers du corps expéditionnaire, se trouvaient également des détenus de droit commun viêt-minh, ainsi que des bo-doïs rebelles à la discipline militaire. De ce fait, nous vîmes un jour arriver dans notre “chambrée” un beau garçon, natif d'Haiphong, mais qui avait fait ses études à Hanoi. Ancien chef de bataillon viêt, il avait été condamné à vingt ans de prison pour trafic d'opium. Logeant donc avec nous, il nous entretenait par de longues discussions sur des sujets qui nous intéressaient. Il n'y était jamais fait allusion à la politique ni à la guerre, mais les conversations portaient par exemple sur les différentes régions dont nous étions originaires. Il s'appelait Nguyen Naï ! Il semblait bien s'entendre avec monsieur Dien, lequel paraissait toutefois lui être hiérarchiquement supérieur.
L'effectif de notre groupe allait encore enregistrer des pertes. Miné par une dysenterie amibienne, Bénard s'éteignit doucement. Bourré de morphine, il n'avait sans doute pas trop souffert (6). Je n'étais moi-même guère brillant. Un violent accès de paludisme me laissait pantelant et je rendais même des vers ascaris par la bouche et le nez. Quant au lieutenant le Gouvello, lui aussi fortement éprouvé par la dysenterie, il avait les pieds fortement enflés et ne pouvait plus se déplacer.
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°143
Re: [Divers commando] Commando François
Suite du témoignage de Gilbert CHARLOTTE :
D'autres prisonniers nous rejoignent…
Un jour, que je ne saurais préciser, arrivait dans notre case, accompagnant le directeur général des camps de prisonniers de la 4ème Interzone (secteur s'étendant entre Vinh et Dien Bien Phu), un groupe dans lequel figurait un grand Malgache, que l'on pouvait qualifier de… fort comme un Turc ; un certain Rarotomalala. Il y avait également un officier du Viêt-Minh d'origine européenne, le “colonel” Chapuis, ancien caporal-chef parachutiste et… déserteur (7), suivi de deux autres transfuges de même acabit, Michel, un ancien de la L.V.F. (8) et un légionnaire prétendument Luxembourgeois, X…
D'autres prisonniers nous rejoignent…
Un jour, que je ne saurais préciser, arrivait dans notre case, accompagnant le directeur général des camps de prisonniers de la 4ème Interzone (secteur s'étendant entre Vinh et Dien Bien Phu), un groupe dans lequel figurait un grand Malgache, que l'on pouvait qualifier de… fort comme un Turc ; un certain Rarotomalala. Il y avait également un officier du Viêt-Minh d'origine européenne, le “colonel” Chapuis, ancien caporal-chef parachutiste et… déserteur (7), suivi de deux autres transfuges de même acabit, Michel, un ancien de la L.V.F. (8) et un légionnaire prétendument Luxembourgeois, X…
- Spoiler:
Comme Chapuis allait dormir à côté de moi, nous engagions rapidement la conversation. Nous étions intéressés, mes camarades et moi-même, de connaître son “histoire”, car nous avions souvent entendu parler de la rivalité légendaire qui existait entre lui et Vandenberghe (9).
Telle qu'il la racontait, son histoire était des plus simple. Un jour d'accrochage, où son unité avait été sérieusement malmenée, il ne put se replier car il avait été sérieusement blessé aux jambes. Les Viêts le capturèrent et, tout comme nous, il fut trainé de village en village, la différence avec nous, c'est qu'il était seul ! Comme nous il avait subi le bourrage de crâne. Les Viêts lui demandèrent un jour, puisqu'il avait reconnu l'injustice du combat français contre le peuple viêtnamien, de les aider s'il voulait recouvrer sa liberté. On lui avait dit, comme à nous d'ailleurs, qu'il n'était pas obligé d'accepter, mais que dans ce cas, il ne serait libéré qu'à la fin de la guerre, lorsque l'armée du Viêt-minh serait victorieuse ! Découragé et n'entrevoyant pas la fin de la guerre dans l'immédiat, il acceptait d'endosser l'uniforme viêt et de prendre la nationalité viêtnamienne.
Je considère donc Chapuis comme une sorte d'apatride. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il était un déserteur, puisque s'il ce qu'il dit est vrai, il n'était pas passé délibérément à l'ennemi, les armes à la main. Il lui a fallu choisir son chemin, ce qu'il a fait, je crois, avec courage et sincérité, car les combats qu'il a mené pour le Viêt-minh sont fameux. Monsieur Dien et Nguyen Naï lui témoignaient d'une certaine admiration et d'un grand respect. Ils étaient aussi admiratifs envers le Luxembougeois. Celui-ci avait également adopté la nationalité viêtnamienne et épousé une des leurs. Quant à Michel, c'était tout à fait autre chose ; il était nettement moins sympathique et beaucoup plus distant envers nous.
Le Luxembougeois et Michel appartenaient tous deux à une unité de la Légion étrangère qui assurait la garde sur le port de Haiphong (en 1946 je crois). Ils déserteront dans le secteur de Haï-Duong (10). Pour quelle raison ?… En 1945, la Légion Etrangère s'était considérablement regonflée d'un effectif important, composé presque essentiellement de miliciens et de membres de la L.V.F. en cavale, et aussi de Waffen-SS. Un bruit courut qu'une purge allait être opérée dans leurs rangs, alors ils choisirent de prendre les devants. Mais où aller ?… La seule solution qui se présentait était de rejoindre le Viêt-minh. Certains le firent avec armes et bagages !
Mais les Viêts ne plaisantaient pas. Organisés et sûr d'eux, ils n'avaient guère besoin de conseillers de cette sorte. Et un déserteur est un traitre, donc corvéable à merci ! D'autres déserteurs de toutes nationalités étaient également entre leurs mains. Ils leur donnèrent des cours de Marxisme, leur enseignèrent le viêtnamien, sans pour autant négliger l'instruction militaire à la manière viêt-minh. Sitôt prêts, les “ralliés” étaient groupé pour former une unité : Le “bataillon bleu”. Plusieurs fois les trois Commandos-marine tentèrent de l'accrocher, comme sur le canal Chrétien (Cochinchine) en 1950. Toutefois, le 2ème bureau du corps expéditionnaire parvint à y infiltrer quelques agents, dans l'intention de ramener de “notre côté” ces brebis égarées. Le plan fut découvert. Le Viêt-Minh purgea les rangs, expédiant les gars d'origine allemande vers l'Allemagne de l'Est, via la Chine de Mao et l'U.R.S.S. Tout laisse à supposer d'ailleurs, que quelques-uns des premiers cadres du F.L.N. algérien sont passés par cette même filière (11).
Le bataillon bleu fut dissous et ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient pas partir, furent dispersés à travers le pays, les uns seuls, d'autres par petits groupes, en uniforme, mais sans armes et étroitement surveillés par la milice et les populations. Quelques fidèles seulement servaient encore dans l'armée du Viêt-minh, tels Michel et le Luxembourgeois qui semblaient bien faire partie de l'escorte du chef des camps. Chapuis, quant à lui, semblait rester indépendant ; du moins c'était mon impression.
Dès le début, malgré une certaine réserve, il tint à nous donner quelques conseils : “Le patron est un homme qui a passé quelques années au bagne de Poulo-Condor comme prisonnier politique sous le joug colonialiste. C'est un brave type, mais il reste très marqué par ces épreuves. Ne le contrariez en rien ! Lorsqu'il vous interrogera, répondez-lui sans crainte et crânement… Mais n'abusez pas et ne lui tenez pas tête. Si vous sentez qu'il désire que vous lui répondiez : Oui !… Alors, faite-le et tout ira bien. Par contre, si vous ne suivez pas mes conseils, votre vie ici deviendra vite un enfer !…” Merci Chapuis !
La leçon, bien retenue, nous a servi et notre vie ne fut pas un enfer. Ce chef était des plus bourrus, mais il ne nous a jamais emmerdé. Mieux encore, il a toléré que le lieutenant le Gouvello de la Porte puisse rester définitivement avec nous.
Sans le savoir, nous avions déjà eu des contacts avec le déserteur Michel, car il faisait partie des attaquants de l'église de Ninh-Binh, mais il était de l'autre côté du canal. Ainsi, mon grand ami Maxime Pivin était de ceux qui s'étaient mis à l'eau pour tenter de rejoindre l'autre berge de la rivière, en passant sous les nénuphars, mais les tirs des mitrailleuses viêts l'atteignirent. Une balle lui emporta un morceau de la cuisse (12) et Pivin eut beaucoup de difficulté à nager contre le courant qui l'entraînait plus loin que l'église. Il parvint tout de même sur l'autre rive. Epuisé il resta un moment accroché aux herbes, le temps pour lui de récupérer. Découvert lors du ratissage, il sera interrogé par ce Michel qui servait d'interprète. Pivin, homme fier, intelligent et d'un esprit assez vif, dût ironiser ; cela faisait partie de ses habitudes préférées. Michel, vexé, rétorquait alors que nous n'étions qu'une bande d'assassins, puis le gifflait à tour de bras. Je crois qu'en fait c'était du “cinéma”, car Max, par la suite, ne sembla pas lui en avoir gardé rancune. De toutes façons, il réussit à regagner le poste, grâce à un paysan qui le transporta en sampan.
Le chef des camps repartit, ainsi que Chapuis et compagnie, nous restâmes en groupe avec un “collègue” de plus. En effet, ce brave Rarotomamala nous tenait maintenant compagnie. Comme je l'ai déjà dit, c'était un athlète, une véritable force de la nature, mais qui avait une sainte horreur de l'eau.
Nous pouvions sortir du camp pour faire quelques promenades alentour. Nos pas nous conduisaient souvent au bord du fleuve Song My (rivière du cheval), mais dans ce secteur, il ne formait qu'une large rivière que nous pouvions passer à gué, l'eau ne nous parvenant qu'aux genoux. Timidement, nous échafaudions sans trop de conviction, des plans d'évasion peu réalistes qui, par exemple, nous verraient descendre le fleuve nous laissant porter par le courant, en nous accrochant à un fagot de bambous. Ce serait sans doute long, mais de toutes façon le Song My ne pourrait que nous conduire jusqu'à la mer. Rèverie un peu folle ou espoir insensé d'un prisonnier de vingt ans. Aucun d'entre nous ne réalisait vraiment que nous aurions atteint la limite de l'épuisement bien avant d'arriver à la mer. Car pour entreprendre un tel défi, il vaut mieux être dotés d'une bonne constitution, être en pleine forme et bien nourris. Nous ne recevions qu'un seul repas par jour qui comprenait un bol de riz, du liseron d'eau, avec en supplément le dimanche, deux ou trois petits carrés de viande de buffle ou de chien, y compris la peau et les entrailles. Toutefois il faut préciser que les bo-doïs du Viêt-Minh n'étaient guère mieux nourris que nous. On ne gaspillait rien chez Hô Chi Minh ; on mangeait tout ce qui était susceptible de l'être. C'était là une vaste opération de survie à l'échelle nationale.
En cette période de “vaches maigres”, la plus belle “nourriture” qui nous était offerte était celle de l'esprit ; tous les dimanches matins avait lieu le salut au drapeau. Alors que tout le monde était immobilisé dans un garde-à-vous impeccable et que les gardes rendaient les honneurs, s'élevait une sorte de chant religieux dédié au vénérable “Oncle Hô”, dont un grand portrait semblait présider la cérémonie, puis dans une apothéose, cela se terminait avec des slogans retentissants du genre : “Hô Chi Minh muôn nam !”…
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°144
Re: [Divers commando] Commando François
Suite du récit de Gilbert CHARLOTTE :
Un soir, il y eut un branle-bas de combat dans notre camp. Partout on entendait des ordres, des cliquetis d'armes, des cavalcades. Nguyen Naï nous dit : “Peut-être allez-vous être délivrés… Des troupes ont été parachutées non loin d'ici !…” Nous entendions effectivement des déflagrations, mais cela semblait bien loin. Encore des emmerdements en perspective, pensais-je, d'ici que cela recommence comme à Ninh-Binh…
Un soir, il y eut un branle-bas de combat dans notre camp. Partout on entendait des ordres, des cliquetis d'armes, des cavalcades. Nguyen Naï nous dit : “Peut-être allez-vous être délivrés… Des troupes ont été parachutées non loin d'ici !…” Nous entendions effectivement des déflagrations, mais cela semblait bien loin. Encore des emmerdements en perspective, pensais-je, d'ici que cela recommence comme à Ninh-Binh…
- Spoiler:
En fait, les bérets rouges de la “coloniale” avaient été largués à une quinzaine de kilomètres de notre camp, dans une plantation de caféiers que, par deux fois, nous avions eu l'occasion de traverser. Ils décrochèrent après de violents combats, leur coup de main ayant vraisemblablement échoué. Je pense que mon compatriote, le capitaine para Baltazar, faisait partie du “voyage”. Et le calme revint.
Mais peu à peu la maladie faisait son œuvre sur nos organismes affaiblis, sans que nous le réalisions. Les jours suivants, le lieutenant le Gouvello et moi étant physiquement mal en point, nous dûmes être transférés dans un autre village situé quelques kilomètres plus loin, où se trouvait soi-disant une infirmerie. En fait, tout le monde pensait que nous étions au bout du rouleau et que nous allions crever comme ce pauvre Bénard. Les Viêts tenaient donc à nous isoler pour éviter, pensaient-ils, que nous contaminions les autres.
Pour en revenir à l'infirmerie, nous étions tous les deux dans la même pièce. Nous couchions côte à côte pour nous réchauffer mutuellement. Nos vêtements étaient souillés ; tout sentait la fièvre, le pus, bien plus que la zut… Pauvre de nous ! Le lieutenant ne bougeait plus ; il avait abandonné la lutte. Il rêvassait, les yeux rivés au plafond de la case. Et moi, Gilbert Charlotte, l'orgueilleux et le susceptible, comme c'était indiqué sur mon livret matricule, je me trouvais de corvée deux fois par jour. Je devais, sous le regard dégouté de notre gardien et des femmes du village, aller vider notre commune, minuscule et puante tinette, dans un petit canal malsain. Parfois, un garde plus pervers que les autres, exigeait que j'aille à nouveau laver le “jules” dégueulasse. J'avais à peine la force de me traîner, souffrant le martyre.
Entre temps, allongé sur le bat-flanc de bambou qui nous servait de couche, je reconstituais notre combat en rassemblant les récits qu'en avait fait chacun d'entre nous, les rescapés du massacre, Abiven, Robert, le lieutenant, Fredo et moi, et les autres, qui avaient été pris dans les ruines. J'avais appris que Balichard, en vaillant guerrier, dans un dernier élan désespéré, avait donné l'assaut tout seul. Muller, le grand Muller, tapis dans un trou s'était redressé brusquement, à quelques mètres d'un bo-doï, lequel surpris par sa carrure fit un bond en arrière en lui déchargeant sa mitraillette dans le ventre. Seven et Malecot étaient morts dans les ruines. Cosso était tombé non loin de moi. Mais les autres ?…
Notre cher commandant, le lieutenant de vaisseau Labbens, barbu et rouquin au possible, qu'était-il devenu ? Les Viêts nous avaient dit qu'il figurait parmi les morts et, qu'en bref, nous étions les seuls survivants du commando “François”.
Cependant, nous savions que d'autres gars s'en étaient tirés. Notre camarade Py nous avait raconté comment il avait été capturé en même temps que le lieutenant Capdeville et le matelot Denis. Au moment où l'aviation était intervenue, ils se trouvaient à quelques mètres en arrière de l'église, en train de marcher. Soudain, amorçant un piqué, deux “Bearcat” foncèrent sur eux en lâchant leurs “pruneaux”. Toute la troupe se plaquait au sol. Lors d'une brève accalmie entre deux passes, les prisonniers relevèrent la tête ; ils étaient seuls. Les gardiens terrorisés s'étaient dispersés. Alors, dans un mouvement instinctif, Capdeville et Denis détalèrent. Paralysé par la peur, Py restait sur place, cloué au sol, jusqu'à ce que les Viêts viennent le récupérer. Py était encore jeune au Commando, mais à maintes reprises j'avais eu l'occasion d'apprécier son sang-froid au combat. A quoi peut tenir le destin ?
Devant l'insistance des Viêts à nous persuader que notre “Pacha” avait été tué, nous ne citions jamais le nom de Capdeville, eux non plus d'ailleurs. Ce qui laissait sous-entendre que des gars avaient réussi à passer au travers.
Lorsque ces pensées me lâchaient, je pouvais voir à côté de moi ce pauvre lieutenant, l'enseigne de vaisseau le Gouvello de la Porte, un gentil garçon de noble extraction ; dans notre grande détresse, il se rapprochait de moi. J'appris tout de lui ; Sa jeunesse, ses parents, son frère aîné religieux en Chine et dont sa famille était sans nouvelles depuis fort longtemps. J'étais son ami, son confident, son conseiller aussi et, me sentant plus fort que lui à ce moment, je devenais naturellement sa bouée de sauvetage.
Finalement, je ne regrettais plus d'être le seul à aller vider la tinette ; c'était presque devenu un acte héroïque… J'avais le sentiment d'être celui grâce auquel nous arrivions à survivre tous les deux. Le lieutenant était plus malheureux que moi qui était aguerri depuis mon plus jeune âge aux souffrances physiques et morales. Je me devais donc d'assumer le rôle de protecteur.
Combien de jours cette abominable situation a-t-elle durée ? Je ne saurais le dire. Qu'importe !… Puis l'ordre de notre transfert est arrivé. Le lieutenant et moi dûmes d'abord rallier le groupe de nos camarades qui désespéraient de nous revoir. Puis tous ensemble, les prisonniers viêtnamiens compris, avec les gardes nous reprîmes la route pour gagner un autre camp situé à une dizaine de kilomètres.
Là, nous fûmes rejoints par un fort détachement de prisonniers, de joyeux lurons malgré les circonstances, qui étaient les rescapés de deux unités décimées : le 8ème R.I.C. et le 24ème R.T.S. (celui dont étaient issus le caporal le Goff et ses tirailleurs sénégalais, que nous avions momentanément croisés de nombreuses semaines plus tôt). Ceux-là étaient prisonniers depuis onze mois déjà. Il y avait l'adjudant Veglio originaire de Nice, l'adjudant Godasse d'Agen ; ils n'avaient pas été libérés parce qu'ils étaient gradés. Le caporal Maoundé, les tirailleurs Toutou, Counda, Ibrahim et Banga étaient en instance de libération. Se rendant sur le front du Than-Hoa pour être échangés contre des prisonniers viêts, ils s'étaient vu confier une charrette bourrée de munitions. Ils la traînaient depuis le début des opérations du Day. Ils avaient vite compris que les Viêts leur faisaient briller la libération comme une carotte pour faire avancer un bourricot, mais qu'ils se servaient surtout d'eux pour transporter des munitions. Attitude déviante pour des marxistes luttant dans le but de libérer les peuples. La tentation les prit un jour quand, sans surveillance et entendant près d'eux le canon tonner, ils abandonnèrent leur chargement, prirent à travers la forêt la direction de ce qu'ils croyaient être des batteries françaises. Hélas ! ils se retrouvèrent dans la zone “traitée” par notre artillerie et furent repris un peu plus tard.
Du VIIIème R.I.C. il y avait l'adjudant le Blanc, qui était marié à une Viêtnamienne et dont les Viêts se servaient pour leur service de renseignement ; le caporal Girard, un métis laotien dont le père français était capitaine. Girard était un garçon qui avait du cran. Il se serait fait tuer plutôt que d'avouer qu'il comprenait et parlait couramment le viêtnamien. Il y avait aussi un sergent parachutiste ayant appartenu au 2ème bureau. Les Viêts s'ingéniaient à le martyriser dans l'intention de le faire “crever”. Un autre sergent qui, par bravade, quand il n'insultait pas les Viêts cherchait à les ridiculiser. Son attitude lui portera préjudice quelques mois plus tard.
Enfin, un important contingent de tirailleurs algériens dont le chef, un sergent, était franchement sympathique. Je n'en dirais pas autant de certains de ses compatriotes qui furent, à mon égard, de véritables salauds.
Les Viêts organisaient une vie de travail quotidien (13) pour ceux qui étaient valides, car les plus faibles pouvaient rester au camp (exempts, comme on dit dans la marine), où ils devaient décortiquer le riz, écraser le maïs de notre pitance et effectuer d'autres besogne du même genre. Quant aux corvées extérieures, certains, munis de coutelas, partaient en forêt toute la journée pour constituer des fagots de bois, qu'ils devaient lier réglementairement selon un volume bien déterminé. Le soir ils les rapportaient au camp. Une partie servait à la cuisson de la nourriture, tandis que le reste pouvait être vendu à la population. Le maigre argent retiré de ces ventes était partagé entre nous. Les Viêts payaient comme ils s'estimaient servis : Travail-Nourriture-Argent. S'il n'y avait pas de travail, il ne fallait pas s'attendre à de la charité. Cependant les plus faibles recevaient quand même leur pitance journalière. Nous crevions de faim, mais nous n'étions pas maltraités, sauf ceux qui se rebellaient.
Une nuit, alors qu'éreinté, n'ayant même plus la force de me lever pour aller sur la tinette, j'éjectais régulièrement ma dysenterie sur moi, une colique me vrilla le ventre. Dans un ultime sursaut de désespoir, je bondissait de mon bat-flanc et fonçait vers le coin où était située la tinette collective. Mais comme nous n'avions pas le droit de nous lever la nuit, le garde fondit sur moi et se mit à m'engueuler puis, me prenant par le col, me secoua vigoureusement. Alors je réagis en me mettant à hurler après lui, l'insultant en le traitant de tous les “noms d'oiseaux” qui me passaient par la tête. Le résultat fut que le lendemain je passais devant un conseil de discipline qui me condamna aux fers durant une semaine. Le supplice consistait à m'entraver les pieds à une longue barre de fer et à m'obligeait à rester sans pouvoir bouger dans un coin de la case. Interdiction formelle était donnée aux autres de m'adresser la parole.
Quel lamentable spectacle était imposé à mes camarades. J'étais infect, puant et très maigre. Mes vêtement étaient irrémédiablement souillés de sang et de glaires. Tout mon corps n'était qu'une éruption de boutons galeux (avitaminose, me dira-t-on plus tard). Lorsque mon calvaire se termina, mes camarades, je le vis bien, se détournèrent de moi. Que restait-il de Charlotte, le boxeur, le coureur de cent mètres, moi qui trimbalait allègrement mes soixante dix kilos par monts et par vaux. Je n'étais plus qu'une loque sanguinolente et c'est à ce moment que certains Algériens commencèrent à m'en faire baver.
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°145
Re: [Divers commando] Commando François
Suite du récit de Gilbert CHARLOTTE :
Pourquoi ?… Les Viêts nous avaient moralement séparés en deux camps, afin de faciliter les cours de marxisme et autres initiations politiques.
D'un bord, les métropolitains colonialistes et responsables de la situation présente, de l'autre, les ressortissants des peuples opprimés, qui étaient irresponsables et victimes de ce fait.
Je me trouvais donc en cours avec les Algériens et les Sénégalais.
Girard, le Laotien, du fait qu'il était métis et de père Européen, restait avec les “colonialistes”.
Ces derniers devaient suivre un stage de redressement, de rééducation, quant à nous, les opprimés, on nous dispensait une éducation d'hommes enfin “libérés”, donc “libres” grâce au valeureux, généreux et autres qualificatifs de slogans pouvant se rapporter au peuple viêtnamien.
Pourquoi ?… Les Viêts nous avaient moralement séparés en deux camps, afin de faciliter les cours de marxisme et autres initiations politiques.
D'un bord, les métropolitains colonialistes et responsables de la situation présente, de l'autre, les ressortissants des peuples opprimés, qui étaient irresponsables et victimes de ce fait.
Je me trouvais donc en cours avec les Algériens et les Sénégalais.
Girard, le Laotien, du fait qu'il était métis et de père Européen, restait avec les “colonialistes”.
Ces derniers devaient suivre un stage de redressement, de rééducation, quant à nous, les opprimés, on nous dispensait une éducation d'hommes enfin “libérés”, donc “libres” grâce au valeureux, généreux et autres qualificatifs de slogans pouvant se rapporter au peuple viêtnamien.
- Spoiler:
Dans un autre contexte, cela aurait pu passer pour des enfantillages, mais en fait, nous avions face à nous des gens obtus, à l'esprit tortueux, qui n'en étaient plus à une contradiction dans leur comportement.
Même si nous faisions semblant de marcher, les principes énoncés ne correspondant nullement aux actes, la plupart d'entre nous restaient dans la plus grande expectative.
Après une série de cours, nous avions une séance d'autocritique ; c'était d'un comique.
Chacun d'entre nous s'ingéniait à s'inventer tel ou tel crime dont il s'accusait devant tous les autres, afin de prouver à ce cher commissaire politique que nous avions bien assimilé ses cours et compris ses leçons.
Nous tenions à montrer que nous nous repentions sincèrement de toutes nos turpitudes.
C'était bien le but recherché, non ?
Je voudrais revenir sur la qualité des contacts que nous entretenions entre prisonniers.
Je m'entendais bien avec les Africains qui étaient tous des gars serviables et aimables, mais les Algériens ne comprenaient pas ma position.
En effet, la couleur brune de ma peau faisait qu'ils m'assimilaient à un Nord-aficain et étaient persuadés que je reniais mes origines.
Je ne pouvais leur en vouloir d'ignorer l'existence d'une île appelée Martinique dont j'étais originaire.
Pour aggraver mon cas, à ce moment j'étais faible et repoussant, je sentais terriblement mauvais ce qui ne plaidait pas en ma faveur.
Pour tout arranger, il se trouvait que le commissaire politique, le même qui nous avait interrogé dès le début de notre captivité, avait pour moi une certaine estime qui n'échappait pas à mes camarades.
J'eus soudainement l'impression que tous me fuyaient, sauf Rarotomalala, le Louer, Toussaert et les cinq Africains ; dans la situation de faiblesse, tant morale que physique où je me trouvais, c'était plutôt dur à avaler.
Ce fut aussi la période de l'hécatombe.
Succombant à la lourde générosité de l'Oncle Hô et du valeureux peuple viêtnamien qui avait laissé proliférer les poux, les punaises et autres maux, Isnard, Abiven, le lieutenant le Gouvello de la Porte et Camus mourraient de la dysenterie.
Le pauvre Camus rendit l'âme alors que je le réconfortais et portais entre ses lèvres blêmes une cuillerée de soupe.
Quant à l'enseigne de vaisseau le Gouvello de la Porte, il fut le seul officier à être resté jusqu'au bout avec ses hommes.
Etait-ce l'œuvre de Fredo ?
Est-ce que les Viêts nous connaissaient moins bien que nous ne le pensions ?
De toutes manières ils avaient du mal à nous mettre à genoux.
Le sergent para du 2ème bureau mourrait également ; il avait tenu longtemps malgré le “traitement de faveur” infligé par les Viêts sur ordre du commissaire politique.
Quatre officiers, dont deux aviateurs, passérent une journée dans notre camp. L'avion de ces derniers avait été abattu en zone viêt.
Capturés aussitôt, ils étaient conduit dans un village où ils rejoignaient les deux autres qui étaient de la “coloniale”.
Encore frais et jouissant de toutes leurs forces, les aviateurs mettaient immédiatement à exécution un projet d'évasion.
Un seul de la “colo” les suivit, l'autre, du 24ème R.T.S. je crois, trop affaibli par une année de captivité, refusa de les accompagner.
Les trois autres profitèrent d'une corvée en forêt pour s'évader.
Le Laos n'était pas bien loin.
Quatre vingts kilomètres tout au plus à vol d'oiseau.
D'après eux, c'était faisable en trois ou quatre jours, mais ils n'avaient pas compté sur le fait que la région était entièrement acquise à la cause viêt-minh. Si nos forces tenaient bien le delta et les villes, il n'en était pas de même pour le reste du pays.
Nos pauvres amis ne firent pas plus de dix kilomètres en une semaine, mangeant de l'herbe, quelques maigres cochonneries et jusqu'à un serpent tout crû, au risque de s'empoisonner.
Puis, découragés, ils rallièrent un village où ils se rendirent à la population qui les remit aussitôt aux autorités du Viêt-minh.
Revenus à leur point de départ, ils furent jetés aux fers, puis reçurent une volée de bois sur les jambes, ce qui avait la particularité de faire éclater les chairs sur les tibias sans rompre les os.
Par la suite ils nous furent envoyés afin de nous ôter toute envie d'évasion. Ensuite, les malheureux furent trainés de village en village pour y être exhibés. Les Viêts expliquaient alors aux populations qu'en fait, ces hommes n'avaient rien retenus des leçons qu'on leur avaient généreusement données, et qu'au lieu de montrer de la gratitude pour la clémence qu'on leur avait trop facilement octroyée, ils avaient tout mis en œuvre pour retourner dans leur camp afin de reprendre, une fois de plus, les armes contre le peuple viêtnamien.
Je me souviens que ces pauvres gars semblaient résignés.
J'ai la conviction qu'avec un tel traitement, ils n'ont eu que peu de chance d'avoir survécu.
Quant à moi, le béri-béri gonflait mon corps des pieds aux hanches.
Le pantalon trop serré, malgré ma maigreur, meurtrissait mes chairs. Je vivais, nous vivions, mais combien de temps cela durerait-il encore ?
jean-claude BAUD- MAÎTRE PRINCIPAL
- Age : 83
- Message n°146
Re: [Divers commando] Commando François
Merci Daniel pour ce long récit ...
"Puisqu'on ne peut changer la direction du vent, il faut apprendre à orienter les voiles".
[James Dean]
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°147
Re: [Divers commando] Commando François
Suite du récit de Gilbert CHARLOTTE :
Le dernier camp… La libération…
Les prisonniers allaient passer ainsi par quatre camps principaux et d'autres intermédiaires.
Dans l'un de ces derniers, ils pouvaient reconnaître des anciens du commando Vandenberghe.
Ils étaient là en rééducation, après que leur chef ait été abattu par traitrise dans son camp de Nam-Dinh.
Ceux qui étaient détenus ici avaient été jugés récupérables, quant aux autres, les Viêts les avaient tout simplement liquidés !…
Le dernier camp… La libération…
Les prisonniers allaient passer ainsi par quatre camps principaux et d'autres intermédiaires.
Dans l'un de ces derniers, ils pouvaient reconnaître des anciens du commando Vandenberghe.
Ils étaient là en rééducation, après que leur chef ait été abattu par traitrise dans son camp de Nam-Dinh.
Ceux qui étaient détenus ici avaient été jugés récupérables, quant aux autres, les Viêts les avaient tout simplement liquidés !…
- Spoiler:
- C'est également au cours d'un transfert de camp, que les prisonniers aperçurent un vieux Junker (Ju-52) qui les survolait.
Mais comme les gardes les firent rapidement se cacher sous les arbres, les observateurs probablement embarqués dans l'avion ne purent les voir.
De toutes façons, l'équipage était bien trop occupé à balancer des tracts d'action psychologique.
Ces documents étaient plus particulièrement destinés à inciter les bo-doïs à déserter les rangs du Viêt-minh, avec l'intention de les voir rallier ceux de l'armée française, partout victorieuse !...
Et ils arrivèrent au camp n° 4, appelé aussi “camp de la mort”, pour justifier la qualité des traitements que l'on y subissait, toujours grâce à la générosité du vénérable oncle Hô, sans oublier celle du valeureux peuple viêtnamien.
Dès leur entrée, les prisonniers furent saisis par le pénible spectacle qui se déroulait devant leurs yeux.
Ligotée, la face contre le sol, une pauvre femme gémissait sous les coups de bâton que lui assenaient des gardes avec sadisme.
Elle en recevra ainsi plusieurs dizaines.
Nous l'apprendrons bientôt, ce n'était pas la première fois et ça ne sera malheureusement pas la dernière.
Celle-ci, appelée Ty-Mouy, était accusée d'avoir travaillé pour les Français ; elle lavait leur linge.
Le peu d'argent qu'elle en retirait lui permettait de subsister.
Gilbert Charlotte poursuit maintenant son récit :
“De ce qui restait des commandos-marine, nous n'étions plus que six : Il y avait le Louer, Toussaert, le Huédé, Colleter, Bouchet et moi. Fredo avait été définitivement séparé de nous.
D'ailleurs, en augurant de son avenir, nous lui avions conseillé de se plier aux exigences des Viêts et de rester sagement en compagnie de ses compatriotes.
L'hiver avait été très rude.
Nous n'avions absolument rien pour nous protéger, ni vêtements chauds, ni couchages.
Pour nous démontrer la générosité, la haute bienveillance de l'oncle Hô et l'absence de rancune du valeureux peuple viêtnamien, nos gardes nous avaient gracieusement fourni à chacun une tenue des plus légère et… une natte pour deux, destinée à nous couvrir la nuit.
Dans ces régions, à cette période de la saison, le crachin tombait presque en permanence et tout absorbait l'humidité.
La terre détrempée maculait nos pieds nus.
Depuis quelques jours, Bouchet traînait un mauvais abcès à la cuisse qui le clouait dans son coin de bat-flanc, subissant d'intolérables souffrances.
Une pauvre prisonnière viêtnamienne, qui avait, soi-disant, renseigné l'armée française, lui prodiguait une attention presque amoureuse.
Elle n'était plus très jeune et ses traits portaient les stigmates de son calvaire. Tous les deux ou trois jours, les gardes lui distribuaient une volée de coups de bâton, pour lui faire payer sa traitrise.
Peut-être cherchaient-ils à ce qu'elle avoue d'autres crimes ?…
Cependant, la proximité de ce couple étrange et impuissant que formaient cette femme et notre copain Bouchet, était pour nous, dans cet océan de détresse, comme un baume de jouvence.
C'était beau, pur, fraternel et sans équivoque possible, car compte-tenu de nos conditions de survie, nous étions depuis des mois incapables d'avoir la moindre érection.
Puis après tous ces jours de souffrance, un jour vint où on nous ordonna de nous regrouper : “Rassemblement ! Di di… Mau lên…” (14).
Les prisonniers se mirent rapidement en rang, face aux autorités, le chef de camp, le commissaire politique, entourés d'un plus grand nombre de gardes qu'à l'habitude. Tous nous souriaient…
“Les gars, dit monsieur Dien, le Président Hô Chi Minh, dans sa grande clémence, a donné l'ordre de vous libérer …
Vous quitterez le camp demain matin à l'aube !”
A l'aube ? Mauvais présage, mais la crainte s'estompa dans l'enthousiasme général.
Les “Hip, hip, hip… Hourra !” se mêlaient aux “Hô Chi Minh Muôn Nam”.
Quel coup, quelle émotion.
Dieu avait vraiment exaucé nos prières.
A Noël en effet, un prêtre viêtnamien lui aussi prisonnier, avait demandé l'autorisation de célébrer la messe dans une petite église située à quelques kilomètres du camp.
Nous y allâmes tous, Chrétiens et Musulmans, pour dans notre grande détresse, confier notre âme à Dieu.
Maintenant, trois mois plus tard, il venait de nous délivrer ; nous avions enfin un petit espoir de nous en sortir.
Quelle journée merveilleuse !
Pas de travail, un repas copieux avec de la viande, ainsi que des fruits offerts par la population.
Contrairement à certaines régions où nous ressentions la haine, ces braves montagnards semblaient bien nous aimer.
Combien de fois nous l'avaient-ils démontré, en nous donnant notamment à boire d'affreuses mixtures pour atténuer le feu qui brûlait nos entrailles.
Ainsi c'était bien vrai, plus jamais je ne mangerai du charbon de bois pilé pour tenter de raffermir mes intestins en décomposition.
Fini de boire des bols entiers de permanganate et je ne tenterai plus d'avaler des kilos de son de riz pour essayer d'enrayer cette diarrhée vieille déjà de huit mois.
Le réveil eut lieu de très bonne heure.
Le pauvre Bouchet, angoissé, n'était même plus en mesure de s'asseoir.
Il pleura lorsque nous le quittâmes, le laissant derrière nous dans cette triste “chambrée” ; nous sentant honteux de l'abandonner ainsi, nous n'osions pas le regarder.
Nous n'avions pas eu l'autorisation de l'emmener avec nous.
Le brave adjudant Veglio avait pourtant insisté auprès du chef de camp, assurant que nous nous chargions du transport de notre camarade.
Peine perdue, rien à faire !
La Viêtnamienne, voyant que son ami restait là, seul, nous avait insultés, pleurant à chaudes larmes.
Tous les prisonniers libérables furent rassemblés dans la cour.
Le sergent para qui avait tant provoqué les gardes, reçut l'ordre de se mettre de côté ; lui n'était pas libéré.
Des larmes coulèrent sur ses joues.
Cela faisait maintenant deux ans qu'il était prisonnier.
Sur un ordre la colonne s'ébranla, accompagnée des gardes tenant leur fusil en bandoulière et de monsieur Dien.
Nos vêtements avaient été lavés, en outre, chacun avait reçu un chapeau viêtnamien et une natte.
Tout au long de la route, nous nous relayions pour porter le chargement de riz qui devait constituer l'essentiel de notre nourriture.
A peine avions nous parcouru quelques kilomètres qu'un jeune Algérien, hurlant de douleur, s'écroulait sur le bord de la route.
Il ne pouvait plus marcher.
Peut-être quelque vaisseau s'était-il rompu dans ses organes, car cela faisait plus d'un an qu'il luttait, sans soins, contre une blennoragie carabinée.
Depuis plusieurs semaines, il pleurait en urinant.
Il resta là, sur le bord de la piste … tandis que nous continuions notre route, de temps à autre sous les acclamations de la population, venue de son plein gré parfois, mais le plus souvent “invitée” par les cadres politiques.
Nous n'étions pas dupes de cette hypocrisie.
Nous marchions presque exclusivement de nuit, nous arrêtant le matin dans les villages pour prendre un peu de repos.
Mais il fallait surtout éviter la chaleur qui, dans l'état où nous étions, aurait pu nous tuer et ensuite pour éviter d'être repérés par les patrouilles de l'aviation.
Vêtus de nos tenues viêts, plusieurs fois nous avons été mitraillés sur la route.
Nous étions terrorisés.
Il n'aurait plus manqué que nous soyons abattus par les nôtres au moment où nous allions être libérés.
Bien que l'incident ait eu lieu lorsque nous étions encore prisonniers, je me souviens particulièrement du jour où deux “Bearcat” s'étaient mis à tournoyer au-dessus du camp, situé en haut d'une crête et entouré de vastes marécages.
Nos gardes nous ordonnèrent de sortir des paillottes et de nous disperser alentour.
A ce moment nous aurions pu mettre à profit cette relative liberté de mouvement pour nous évader.
Mais pour aller où ? au milieu de ces marécages …
Pendant ce temps là ces “salauds” inconscients s'amusaient.
Ils grimpaient en altitude, amorçaient des virages sur l'aile puis piquaient sur nous, heureusement sans tirer.
Personnellement, je crevais de peur devant de telles “couillonnades”.
En plus, ils auraient pu se faire descendre.
Je les maudissait ces aviateurs qui, une demi-heure plus tard, allaient se retrouver au mess, devant un bière bien fraîche, rigolant encore de ce qu'ils avaient fait endurer à de pauvres individus dont ils ignoraient tout ; ils nous emmerdaient et nous n'avions pas besoin de cela !
L'aviation était la bête noire des populations viêtnamiennes, en lutte ou pas. Après de tels incidents, nous les comprenions aisément.
Quiconque n'a jamais vu un chasseur piquer droit sur lui, ne pourra jamais comprendre la terreur que cela inspire et les conséquences qu'elle peut entraîner.
Dans ces circonstances on en a vu certains faire dans leur pantalon…
Peu à peu notre colonne s'approchait du No Man's Land et les population, à nouveau, se montraient nettement moins sympathiques à notre égard.
Les slogans d'usage et les belles paroles avaient fait place aux quolibets, sinon aux insultes.
Puis un jour, notre marche fut subitement stoppée dans la forêt.
C'était la dernière halte.
Depuis combien de jours marchions nous ? (15) …
Nous avions perdu la notion du temps.
La seule chose dont nous étions conscients, c'était la distance parcourue ; deux cents kilomètres environ !
Monsieur Dien et le commissaire politique nous firent regrouper et nous vîmes là leur émoi.
Ils avaient des larmes dans les yeux, ce qui tendrait à prouver le déchirement sincère que leur provoquait cette séparation, car finalement c'était l'unique motif de notre halte.
Monsieur Dien s'adressant à nous tous, dit : “C'est fini …
Vous partez, mais nous nous restons !…
” Au moment de me faire ses adieux, il me dit encore : “Charlotte, mon vieux, prenez garde à votre santé ...
Exigez que l'on vous soigne immédiatement, que l'on vous rapatrie dans votre pays, car vos chefs ne sont pas honnêtes.
Je ne pensais pas que vous auriez tenu jusqu'à ce jour.
Alors, Adieu !…
” Incroyable mais vrai, maintenant c'était l'adjudant Veglio qui réconfortait le commissaire politique et monsieur Dien.
C'était presque le comble de la bienséance, lorsque nous les prisonniers leur assurions que la guerre serait bientôt finie et, qu'après ce que nous avions vu, ce sont eux qui la gagneraient !…
Puis ce fut la séparation.
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
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Re: [Divers commando] Commando François
Suite du témoignage de Gilbert CHARLOTTE :
Au moment de nous éloigner, le commissaire politique appela doucement : “le Blanc… Raroto…
Vous revenez au camp avec nous…
Vous n'êtes pas libérés !”
Au moment de nous éloigner, le commissaire politique appela doucement : “le Blanc… Raroto…
Vous revenez au camp avec nous…
Vous n'êtes pas libérés !”
- Spoiler:
- Pourquoi ?… l'adjudant le Blanc sourit tristement, assommé ou résigné, puis ferma les yeux tout en serrant les poings.
Le visage de Rarotomalala devint dur, ses mâchoires saillaient fortement, tandis qu'à ses yeux des larmes perlaient doucement.
Qu'avait-il fait ce brave Malgache, lui notre consolateur, notre protecteur même (il parlait couramment le viêtnamien), notre conseiller aussi.
Combien de fois il aida l'un ou l'autre à porter son fardeau.
Je lui devais moi-même beaucoup, lors de mon “opération survie” et bien souvent encore, il se chargea de mon fagot en plus du sien.
Et je l'assure toujours aujourd'hui, où qu'il se trouve, de ma reconnaissance éternelle.
Nos gardes furent relevés par des bo-doïs.
C'était exactement l'inverse de ce qui s'était passé au début de notre captivité.
Une nuit, notre progression nous fit passer à quelques centaines de mètres seulement du poste de Phuly.
Notre escorte s'égrenait, quoiqu'il faille souligner qu'en ce qui concernait les marins, notre troupe avait été scindée en deux groupes.
Le mien comprenait Toussaert, le Louer et ben entendu moi-même.
Le Huédé et Colleter étaient partis avec l'autre, par un itinéraire différent.
Bientôt, nous n'eûmes plus qu'un seul bo-doï avec nous et, un matin, nous arrivâmes à la lisière d'une vaste rizière brûlée au napalm.
Tout autour la région était criblée de trous d'obus et de cratères de bombes.
Il ne fallait certes pas s'étonner de nous voir dévisagés méchamment par les habitants du coin.
Dans un village, le régulier viêt après avoir discuté avec plusieurs hommes, revint vers nous.
Nous avions compris, lorsqu'ils nous observaient, que la conversation nous concernait et nous eûmes peur.
Etait-ce la liquidation pure et simple qui nous attendait ?…
Un garçonnet d'environ douze ou treize ans vint rejoindre le bo-doï qui nous expliqua alors : “Vous allez partir maintenant, droit devant vous; Derrière le gros rocher que vous voyez au milieu de la rizière, il y a le poste français.
Il est à deux kilomètres plus loin que ce rocher.
L'enfant va vous conduire jusqu'au rocher, ensuite vous continuerez seuls. Faites bien attention, car parfois il y a des méprises et les Français tirent sur les prisonniers libérés.
De toutes façon, hier soir, nous leur avons annoncé à l'aide de haut-parleurs votre arrivée…
Bonne chance !”
Nous partions aussitôt, mais sans être rassurés pour autant, attendant à tout moment que des rafales soient tirées dans notre dos.
A cause de cela, nous n'osions pas nous retourner.
Le gnô (l'enfant) marchait en tête de la colonne et une sorte de crainte progressive semblait l'envahir, au fur et à mesure que nous approchions du rocher.
Celui-ci, tel un immense menhir, émergeait au dessus de la rizière asséchée ; c'était la saison.
Nous pensions que le soldat s'était trompé, car nous avions déjà parcouru plus de trois kilomètres et nous n'avions toujours pas le poste en vue, malgré un terrain absolument plat et découvert.
Je rèvassais tout en traînant mes pieds endoloris par les chaumes de riz qui, brûlés, étaient particulièrement acérés, les mettant dans un état lamentable. Pourtant, depuis des mois, ils avaient eu le temps et bien des occasions de s'endurcir !
L'atmosphère dans laquelle nous baignions était étrange, presque irréelle… C'est sans doute la raison pour laquelle je me mis à repenser à mes anciens copains, à Pihan, ce grand “gorille”…
Qu'était-il devenu ?
Et Turcas, gentil Turcas, où étais-tu ?
Tout à coup je réalisais que nous étions enfin parvenus au pied du rocher.
A ce moment le gosse, qui ne parlait pas un mot de français, nous fit comprendre par gestes que sa mission étant remplie, il repartait vers son village.
Quant à nous, il ne nous restait plus qu'à progresser prudemment, droit devant.
Veglio et quelques autres, encore solides moralement quoique plus ou moins physiquement, contournèrent le rocher : “Oh les gars !… Ça y est, dit l'un, ce grand rocher, là-bas, ce doit être le poste !…
” Alors ce sera sans doute le dernier effort à fournir.
Puis d'un commun accord, nous nous débarassions de nos nattes que nous refilions au gosse ahuri, qui ne pouvait comprendre qu'on puisse se séparer d'un accessoire vital.
Il ne put tout emporter, mais il s'éloigna, croulant presque sous la charge. Nous forcions maintenant l'allure, en direction de ce point qui n'était encore qu'une hypothétique promesse de liberté.
Nous avions encore tant de chemin à parcourir et pourtant, certains, emportés par un enthousiasme subit, se mettaient à marcher tellement vite que les plus faibles n'arrivaient plus à suivre et gueulaient : “Pas si vite en tête, bande de cons !…”
Ils avaient raison, car on voyait toujours pas le poste et il était bien inutile de gaspiller tant d'énergie.
Le jour se levait. Le groupe se reconstitua et la marche reprit.
Soudain, à la faveur de ce jour naissant, nos yeux purent distinguer des bâtiments, des fortifications faites de sacs de sable empilés.
Nous arrivions au bout de notre calvaire…
Puis apparut enfin la silhouette d'un grand gars et, avançant encore, nous vîmes que c'était un Africain.
Il nous regardait approcher. Personne ne nous attendait et, en prévision d'un malheureux incident alors que nous allions toucher au but, nous nous arrêtâmes sur place, tout en criant : “Oh !… Ne tirez pas… Prisonniers libérés !…
” Le grand Africain disparut un instant, puis il revint accompagné de quelques autres, dont des Viêtnamiens.
Ils nous firent un signe impératif de stopper, puis de contourner le poste, car nous étions en plein dans le… champ de mines !
Entendant cela, nous restâmes figés sur place.
Nous pensions être tirés d'affaire et nous étions à nouveau confrontés à un grand danger ; la trouille nous reprenais de plus belle.
Décidément, nous nous en sortirions jamais !
Voyant que nous ne bougions plus, un noir descendit la pente et commença à désamorcer quelques mines, afin de nous ouvrir un passage.
Dès qu'il le jugea suffisamment sécurisé, il entrouvit la chicane du réseau de barbelés et nous fit avancer prudemment, en file indienne et en évitant tout écart.
La légère côte fut vite escaladée et, enfin, nous pouvions pénétrer dans le poste de Cho Ben, situé à vingt kilomètres d'Hanoi.
Cela faisait maintenant plus de vingt jours que nous marchions sans arrêt, après avoir parcouru plus de deux cents kilomètres.
Nous étions dans un état de décomposition autant physique que morale. Nous paraissions minuscules devant ces grands gaillards qui nous regardaient sans broncher.
Quelle idée folle me passa soudainement par la tête ; je crus tout à coup qu'ils allaient nous tuer.
Ce fut l'arrivée du capitaine chef de poste qui me remit dans la réalité.
Il jeta un regard circulaire, jaugeant notre situation, pui se retournant vivement vers ses hommes, il se mit à crier : “Qu'attendez-vous, bande de connards ?… Allez leur chercher des vêtements propres, préparez des douches chaudes… et surtout de quoi manger !
Vous devriez déjà être de retour !”
Dans ces cas là, un coup de gueule paraissait presque chaleureux, fraternel. En voyant tous les gars du poste se démener, beaucoup d'entre nous avaient les larmes aux yeux.
C'était seulement maintenant que nous acceptions de croire que nous étions vraiment libres.
Puis ce fut la joie des présentations et des poignées de mains.
Nous nous sentions le cœur gonflé de reconnaissance envers ces hommes et leur capitaine.
Les tirailleurs tournaient pudiquement la tête lorsque nous nous douchions. Puis lorsque nous fûmes prêts, le capitaine se mit à table avec nous.
Il nous dévisageait d'un regard presque paternel.
Nous étions affamés, prêts à dévorer tout ce qui nous serait proposé, mais l'adjudant Veglio, fort de sa grande expérience, stoppa sêchement notre boulimie.
Il nous expliqua que, nos estomacs s'étant atrophiés par manque de nourriture, nous pourrions mourir de trop manger.
Après avoir tant soufferts de la faim, dans un premier temps cela nous paraissait tellement cruel…
Chaque jour les Viêts harcelaient le poste, c'est pour cette raison que le capitaine pouvait comprendre ce que nous avions vécu.
Merci encore à lui !
Dans la journée nous apprenions que le deuxième groupe, celui où se trouvaient nos camarades le Huédé et Colleter, venait également d'être libéré, juste derrière l'église de Ninh-Binh !
Quelle ironie du sort ce retour à la case départ !
Des G.M.C. vinrent nous récupérer. Adieu Cho Ben, adieu capitaine et adieu à vous, les grands tirailleurs africains !
La pression étant brutalement retombée, une sorte d'état dépressif fait d'anxiété et de tristesse m'envahit.
Alors qu'enfin j'étais de nouveau libre et que je me retrouvais parmi mes semblables, je me mis paradoxalement à regretter certains aspects de ma captivité.
Je venais sans conteste de vivre les moments les plus pénibles de mon existence, mais je me prenais à regretter parfois l'absence de monsieur Dien et de Nguyen Naï, encore qu'ils n'aient jamais été à l'origine de mes souffrances, mais aussi celle du commissaire.
Dans l'état d'esprit où mes copains et moi nous nous trouvions, il nous était encore impossible d'envisager d'être heureux.
Le trajet de Cho Ben jusqu'à Hanoi, nous le fîmes accroché aux ridelles du camion.
Nous ne pouvions supporter la position assise, nos os peu protégés par nos chairs amaigries s'entrechoquaient sur les bancs de bois.
La route était défoncée.
Les chauffeurs faisaient pourtant des prouesses pour éviter nids de poules et ornières, mais en vain.
Le voyage fut vraiment difficile à supporter…”
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°149
Re: [Divers commando] Commando François
Suite et fin du récit de Gilbert CHARLOTTE :
Quelle liberté retrouvée ?…
“Lorsque nous arrivâmes à Hanoi, il faisait nuit noire. Le camion pénétra dans la “Citadelle”, située en plein cœur de la ville, où, bien entendu, personne ne nous attendait. Un “gus”, ennuyé, dérangé dans un sommeil latent, nous fit entrer dans une grande pièce du rez-de-chaussée où on ne trouvait ni banc, ni table et encore moins de lit. On ne pouvait pas dire que l'accueil fut chaleureux !
Quelle liberté retrouvée ?…
“Lorsque nous arrivâmes à Hanoi, il faisait nuit noire. Le camion pénétra dans la “Citadelle”, située en plein cœur de la ville, où, bien entendu, personne ne nous attendait. Un “gus”, ennuyé, dérangé dans un sommeil latent, nous fit entrer dans une grande pièce du rez-de-chaussée où on ne trouvait ni banc, ni table et encore moins de lit. On ne pouvait pas dire que l'accueil fut chaleureux !
- Spoiler:
Nous nous regardions sans parler. Ainsi, les Viêts ne nous avaient pas menti. Deux ou trois soldats rôdaient autour de nous ; ils nous regardaient d'un air curieux et visiblement ils n'osaient même pas nous adresser la parole. Nous avions l'impression de venir d'un autre monde, ce qui en fait était la réalité.
Enfin arrivèrent de je ne sais où, des éléments séparés de gamelles individuelles, dans lesquels un troufion dégingandé laissa tomber des petits pois qui firent résonner tristement le métal. Quant je repensais à la chaleur que nous avaient dispensée les tirailleurs de Cho Ben et leur capitaine, je me demandais si les gens d'ici savaient seulement que ça pouvait exister. Toujours solide, Veglio tentait malgré ce triste accueil de nous soutenir le moral. Mais décidément, je me sentais au bout du rouleau. La gamelle m'échappa des mains et les petits pois se répendirent sur le sol. La peur me saisit soudain et je me mis à pleurer.
Le brave Veglio, outré de l'inertie des soldats et de l'absence de responsable, piqua une vraie colère : “Alors, ça continue le b****l ! cria-t-il, toujours les responsabilités limitées. Fallait nous prévenir qu'on vous emmerdait, on ne vous aurait pas dérangé à une heure si tardive !… Et lui, ajouta-t-il en me désignant, vous ne voyez pas qu'il va crever ?… Bon Dieu ! Trouvez-moi tout de suite une ambulance et transportez le au plus vite à l'hôpital, ou bien je ne sais ce que je vais faire !”
Après une certaine attente, une ambulance arriva enfin, mais personne n'eut la présence d'esprit de m'aider à grimper. Les marchepieds des ambulance Dodge sont vraiment hauts et, pour me hisser, ce fut plus que pénible. J'y parvins pourtant seul !
Dès que je m'affalais du côté à chauffeur, celui-ci, attérré, vit tout de suite la gravité de mon état et démarra en trombe. En peu de temps nous parvenions devant l'entrée de l'hôpital Calbeyrac. Je descendais lentement du véhicule, puis pénétrais dans une pièce située près de la porte d'accès… Aïe !… une fois de plus je me trouvais mal ! L'infirmière de garde était à ce moment en train de faire des travaux d'anatomie comparative avec un officier ; à ce que je pouvais comprendre il semblait y avoir urgence. Dérangée dans ses travaux pratiques de salle de garde et rouge de colère, mais surtout pas de confusion, elle me demanda d'une voix sifflante : “Qu'est-ce qu'il y a ?… Que venez-vous faire ici ?…
- Je viens d'être libéré par les Viêts et…
- Sortez, me coupa-t-elle manifestement irritée, traversez la cour jusqu'à la grande porte du bâtiment en face et montez au premier étage. Allez !…”
Il ne me restait plus qu'à m'exécuter et sans rien dire. Tandis que l'ambulance repartait pour la citadelle, je traversais la cour dans le noir. Je me retrouvais au pied de l'escalier, seul, et je tentais de monter. Cherchant à rassembler le reste de mon énergie, je m'accrochais à la rambarde et, au bout de quelques marches, je m'écroulais. “Mon Dieu, priais-je, vous n'allez tout de même pas me laisser crever maintenant ? Donnez moi la force de continuer !…” Dieu et la volonté aidant, je continais à monter tant bien que mal, à quatre pattes. Mes quarante kilos à traîner me faisaient gémir. Un bruit de pas derrière moi me fit espérer l'arrivée d'une aide. C'était une femme, dans laquelle je reconnus l'infimière qui m'avait si bien reçu. Elle me regarda ironiquement et me dit : “Alors vieux… tu verras, tu rempileras (16) encore !…” Elle continua son chemin en me laissant en plan ; la salope !…
Eh bien, monsieur Dien avait raison ! Nous étions parmi les autres comme des chiens dans un jeu de quilles ! En France les gens disaient que nous gagnions des tas d'argent en Indochine, que nous étions des assassins. Certains le disent toujours d'ailleurs !
Voilà pourquoi et pour qui des jeunes de vingt ans sont morts… Pauvre Roger, comme pauvres tous les autres, dont les corps ont enrichi cette terre ingrate du Viêtnam, de la rivière de Caspor à la frontière de Chine, à Moncay, à Chu Phag Son, à Ha Coï, à Camau, dans la plaine des Joncs. Et ce vieux Cavarec… qui était toujours informé par son amie, un mois à l'avance, des lieux où nous serions engagés (17). Nous avions dix neuf ans et notre solde était des plus maigres ; des mercenaires du pauvre en quelque sorte ! Nos chaussures cloutées avaient déjà été portées par d'autres, morts depuis sans doute. Nos équipements étaient en lambeaux. Nos fusils canadiens, reliquats de 39-45, tiraient dans les coins. Nos ceinturons ne fermaient qu'à l'aide de fil-de-fer. Constamment, nous peinions, courbés sous le poids de nos sacs bourrés de munitions, en traînant fièrement nos guêtres anglaises dans toutes les boues du Viêtnam. Nos amies étaient des putains… Oui, mais elles nous aimaient lors de nos rares instants de repos et nous consolaient fraternellement. Te souviens-tu, second-maître Bourguelle, comment l'une d'elles te sauva la vie, un soir, sur la plage du cap Saint-Jacques ? Nous les assassins, nous élevions amoureusement une armée de chien et de cochons que nous ne mangions pas, alors que la nourriture qui nous était servie était la plupart du temps immangeable.
C'est ainsi qu'allongé sur mon lit d'hôpital, je m'abandonnais, suivant le cours de mes pensées et de mes souvenirs, car plus rien désormais ne serait comme avant.
Je retrouvais néanmoins un peu de chaleur humaine auprès de mes compagnons de chambrée, cela me faisait du bien. Le réconfort des frères de misère, autrefois frères d'armes, des blessés de la Légion, des paras, m'aidait à remonter la pente. Toutefois, il ne me faut pas oublier le médecin-commandant Leclère, mademoiselle Letellier qui avait tant de peine à enfoncer ses aiguilles dans ma peau tannée, madame Apostoli qui avait été prisonnière du Viêt-minh à Vinh et qui dès sa libération avait épousé un adjudant d'origine Corse. Ce dernier allait tomber, lui aussi, “Au service de la France”. La gentille madame Apostoli qui me passait de la pommade souffrée de la tête aux pieds, tandis que je pleurais comme un gosse. Arriva le temps où j'en tombais amoureux, signe que je redevenais un homme. Merci madame de m'avoir redonné goût à la vie !
C'est grâce à mademoiselle Letellier que ma mère reçut de mes nouvelles, car moi, je n'aurais jamais eu la force d'écrire à quiconque.
Un matin, la marine nationale dépêcha un taxi pour mon copain Colleter et moi, afin de nous ramener à Haiphong, sous son contrôle. Nous quittions l'hôpital le cœur serré. Mais quelle joie à notre arrivée de retrouver le commando “François” qui avait été reformé. Il disposait d'une armature solide reposant sur les vingt trois survivants de Ninh-Binh, le tiers de l'effectif auquel nous appartenions et qui avait réussi à passer au travers du désastre. Le complément venait de volontaires en provenance des commandos “Jaubert” et “de Montfort”, qui ne voulaient pas que “François” disparaisse. C'était formidable de retrouver tous ces vieux copains, Pihan, Yng, Pivin et les autres.
Si le moral reprenait le dessus, mon état général ne s'améliorait guère. J'étais honteux, mortifié de ne pouvoir contrôler l'action des coliques qui me torturaient constamment et qui me faisaient souvent souiller mes vêtements. Dans quel état nous avaient laissé les Viêts !
Mon poids cependant était remonté à cinquante deux kilos… C'était un gain de huit kilos depuis ma libération et je ne désespérais pas d'amèliorer rapidement le score. Mais l'armée ne nous oubliait pas pour autant et décidait de nous reprendre en main.
Un ordre de quitter Haiphong arriva pour nous, les anciens prisonniers. Ainsi, Toussaert, le Louer, le Huédé, Colleter et moi grimpions à bord d'un Ju-52, à destination de Nha-Trang, pour séjourner dans un camp de “désintoxication politique”. Heureusement, là-bas nous eûmes la surprise de retrouver nos compagnons d'armes et de captivité du Than-Hoa. Il y avait là Veglio, Godasse, les Sénégalais, des Algériens, tous contents de nous revoir. Quant à ce camp de regroupement, il nous révoltait. A peine sortis des camps viêts, les Français nous enfermaient encore. Même si nous étions libres d'aller et de venir à notre guise, isolés comme nous l'étions, nous ne risquions pas de contaminer l'armée française.
Un jour, coupant brusquement la monotonie de la vie du centre, image rafraîchissante pour nous marins, nous vîmes un L.S.T., la Rance, un bâtiment de débarquement de la marine nationale, “beacher“ sur la plage, à quelques centaine de mètres de nous. Nous étions là, bouche bée, seulement quatre puisque notre camarade Colleter avait dû être de nouveau admis à l'hôpital.
C'est en observant attentivement les mouvements sur le bâtiment, que nous remarquâmes des gars en béret vert… C'était le coup au cœur, des copains ! Sans chercher plus loin, ni demander l'autorisation, nous courûmes vers le navire et demandâmes à parler au “Pacha” du commando. Celui-ci mis au courant de notre situation et outré du fait, s'entretint immédiatement avec le commandant de la Rance. Un message fut aussitôt expédié à Saigon. La réponse ne tarda pas : Elle ordonnait que nous récupérions nos affaires et que nous embarquions à bord du L.S.T. séance tenante. Sans rien dire à personne, nous obtempérions sans rechigner, trop heureux de retrouver un statut décent. Nous étions “aux anges”. Notre seul regret est de n'avoir plus revu, à partir de ce jour là, nos camarades de captivité.
En arrivant au cap Saint-Jacques, nous pensions rester avec nos copains des commandos, mais nous fûmes mis en subsistance sur l'aviso Savorgnan de Brazza, sur lequel l'enseigne de vaisseau Capdeville était officier-fusilier, et les quartiers-maîtres Caroff et Massebœuf sous ses ordres. Nous retrouvions là des anciens compagnons de combat du Commando “François”. Nous vécûment de belles semaines, les premières depuis bien longtemps, même si nous ne pouvions nous empêcher de parler des copains disparus.
Lorsque nous ne l'attendions plus, vint l'ordre de rapatriement. Tout aurait pu être pour le mieux, mais nous devions effectuer le voyage de retour sur l'antique transport de troupes Athos II… Non ! Cette vieille baille mettait jusqu'à un mois et demi pour faire le voyage entre Marseille et Saigon. Comme notre ancien commandant, le lieutenant de vaisseau Labbens, maintenant chef d'une section de choc chez les paras viêtnamiens, était très difficile à pouvoir contacter, il nous fallait nous débrouiller par nos propres moyens. Sans dire un mot, Colleter s'habilla et se rendit à la villa où résidait l'amiral Ortoli ; il y fut reçu très gentiment. Il décrivit à l'amiral toute notre aventure et les conditions dans lesquelles on nous tenait depuis notre libération. Puis il revint tranquillement à bord.
L'après-midi même, un ordre signé de l'amiral Ortoli nous décernait la croix de guerre T.O.E. (18), avec… étoile de bronze et, par la même occasion, nous apprenions que des places étaient réservées pour nous sur le prochain avion à destination de la France !
Et ce fut un long voyage sur la ligne des Indes, avec des escales à Bangkok, Calcutta, Bombay, Aden, Beyrouth, Athène, puis Marignane et enfin, le Bourget. C'était la destination finale pour mes camarades, mais moi, je devais encore gagner Fort-de-France. Ce ne fut pas acquis !
Le premier-maître secrétaire Turcas, oncle de mon défunt camarade, employa tous les moyens qu'il lui était possible de mettre en œuvre pour m'obtenir un bille me permettant de retrouver ma famille à la Martinique… Mais peut-être ne fallait-il pas que j'aille “contaminer” mes compatriotes antillais ? Trois semaines de démarches restèrent vaines. Je dus loger chez ma sœur aînée, dans la région parisienne, durant mes cinq mois de congés !
Un an et demi plus tard, à nouveau volontaire pour campagnes lointaines, je repartais pour l'Indochine. Diên Biên Phu se consumait. Embarqué sur la Foudre, un L.S.D. (19), je devais revoir incidemment à Haiphong, alors que nous participions à l'évacuation de la ville, le chef de camp viêt de la 4ème Interzone… J'avais beau être en compagnie du second-maître fourrier Mallard, j'eus une trouille subite qui m'incita à rentrer à bord. Mon aventure indochinoise se terminait sur ce cliché !…”
† jeanmarie83- PREMIER MAÎTRE
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- Message n°150
Re: [Divers commando] Commando François
Trés émouvant comme recit des pages meconnues sur l'INDOCHINE. Et aucunes plaintes pour crimes de guerre .