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DERNIERS SUJETS
[Divers commando] Commando François
FUSILIERS- QUARTIER-MAÎTRE CS
- Age : 55
- Message n°201
Re: [Divers commando] Commando François
Merci les ancien de nous parler de nos frères de François, car peu de monde en parle.
Encore merci pour eux.
Encore merci pour eux.
JPP29N- QUARTIER-MAÎTRE CS
- Age : 88
- Message n°202
Re: [Divers commando] Commando François
Un très grand bonjour à tous, avec du soleil présent dans le 29 N.
Je vais vous relater comment j'ai fait la connaissance du Quartier-Maître FUSCO YONGER, rescapé du Commando " FRANÇOIS " lors de la tragédie de NINH-BINH le 29 Mai 1951, grièvement blessé lors de ce massacre.
Fin 1959, après mon cours de Quartier-Maître du Cadre Spécial " C.S " FUSCO, j'embarque à bord du Croiseur Anti-aérien " C.A.A " COLBERT.
Je vais vous relater comment j'ai fait la connaissance du Quartier-Maître FUSCO YONGER, rescapé du Commando " FRANÇOIS " lors de la tragédie de NINH-BINH le 29 Mai 1951, grièvement blessé lors de ce massacre.
Fin 1959, après mon cours de Quartier-Maître du Cadre Spécial " C.S " FUSCO, j'embarque à bord du Croiseur Anti-aérien " C.A.A " COLBERT.
- Spoiler:
- A bord, il y a déjà 5 à 6 C.S, je n'en connaissais aucun.
Quelques temps après mon embarquement, alors que je monte une échelle pour me rendre sur le pont principal, derrière YONGER, par inadvertance je lui touche une fesse "la droite, je crois", il se retourne vers moi et d'un air méchant il me dit " ne refais jamais cela ", il a les poings serrés et le visage pâle.
Pensant qu'il a cru que mon geste a été volontaire, je bredouille de vagues excuses.
Par la suite, nous avons eu des très bonnes relations, il m'appelait " Jeune ", c'était vrai, j'avais 23 ans, et était le plus jeune des C.S, lui était plus ancien, en âge et en marine.
Plus tard un soir, après le dégagé, je me rends aux douches communes, YONGER est déjà sous la douche.
On discute de choses et d'autres, il me demande si je vais à terre, je réponds négativement, lui sortait car il avait un pied à terre en ville de Toulon.
A ce moment là, il me faisait face, tout à coup il me tourne le dos et j'ai vu qu'à la place de sa fesse " droite, je crois " il y avait une horrible blessure, sa fesse était plate, la partie arrondie galbée n'existait plus, à la place il y avait des cicatrices énormes, la blessure avait été " raccommodée " sommairement.
Je suis resté sans voix, mon coeur a accéléré.
Comme je ne parlais plus, YONGER s'est retourné et m'a fait face de nouveau, il m'a demandé ce que j'avais et comme je regardais en direction de sa blessure, il m'a dit " tu n'étais pas au courant ", je lui ai répondu Non et je lui ai représenté, à haute et intelligible voix, des excuses pour le geste involontaire que j'avais commis dans l'échelle.
Il m'a dit " ce n'est rien jeune ", et a ajouté " excuses moi aussi ".
Nous nous sommes serrés la main vigoureusement dans une tenue que vous imaginez.
J'étais très ému et je crois même que j'avais la larme à l'œil.
Plus tard en me renseignant, j'ai appris qu'il était un des rescapés du Commando " FRANÇOIS ", suite à la tragédie et au massacre de NINH-BINH.
Les livres " Corsaires en Bérets Verts de René BAIL, presse de la Cité 1976, NINH-BINH, page 98 et Commando Marine au Combat du même auteur, Édition Granger 2003, pages 157 et 197, m'ont donné tous les renseignements que je voulais connaître.
Pendant le reste de mon embarquement fin 1961, sur le C.A.A COLBERT, YONGER ne m'a jamais parlé de la tragédie de NINH-BINH et de son horrible blessure.
A bord du Colbert, je pense que peu de monde était au courant des souffrances subies par mon collègue, car si certains le savaient, il aurait mérité un peu plus de respect.
Lorsque je ferais le récit de mon embarquement sur ce beau bateau, j'aurai l'occasion de revenir sur la présence des C.S à bord.
Bon week-end à tout l'équipage.
J.P.P. 29 N.
Tinto- QM 1
- Age : 73
- Message n°203
Re: [Divers commando] Commando François
Merci à tous pour vos récits et anecdotes..
Quelques photos du très beau livre d'Erwan Bergot..." Indochine 1951 ".
Quelques photos du très beau livre d'Erwan Bergot..." Indochine 1951 ".
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°204
Re: [Divers commando] Commando François
Pour faire prendre conscience à tous du "martyre" qu'ont subit les rescapés du commando "François" après le combat de Ninh-Binh, je mets en ligne ci-après la relation par René BAIL du récit des hommes capturés par l'ennemi et la description du véritable "crime de guerre" dont se rendirent coupables les Viêts en assassinant des prisonniers enchaînés.
Les survivants
La rage au cœur, une dizaine d’hommes ont assisté, de loin, à la reddition de leurs camarades.
Ce sont ceux qui ont réussi à s’infiltrer dans le rach et à s’y maintenir, échappant aux grenades, aux rafales et aux regards des Viêts.
Ils nagent, poussés en avant par la rage de réussir.
Deux groupes sont là, séparés par une cinquantaine de mètres, rassemblés autour de leurs blessés.
Les survivants
La rage au cœur, une dizaine d’hommes ont assisté, de loin, à la reddition de leurs camarades.
Ce sont ceux qui ont réussi à s’infiltrer dans le rach et à s’y maintenir, échappant aux grenades, aux rafales et aux regards des Viêts.
Ils nagent, poussés en avant par la rage de réussir.
Deux groupes sont là, séparés par une cinquantaine de mètres, rassemblés autour de leurs blessés.
- Spoiler:
- Au nord, les plus près des calcaires qui se trouvent à mi-chemin du rocher, Balichard, Cagliero, Foucaud et le “ jeune ” Bizet progressent lentement, soutenant Pivin incapable de se servir de ses jambes.
Au-dessus d’eux, les Viêts vont et viennent sur la berge, les interpellant, au hasard :
- Rendez-vous, bons soldats !
Nous vous accueillerons bien, nous vous soignerons, nous avons des hôpitaux...
Balichard a les nerfs à vif, et bien souvent, ses réparties lui attirent des ennuis.
C’est lui qui, exaspéré par le “Pacha” tout à l’heure, dans l’église, lui a répliqué, avec son désir de survivre à tout prix, qu’il n’avait pas envie de mourir pour Michelin.
- Il m’énerve, ce con là : s’il pointe sa gueule, je me le fais...
- Rendez-vous, bons soldats ! Nous savons que vous êtes cachés dans les roseaux et nous ne tirerons pas...
Alors, hors de lui, Balichard crie :
- Puisque tu sais qu’on est là, qu’est-ce que tu attends, viens donc nous chercher !
À peine a-t-il hurlé que Balichard se rend compte qu’il est tombé dans le piège.
Immédiatement la berge se peuple de Viêts qui les tiennent en joue.
Il ne leur reste plus qu’a se rendre :
- Je suis désolé, murmure Balichard, c’est ma faute...
Les bo-doïs ont rassemblé les quatre hommes, tandis que Pivin reste allongé à terre.
Un temps interminable s’écoule jusqu’à la venue du grand jour.
Maintenant, les prisonniers peuvent se rendre compte de l’impressionnant dispositif mis en branle par les Viêts pour avoir raison de leur résistance.
Çà et là viennent prendre position des pièces d’artillerie légère, servie par les Viêts ou des Nord-Africains.
- Les commandements sont donnés en français, observe Cagliero atterré par ce déploiement d’hommes et de matériels.
C’est à ce point fascinant qu’ils en arrivent presque à oublier leur situation précaire de prisonniers.
- Où sont vos armes ?
Les commandos font face à la voix et sursautent.
Devant eux, habillé en officier Viêt, un Français semble être investi d’une autorité importante, si l’on en juge par le respect que lui témoignent les bo-doïs :
- Dans le rach, riposte Pivin qui s’est dressé sur un coude.
Si t’es bon nageur tu pourras aller les chercher et profites-en pour laver ta conscience, espèce de traître…
Les bo-doïs ont braqué leur mitraillette.
Une telle insolence mérite sans doute une rafale.
Pivin en est conscient et attend le coup de grâce.
Le Blanc met fin à l’incident en le réglant à sa manière : une énorme gifle qui fait basculer Pivin sur le sol.
Puis il s’éloigne à grands pas.
D’autres officiers Viêts sont arrivés.
Ils ordonnent aux cinq commandos de retraverser le rach et de rejoindre le gros des prisonniers.
- Quant à vous, disent-ils à Pivin, nous allons vous faire acheminer vers une infirmerie, puis après les soins d’urgence, vers un hôpital.
Vous y recevrez les soins nécessaires.
Pivin ne répond pas.
Il prend conscience de son état et fait le bilan des dégâts, trois balles reçues au moment de la sortie de l’église.
Une dans la jambe gauche, quinze centimètres au-dessus de la cheville a fracturé le tibia, une autre, dans la droite, dix centimètres au-dessus de la cheville, et une troisième, dans la cuisse...
Du 5,5 mm en tiré par une arme automatique japonaise.
- Beau tir groupé, constate-t-il amer.
Aidé par ses copains, Pivin est transporté de l’autre côté du rach.
Puis ils entament une marche lente vers les ruines de Ninh Binh.
À quelques centaines de mètres, l’église, puis, au-delà, un petit village.
C’est là que, selon les dires des officiers, se trouve le poste de secours.
Un groupe d’officiers croise leur route, hautains et silencieux.
L’un d’eux a un visage familier :
- Tu as vu, demande Balichard, incrédule, l’un de ces types est “notre” bedeau ! Le salaud !
- Exact, réplique Pivin, et la bagarre de cette nuit semble lui avoir été profitable, il n’est plus sourd ni muet...
Passée l’église, franchie la rizière, les prisonniers sont entrés dans le village où, moins de vingt-quatre heures avant, Pivin et le groupe de Marceau Simon avaient découvert les hommes dans les cagnas, et tout au bout, le monument aux morts.
- Laissez votre camarade ici, ordonnent les Viêts, il va recevoir les premiers soins, vous allez rejoindre les autres.
Balichard, Cagliero, Bizet et Foucaud serrent longuement la main de leur ami :
- On se reverra peut-être ?
Balichard secoue la tête.
Une sorte de pressentiment les habite.
Ils ont l’impression que, cette fois, leur destin leur échappe et qu’il est vain de faire des projets.
Ils franchissent la porte et disparaissent.
Pivin est seul.
Il a été hissé sur une sorte de bat-flanc surélevé, qui évoque une table de dissection.
Appuyé sur un coude, il observe l’infirmier, un robuste Tonkinois crasseux et ébouriffé qui fourgonne d’un air ravi dans des touques innommables, pleines de mixtures étranges.
- Pas bouger, dit-il en déchirant le pantalon et en libérant les plaies.
C’est moyen guérir bien...
Incrédule d’abord, stupéfait ensuite, écœuré enfin, Pivin assiste à ces “soins” dignes du Moyen Âge : asticots dans les plaies (cela évite l’infection ), compresses de bouses de buffles assujetties par des feuilles de latanier.
Puis “ l’infirmier” disparaît, abandonnant son malade.
Toute la journée, Pivin reste seul, entendant les avions, les canons de la Dinassaut, les mitraillades et les explosions.
Il n’ose sortir.
Au crépuscule, un espoir l’envahit : les Viêts l’ont peut-être oublié ?
Il fait nuit.
Dans l’embrasure de la porte, une silhouette s’encadre, furtive.
Un homme se penche sur Pivin, et avec effort, le soulève dans ses bras.
Puis, par des sentiers détournés, l’inconnu emmène le blessé jusqu’au rach où est amarré un sampan.
Ni l’un ni l’autre des deux hommes n’a prononcé une parole.
Sans pouvoir dire pourquoi, Pivin a décidé de se laisser faire.
Il embarque, et toujours silencieux, le nha-qué remonte habilement le courant.
Un voyage d’une demi-heure, fréquemment interrompu finit par amener l’embarcation jusqu’au pied du poste des partisans, où, cantonnent des unités de tirailleurs sénégalais.
C’est la que Pivin est déposé.
Puis, tout aussi silencieusement qu’il était arrivé, l’inconnu disparaît dans la nuit.
Pivin n’est pas revenu de sa surprise quand arrivent ses copains, enfin prévenus.
- Nous sommes, disent-ils, vingt-deux rescapés pour l’instant.
- Et Pihan ?
Le “ grand ” Pihan est là, lui aussi.
Il faisait partie du groupe qui s’était mis à l’eau un peu plus haut, avec Mahé, Masseboeuf et un autre blessé, Cazeau.
- Nous avons réussi à traverser le rach, explique Masseboeuf et puis, nous nous sommes aperçus que nous étions en plein dans le dispositif des Viêts.
On apercevait, en face de nous, les derniers combats du groupe Le Gouvello, investi au plus près et qui n’avaient d’autre issue que de se rendre.
C’était tragique ! C’est Mahé qui nous a redonné courage.
- “On” va progresser à quatre pattes dans les herbes, a-t-il proposé, ça fatiguera moins et nous aurons le temps de nous planquer...*
Pendant près de cinq cents mètres, les quatre rescapés parviennent à maintenir la cadence.
Ils arrivent enfin en face d’un pagodon.
- Il y a des Viêts, affirme Cazeau qui avance en tête, ils nous dominent.
À coup sûr, dès que le jour sera levé, ils ne peuvent pas nous ignorer.
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°205
Re: [Divers commando] Commando François
Suite du récit des survivants du combat de Ninh-Binh
En effet, se découpant en ombre chinoise sur le fond plus clair d’une fenêtre, les commandos distinguent précisément la carrure frêle d’un Viêt qui observe le terrain :
- Arrêtons-nous, ordonne Mahé, et allongeons-nous dans la boue.
Pour se masquer aux regards de l’ennemi, il fait enduire de vase noirâtre le corps nu de ses camarades de façon à les confondre avec la terre.
Une heure passe ainsi.
Le jour est maintenant complètement levé.
- Que faisons-nous ?
- Attendons : les Viêts vont finir par s’en aller...
En effet, se découpant en ombre chinoise sur le fond plus clair d’une fenêtre, les commandos distinguent précisément la carrure frêle d’un Viêt qui observe le terrain :
- Arrêtons-nous, ordonne Mahé, et allongeons-nous dans la boue.
Pour se masquer aux regards de l’ennemi, il fait enduire de vase noirâtre le corps nu de ses camarades de façon à les confondre avec la terre.
Une heure passe ainsi.
Le jour est maintenant complètement levé.
- Que faisons-nous ?
- Attendons : les Viêts vont finir par s’en aller...
- Spoiler:
- Mahé a raison.
Des sonneries de clairon retentissent ordonnant la retraite.
Maîtres du terrain pendant la nuit, au jour les bo-doïs évacuent la plaine, se sentant bien trop vulnérables aux tirs d’artillerie tout comme à l’aviation.
Quelques minutes plus tard, à moins de dix mètres de l’endroit où ils sont cachés, les commandos voient défiler, colonne par un, dans un ordre parfait, une compagnie lourde au complet, portant ses mortiers et ses SKZ.
Puis une autre, une autre encore.
En l’espace d’un quart d’heure, ils en compteront ainsi huit !
Mahé a décidé d’attendre encore un peu, malgré l’état de ses deux blessés, Cazeau et Pihan qui gémissent faiblement.
Ils ont tenu jusque là, mais l’épreuve de l’attente, les sangsues qui s’attaquent à leur peau nue, l’angoisse d’être ainsi à découvert, les épuise.
- Bien, soupire Mahé, nous allons tenter le tout pour le tout : à mon commandement, vous vous lèverez et ferez un bond jusqu’au Day ; en face, du diable s’il n’y a pas les copains...
Il n’a pas demandé –il n’a pas osé– si les blessés pourraient tenir la distance.
Plus de quatre cents mètres à vue de nez les séparent encore de la rive du Day.
Quatre cents mètres qu’ils devront effectuer comme une course de vitesse, quitte à en mourir :
- Paré ?
- Oui, chef !
C’est Pihan qui a répondu.
Il a compris qu’il n’y avait pas d’autre solution et il ajoute :
- Autant crever debout...
Pihan n’est pas homme à capituler avant d’avoir épuisé toutes ses ressources.
Il se dresse, mains à plat, dans la posture d’un coureur de cent mètres attendant l’ordre du starter.
Puis il bondit, suivi des trois autres commandos.
Ils galopent, comme des perdus, l’œil fixé sur la berge basse et, au-delà, sur les murs de béton du poste des partisans, ils courent, sans respirer, la tête bourdonnante, les poumons en feu, le souffle bloqué.
Ils ne sentent même plus leurs blessures, portés par le désir de sortir, au plus tôt, de l’enfer.
Ils passent devant des maisons en ruine.
Un éclair, Mahé pense : pourvu qu’il n’y ait personne à l’intérieur...
Il n’y a plus personne.
Si, mais derrière, loin, à deux cents mètres, des Viêts qui se sont retournés et qui les ont aperçus.
Des balles sifflent, claquent aux oreilles, sans ralentir la course folle des quatre fugitifs.
Une voix haletante, celle de Pihan :
- Chef, chef ! C’est formidable, j’ai plus mal...
De sa foulée puissante, le grand déboîte, passe devant l’officier marinier.
Celui-ci a un haut le cœur : la plaie béante s’est rouverte et le sang coule à flots.
Pihan n’a peut-être plus mal, mais c’est sans doute parce que sa blessure s’est aggravée.
- Ferme-la et cours, arrive-t-il à articuler.
Ils ont dépassé les derniers buissons.
Maintenant, le Day est proche.
Et, de l’autre côté du rach, à l’est, des silhouettes progressent.
Des amis.
- Doucement, ordonne Mahé, ce serait trop bête de nous faire tuer par les copains.
On marche paisiblement, bras en l’air.
Comme à la promenade.
Ils halètent, le cœur bondissant dans la poitrine, les jambes tremblantes.
Mais ils sont sûr d’avoir échappé à l’étau ennemi.
Le reste... Le reste, c’est un cri.
En face d’eux, une silhouette agite les deux bras en hurlant, et semble exécuter une sorte de danse du scalp.
Pihan, qui a de bons yeux, observe, avec un ricanement faussement ironique :
- Ça, je parie que c’est encore cette grande carcasse de Caroff.
C’est Caroff, en effet.
À peine a-t-il aperçu les quatre survivants qu’il fait pousser le doris pour les récupérer de l’autre côté du Day Mahé, Masseboeuf, Pihan et Cazeau sont sauvés.
Sur les soixante-seize commandos de “ François ”, vingt-quatre ont pu s’échapper, dont seulement sept n’ont aucune blessure.
Ce 30 mai 1951 à sept heures du matin, le commando “François” a cessé d’exister.
Dernière édition par BONNERUE Daniel le Mar 29 Avr 2008 - 13:53, édité 2 fois
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°206
Re: [Divers commando] Commando François
Un crîme de guerre : Le massacre par les Viêts des rescapés de "François" fait prisonniers
- Di, di ! Maolen !
Les commandos courent sur la diguette, gauches, hébétés, mains entravées, harcelés sans cesse par les cris des petits bo-doïs en noir, le pantalon relevé au genou. Ils refont, en sens inverse, le dur chemin effectué la nuit, retrouvant au passage le carrefour de piste, l’entassement de ruine où ils ont combattu durement. De jour, cela leur semble extraordinaire, comme s’ils découvraient une autre planète : tout, maintenant, semble facile. À peine une centaine de mètres entre le bord du rach et l’église. Moins d’un quart d’heure en petites foulées.
- Di, di ! Maolen !
Les commandos courent sur la diguette, gauches, hébétés, mains entravées, harcelés sans cesse par les cris des petits bo-doïs en noir, le pantalon relevé au genou. Ils refont, en sens inverse, le dur chemin effectué la nuit, retrouvant au passage le carrefour de piste, l’entassement de ruine où ils ont combattu durement. De jour, cela leur semble extraordinaire, comme s’ils découvraient une autre planète : tout, maintenant, semble facile. À peine une centaine de mètres entre le bord du rach et l’église. Moins d’un quart d’heure en petites foulées.
- Spoiler:
- Assommés, épuisés, ils titubent parfois et leur maladresse est immédiatement sanctionnée par un coup de crosse énergique. C’est du reste moins une brimade haineuse de leurs gardiens qu’un souci d’affirmer leur supériorité d’Asiatiques victorieux face aux grands guerriers blancs, battus et misérables.
Pour accroître encore cette “supériorité”, les Viêts abusent du terme “Tu Binh”, qui signifie “prisonniers”, mais qui, dans leur bouche s’avère chargé d’intentions méprisantes qui n’ont pas échappé à Poullelaouen, qui râle.
Avec son front buté, son regard mauvais et en dépit de ses mains liées, son air déterminé, le vigoureux second maître breton s’est attiré la hargne vigilante d’un Tonkinois aux jambes torses qui ne lui ménage ni les invectives ni les coups.
Après avoir dépassé l’église, ils ont suivi la piste qui mène au village où, vingt-quatre heures plus tôt, ils avaient effectué une patrouille. Là, entre deux paillotes, les Viêts leur accordent une première pause due à des nécessité de tactiques ; par les rues du village passent sans cesse des unités en vert. Des réguliers qui semblent faire mouvement en vue de parer à une contre-attaque française.
Peu à peu aussi, le groupe des prisonniers s’agrandit de Balichard, Cagliero, Foucaud et Bizet qui viennent de déposer Pivin sur sa “table d’opération” dans une cagna voisine et viennent les rejoindre.
En tête, le lieutenant Le Gouvello toujours suivi du second maître Henry, ruminant son humiliation, Derrière eux, une vingtaine d’hommes abattus, résignés, silencieux. Et puis, en queue de colonne, attaché à Poullelaouen, le quartier-maître Gilbert Charlotte. Eux non plus ne disent rien. Ils ont encore dans les oreilles la fureur de cette nuit de cauchemar. Peut-être aussi récapitulent-ils les gestes faits, les décisions prises, tous les détails de cet engrenage qui les a menés jusqu’ici. Ils pensent qu’il aurait suffit d’un rien pour que leur destin...
Mais leur destin est en route. Il a pour l’instant, la forme d’une vague de Bearcat qui piquent sur le village et le survolent, dans le hurlement des moteurs, au ras des toits.
- Maolen, maolen !
À grands gestes énervés, les bo-doïs obligent les prisonniers à se rassembler, à s’accroupir, en une espèce de boule compacte comme une mêlée de rugby. Presque autant que des chasseurs-bombardiers, les Viêts semblent redouter les réactions de ces Tu binh de fraîche date qui ne sont pas encore passés au moule de la rééducation.
Les avions reviennent. Au passage, ils strafent la rizière, la grande rue du village et truffent, sans grande conviction, quelques paillotes de balles de 12,7. Peut-être redoutent-ils d’atteindre leurs compatriotes dont on peut penser qu’ils se trouvent dans les parages ? En tout cas ils s’acharnent surtout sur des objectifs visibles et repérés.
Cette intrusion a énervé les Viêts. À peine les Bearcat se sont-ils éloignés qu’ils remettent debout le troupeau pitoyable et le lancent, le poussent plutôt, à grand renfort de hurlements et de coups, vers la sortie, marquée comme dans tous les hameaux du Delta, par une bananeraie qui déploie ses grandes feuilles d’un vert cru au-dessus de la rizière déjà haute.
Machinalement, Charlotte effectue le décompte des commandos, supputant aussi les chances des absents. Il estime à une trentaine les rescapés, compte tenu des morts déjà recensés et des prisonniers présents. Ces derniers sont environ une trentaine, attachés maintenant deux par deux. Certains sont entièrement équipés, d’autres, en revanche ne possèdent qu’un flottant de sport, voire une chemisette. Tout à l’heure, l’un de ses copains, Robert, n’était vêtu que d’un slip et Charlotte a demandé et obtenu l’autorisation de lui donner son propre pantalon, sous lequel il portait un short.
Ils avancent toujours. Au loin, comme posés sur une brume bleuâtre montant de la rizière, les calcaires de Phu Nho Quan, but probable de leur randonnée.
La colonne de prisonniers va s’engager à découvert lorsque les avions reviennent, avec leurs hurlements sauvages, recommencer leur rodéo au-dessus du village, sèment la panique parmi les soldats de l’escorte.
- Toï... Arrêtez-vous .
Bousculades, coups de crosses, cris, injures. Une fois de plus les commandos sont contraints de “faire la boule”, fesses aux talons, la tête coincée entre les épaules des camarades qui les précèdent.
Seul Gilbert Charlotte observe ce qui se passe autour de lui. Il note que les deux bo-doïs de tête se sont déplacés, légèrement en retrait, leurs armes braquées. De même ceux qui, jusque là, marchaient sur les flancs. Il se retourne. Il voit un grand Viêt maigre, l’air autoritaire et cassant, qui aligne quelques phrases dites d’un ton précipité. L’homme auquel il s’adresse, un jeune soldat, écoute puis met un genou en terre tout en armant sa Thompson.
Son regard a croisé celui du quartier-maître. Du canon de son arme, il intime alors de se remettre sur pied et de reprendre la marche. Charlotte transmet, au milieu des cris des Viêts, du ronflement des moteurs d’avion, dans une sorte d’excitation générale qui frise la panique. Les commandos commencent à se redresser, mais d’une façon malhabile, entravés par les liens qui paralysent leurs mouvements.
Charlotte s’est mis debout. Il est toujours attaché à Poullelaouen qui lui tourne le dos, et qui regarde loin en avant. Charlotte, en revanche, ne quitte pas le Viêt du regard. En avant de la colonne, le gradé Viêt a fait avancer l’enseigne Le Gouvello. Celui-ci a également remarqué l’étrange malaise, et, pris d’un soudain pressentiment, se souvenant que les communistes chinois fusillaient les officiers, il appelle son voisin du moment, Vichniakoff, qui lui emboîte le pas. Derrière eux, les Viêts emmènent Guyon, un jeune commando originaire de Lyon, qui, pour l’instant, est attaché avec Frédo, un jeune Viêtnamien de seize ans, à la fois mascotte et protégé du commando. Ces quatre hommes sont entraînés à l’écart et placés debout, contre le mur d’une cagna.
Sur la piste, les autres prisonniers piétinent toujours, indécis, ne comprenant pas les ordres apparemment contradictoires que leur lancent sentinelles et gradés.
Charlotte fait toujours face à son Viêt. Il n’ose pas détacher son regard du sien, comme si cela suffisait à retenir le geste qu’il redoute. Il a remarqué le changement soudain d’expression du bo-doï. L’homme est littéralement décomposé, la bouche entrouverte, le visage verdâtre, l’œil fixe, inhumain, Charlotte a compris.
Il n’est pas le seul ; ça et la, dans la colonne, certains prisonniers tirent sur leurs liens, se bousculent, face aux sentinelles qui ont reculé et qui, posément, manœuvrent la culasse de leurs armes. Tout maintenant se passe comme au ralenti. Les bruits extérieurs ont été relégués au loin, hors de l’espace, du temps. Le hurlement des moteurs d’avion, le fracas des roquettes n’existent plus pour les quelque trente hommes seuls, les bras liés qui regardent ces armes monter lentement à la hauteur de leur poitrine.
Qui a donné le signal ? Qui a tiré la première rafale ? Personne ne pourrait le dire. Charlotte enregistre tout en même temps. Le mouvement de rotation de “ son ” Viêt qui lâche tout son chargeur, en pivotant, de gauche à droite ; le crépitement de la Thompson ; le cri effroyable, véritable hurlement de fauve touché à mort, poussé par Poullelaouen qui tombe d’un bloc, foudroyé. Dans la même fraction de seconde, il réalise qu’il est libre, une balle a tranché ses liens.
Un réflexe animal le fait bondir par-dessus la haie. Un saut prodigieux, de plusieurs mètres, le jette loin dans la rizière où il s’aplatit, s’incrustant dans la boue, entre les tiges mûrissantes, rampant de toute la force de ses bras et de ses jambes, traçant un sillon dans la vase, avec la puissance d’un buffle. Il fait dix mètres, vingt mètres, appréhendant à chaque seconde la balle qui mettra fin à cette tentative désespérée. Charlotte est arrivé à ce point de paroxysme qu’il est au-delà de la peur. Ses oreilles entendent, tout proches, les hurlements, les supplications, les injures poussés par ses camarades martyrisés.
Sur la piste, le spectacle est épouvantable. Passé la première seconde d’affolement, les Viêts se sont rués au massacre. Ils entrecroisent leurs tirs, s’acharnant sur un homme jusqu’à ce qu’il tombe, qu’il cesse de bouger, que sa tête éclate ou que ses yeux se révulsent. Ou bien pointant leurs baïonnettes, ils défoncent les ventres, les poitrines. Balichard hurle :
- Ils nous crèvent ! Les salauds...
Près de lui, Biette, l’orphelin, appelle à son secours une mère qu’il n’a jamais connue. Un peu plus loin, Cagliero qui a essayé de protéger de son corps son copain Bizet, le “ bleu ” du commando, jette un “ vive la France ! ” à la face de son bourreau.
En avant, agonisant douloureusement, sa tête vibrant sous les coups de crosse qui l’achèvent, le second maître Henry ne cesse de fixer l’homme qui l’assassine et qui s’acharne pour éteindre cet œil qui l’accuse.
Les plus chanceux sont tombés tout de suite. Il en est d’autres qui n’en finissent pas de mourir, ainsi le grand Garric, un Toulousain gigantesque, véritable montagne de muscles et d’os, dont les camarades, jusque-là, plaisantaient sa pointure “ 47-fillette ” et qui s’obstine à ramper, le corps criblé de rafales. Il se traîne, inconscient, imprégnant la terre d’un sang qui coule, maculant la boue de la piste.
Trente hommes massacrés. De la boucherie. Les Viêts sont fous, fous de bruit, de fureur, éclaboussés de sang.
Un peu en retrait, l’officier Viêt, l’homme qui a froidement ordonné la tuerie, contemple le spectacle, bras croisés, impassible, son regard étrangement fixe. L’enseigne Le Gouvello, spectateur horrifié, le prend à partie :
- C’est une honte, crie-t-il ; ce que vous faites est un acte sauvage que rien ne justifie. Vous aurez des comptes à rendre...
Vichniakoff à son tour, clame des injures. Il tire sur ses liens, tente de se libérer pour intervenir. Les yeux exorbités, des sanglots dans la voix, il hurle :
- Fumiers ! Ordures, assassins ! C’est cela, votre courage, tuer des prisonniers attachés et désarmés...
L’officier Viêt se détourne du spectacle et fait face aux quatre commandos. Il les dévisage froidement, une lueur de défi dans le regard. Puis, en tordant la bouche, il prononce une courte phrase. Un bo-doï se précipite.
- Salauds ! hurle Vichniakoff, hors de lui.
Il ne peut prononcer autre chose. D’une rafale à bout portant, le Viêt le foudroie, puis il tourne son arme et abat également Guyon.
Alors seulement, l’officier fait abaisser l’arme au moment où elle se dirigeait vers l’enseigne. Deux hommes auront échappé à la mort, l’officier et Fredo, le jeune Viêtnamien du commando.
Document d'origine viêt : transport du corps d'un commando de "François" assassiné
Laurent- MATELOT
- Age : 78
- Message n°207
Re: [Divers commando] Commando François
récit et période émouvante.
3eme ligne- MAÎTRE PRINCIPAL
- Age : 77
- Message n°208
Re: [Divers commando] Commando François
Texte à conserver afin que leur mémoire perdure et se transmette.
Hommages à eux.
Je me souviens bien de Caroff, qui dans les années 68/75 était chauffeur de taxi à la Seyne, un gars avec toujours le sourire.
Hommages à eux.
Je me souviens bien de Caroff, qui dans les années 68/75 était chauffeur de taxi à la Seyne, un gars avec toujours le sourire.
Invité- Invité
- Message n°209
Re: [Divers commando] Commando François
Bonjour.
J'ai fait l'Indo, pilote de Corsair 1954/55, et je me sent tout petit, petit après avoir lu vos récits.
Dans la 14 F, il y avait un pilote, ancien fusilier, Berger Gérard est ce celui dont un post parle ?
Il est dcd lors d'un meeting aérien à Ajaccio en 2003, sur Fouga.
J'ai fait l'Indo, pilote de Corsair 1954/55, et je me sent tout petit, petit après avoir lu vos récits.
Dans la 14 F, il y avait un pilote, ancien fusilier, Berger Gérard est ce celui dont un post parle ?
Il est dcd lors d'un meeting aérien à Ajaccio en 2003, sur Fouga.
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°210
Re: [Divers commando] Commando François
Bienvenue l'ami SARTOR, très heureux de t'accueillir pour ton retour dans l'équipage. Avec ton expérience de pilote durant les périodes difficiles des guerre d'Indochine et d'AFN, tu dois pouvoir, si tu le souhaites, nous raconter des moments intenses vécus par toi-même ou des camarades proches.
Invité- Invité
- Message n°211
Re: [Divers commando] Commando François
Salut,je vais y songer mais après avoir lu ces faits d'armes je reste coi pour le moment !!!!!
jean-claude BAUD- MAÎTRE PRINCIPAL
- Age : 83
- Message n°212
Re: [Divers commando] Commando François
Merci Daniel pour ces récits d'inhumanité qui foutent la chair de poule..
Comment ces survivants ont - ils pu reprendre une vie normale...
Dire que de nos jours on crée des cellules psychiatriques pour n'importe quoi...
Comment ces survivants ont - ils pu reprendre une vie normale...
Dire que de nos jours on crée des cellules psychiatriques pour n'importe quoi...
"Puisqu'on ne peut changer la direction du vent, il faut apprendre à orienter les voiles".
[James Dean]
Invité- Invité
- Message n°213
Re: [Divers commando] Commando François
C'est l'OE3 NICODEMO qui n'est malheureusement pas rentré de sa mission.
Invité- Invité
- Message n°214
Re: [Divers commando] Commando François
J'ai ces photos ,les avions en armement c'est Bach-Maï,pour la vue du parking ,rangement non opérationnel ,je pense au retour des AU1 avant restitution aux américains donc Tansonhut.
Invité- Invité
- Message n°215
Re: [Divers commando] Commando François
Moi j'en ai eu qu'une : une manche (remorquée) de tir que j'ai abattue à Bizerte !!!!
webtcdorage- QM 2
- Age : 56
- Message n°216
Re: [Divers commando] Commando François
serait-il possible d'en avoir une photo pour mettre sur le site du musée ?
cordialement
cordialement
EV1 (R) Spé communication / Webmaster / Site web "Parcours d'officiers dans la Royale" / + de 13 000 biographies disponibles
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°217
Re: [Divers commando] Commando François
Un modeste hommage aux hommes du Commando "FRANÇOIS".
L'insigne du Commando "FRANÇOIS" que je viens de redessiner.
L'insigne du Commando "FRANÇOIS" que je viens de redessiner.
† GUILLARD- QM 1
- Age : 88
- Message n°218
Re: [Divers commando] Commando François
Bonjour à toutes et tous.
Réponse pour la demande de signification de la broderie sur la cravate.
Il s'agit de l'insigne ou broderie des amicales d'anciens fusco, deux fusils croisés avec une dague en faisceau.
Amitiés et merci encore pour l'évocation des combats de la bataille du Day.
jc guillard
Réponse pour la demande de signification de la broderie sur la cravate.
Il s'agit de l'insigne ou broderie des amicales d'anciens fusco, deux fusils croisés avec une dague en faisceau.
Amitiés et merci encore pour l'évocation des combats de la bataille du Day.
jc guillard
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°219
Re: [Divers commando] Commando François
Dans le groupe de cinq figurant sur la photo dans laquelle Marceau SIMON est cerclé de rouge, le copain situé à sa droite (à sa gauche sur la photo) est "Bébert" TORTAY, qui appartint au Cdo "FRANÇOIS", mais qui avait débarqué au moment de l'affaire de Ninh-Binh.
Vous pouvez utiliser le dessin de l'insigne du commando "FRANÇOIS" à votre convenance.
Ce que je publie sur ce forum est à la disposition de tous.
Vous pouvez utiliser le dessin de l'insigne du commando "FRANÇOIS" à votre convenance.
Ce que je publie sur ce forum est à la disposition de tous.
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°220
Re: [Divers commando] Commando François
• Commando “François” à Ninh-Binh, le 29 mai 1951 •
Commandant : Lieutenant de Vaisseau Labbens.
Commandant : Lieutenant de Vaisseau Labbens.
- Spoiler:
- Groupe de Commandement :
Pivin Max, Q.M., fonction de radio (1).
Toussaert, Q.M., Fusco (2), responsable.
Eleouet, Q.M. mécanicien.
Briot, Matelot, radio.
Garofaro, Matelot.
Larotte de Bannes, matelot, infirmier.
Deux Viêtnamiens : “Boboy” et Fredo.
Muller, matelot, Fusco.
1ère Section : Chef, Enseigne de Vaisseau Capdeville.
Groupe A : Chef : S.M. Mahe ; Adjoint : Q.M. Abiven.
Masseboeuf R., Q.M.
Charlotte G., Q.M. .
Yng, Q.M.
Foucaud
Le Paugam, tireur F.M.
Cosquer
Biette, Q.M.
Rougemont
Turcas.
Groupe B : Chef (voir absents Adjoint : Q.M. maistrancier Mevel (3)).
Cagliero, Q.M.
Pihan P., Q.M.
Mahé, Q.M.
Bergamo, Q,M., tireur F.M.
Roger R., Q.M.
Bizet
Bailly Y.
Cazeau
Seven
Robert
Hoffmannn
Camus J., Q.M.
Bothorel, Q.M.
Besnard, Q.M.
2ème Section : Chef : Enseigne de Vaisseau Le Gouvello de la Porte.
Groupe C : S.M. Poullelaouen ; Adjoint : Q.M. Malecot.
Le Corre, Q.M.
Burnichon, Q.M.
Hochard, Q.M.
Bassani G., Q.M.
Tanguy J., Q.M.
Isnard A.
Colleter, Q.M.
Guyot
Boulic
Garric
Quelennec
Groupe D : S.M. Simon Marceau.
Caroff, Q.M.
Héritier.
Pauchet
Barloy, tireur F.M.
Blattmann
Papinaud
Merle
Groupe mortiers : Armement : 1 mortier de 60 mm et 2 de 50 mm.
S.M. Seveno, également adjoint 2ème section. Chef : Q.-M. Cosso.
Yonger, Q.M.
Guillevic, Q.M.
Nicolas, Q.M.
Chevallier
Balichard, Q.M.
Le Louer, Q.M.
Groupe d’Assaut : Chef : S.M. Henry.
Le Huede, Q.M.
Czarnecki, Q.M., tireur F.M.
Py R.
Gairaud
Guillon
Vichniakoff
Boucher
Denis, Q.M.
Absents le 29 mai 1951
Enseigne de Vaisseau 1ère classe Chenais, arrivé en fin de campagne.
Maître Royer, capitaine d’armes
Peron, S.M., chef de groupe B.
Abjean J., Q.M.
Prigent(4), Q.M.
Bassani J., matelot.
Coefeur, matelot.
Bilan du combat
Rescapés :
Labbens, L.V., blessé.
Capdeville, E.V.
Simon, S.M., blessé.
Seveno, S.M., blessé (5).
Mahe, S.M.
Bothorel, Q.M., blessé.
Mahe, Q.M.
Hoffmannn, Q.M.
Le Corre, Q.M.
Burnichon, Q.M.
Pivin, Q.M., blessé.
Pihan, Q.M., blessé.
Masseboeuf R., Q.M.
Yng, Q.M.
Denis, Q.M.
Mevel, Q.M.
Caroff, Q.M.
Petit, Q.M.
Eleouet, Q.M.
Nicolas
Cosquer (6)
Cazeau
Yonger
Larotte de Bannes
Rescapés des camps Viêts :
Le Huédé, Q.M., blessé le 29.5.51
Toussaert, Q.M.
Charlotte, Q.M.
Colleter, Q.M.
Le Louer, Q.M.
Tués dans l’accrochage :
Muller
Briot
Rougemont
Roger R.
Guillevic
Cosso
Chevalier
Hochard
Barboy
Balichard
Seven
Malecot
Cagliero
Guyot
Boulic
Raymond
Gairaud
Fusillés par le Viêt-Minh (7) :
Poullelauen, S.M. (8)
Henry, S.M.
Garric
Pauchet
Biette
Bailly
Foucaud
Bizet
Paugam
Merle
Blattmann
Héritier
Carnecki
Garofaro
Bergamo
Tanguy J.
Quelennec
Papinaud
Vichniakoff
Guillon
Faits prisonniers :
Le Gouvello de la Porte, E. V., décédé le 10-1-1952
Abiven, blessé
Charlotte, rescapé de la fusillade
Robert, rescapé de la fusillade et blessé (9)
Colleter
Le Louer
Bouchet, décédé en 1952
Toussaert
Le Huédé, blessé
Benard, décédé
Camus, décédé
Bernard, décédé
Py, décédé le 6.12.51 au Camp 5D
Fredo, disparu dans les camps viêts
Isnard, décédé le 1.2.52 au Camp 5 E
Guillon, décédé le 8.12.51 au camp D
Disparus dont le sort reste incertain :
Turcas, blessé dans les ruines, incapable de marcher.
“Boboy”, blessé grièvement dans les ruines.
1) - Au camp de base, Max Pivin faisait fonction de secrétaire de compagnie.
2) - FUSCO est l’abréviation de fusilier-commando.
3) - Le quartier-maître maistrancier est issu de l’Ecole de Maistrance. Ses galons sont : une barre jaune striée de bleu que l’on pourrait confondre actuellement avec les grades plus récents des quartiers-maîtres admissibles second-maître.
4) - Prigent sera tué à la demi-brigade de fusiliers marins.
5) - Le S.-M. Seveno mourra noyé le 26-1-1953 au centre Sirocco.
6) - Coaquer se tuera dans un accident de moto.
7) - Ces commandos ont été fusillés, mais les corps n’ont pas été retrouvés.
8) - Le même jour naissait la fille de Poullelaouen.
9) - Robert, faisait avec Charlotte, partie du groupe des fusillés. Blessé Grièvement, il mourra par manque de soins.
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°221
Re: [Divers commando] Commando François
Comme je l'ai déjà écrit, j'ai réalisé pour mon copain René BAIL la saisie informatique de son manuscrit de "COMMANDOS MARINE AU COMBAT" édité chez GRANCHER.
J'ai pas mal de pain sur la planche en ce moment, mais dans un prochain post je publierai le récit du combat de Ninh-Binh et des raisons pour lesquelles, à l'origine, le Commando "FRANÇOIS" se trouvait à cet endroit en mai 1951. Ce texte a été écrit sur les témoignages des commandos rescapés déjà cité plus avant.
J'ai pas mal de pain sur la planche en ce moment, mais dans un prochain post je publierai le récit du combat de Ninh-Binh et des raisons pour lesquelles, à l'origine, le Commando "FRANÇOIS" se trouvait à cet endroit en mai 1951. Ce texte a été écrit sur les témoignages des commandos rescapés déjà cité plus avant.
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°222
Re: [Divers commando] Commando François
Il me semble, mais je ne pourrais l'affirmer avec certitude, que j'avais rencontré ABJEAN lors des cérémonies pour le cinquantenaire de la DBFM à Lorient en mai 2006.
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°223
Re: [Divers commando] Commando François
NINH-BINH - (La bataille du Day)
Le Day
L’année 1949 s’est achevée. Pour les commandos-Marine, celle-ci s’est traduite par des raids de débarquements sur la côte d’Annam. Brèves opérations qui ont apporté leur part de succès, de pertes aussi. À son tour, l’année 1950 s’est écoulée, marquée d’accrochages dans les îles du golfe du Tonkin, entre Haiphong et Port Wallut (1).
Et puis, au mois d’octobre, comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, une nouvelle a frappé de stupeur l’ensemble du corps expéditionnaire. Sur la R.C. 4, l’armée française a subi sa plus lourde défaite coloniale depuis la mort de Montcalm devant Québec. Face à trois divisions viêt-minh, deux colonnes aux ordres des colonels Charton et Lepage –sept mille hommes– ont été anéanties au cours d’une fantastique bataille de dix jours. Désormais, la R.C. 4 est perdue et les noms des villes qui la jalonnaient résonnent comme une litanie funèbre : That-Khé, Dong Khé, Cao Bang, Langson...
Pendant les mois qui ont suivi, tout s’est passé comme si, d’un coup, le moral avait déserté le camp français. Ayant découvert la puissance de l’adversaire, jusque là insoupçonnée, plus personne ne semble devoir réagir. Par bateaux entiers, les civils fuient Hanoi, Haiphong, les villes du Tonkin. L’exode s’amorce.
Paralysé, l’état-major du général Carpentier n’ose plus donner d’ordres, sinon pour faire évacuer les dernières places fortes qui verrouillaient la frontière de Chine, Lao Kay, dans l’extrême nord, et Moncay, au bord de la mer. Là, les commandos-marine sont présent. Encore des accrochages, des morts, du sang.
Mais quelque chose semble brisé. L’hiver tonkinois s’installe peignant tout en gris, participant de l’atonie générale. Il semble que l’armée attende le coup de grâce. À Hanoi, la population Viêtnamienne, sensibilisée, agitée par les commissaires politiques infiltrés en masse dans les quartiers autochtones, commence à broder les drapeaux rouges du prochain défilé de Giap qui a promis :
- Nous serons à Hanoi pour le Têt.
Le “Têt”, le nouvel-an Viêtnamien, aura lieu au début de février. Et Giap entend bien ne pas manquer ce rendez-vous qu’il a lui-même fixé. À l’orée du Delta, à portée de canon de Hanoi dont il peut apercevoir les lueurs nocturnes, il a rassemblé son corps de bataille. Trente mille bo-doïs fanatisés qui vont enfin se jeter sur la ville.
Mais, à la place du général Carpentier, démoralisé, brisé, déjà battu, un nouveau chef est arrivé. En quelques mots, en quelques phrases, il a redonné aux soldats le goût du combat, du succès, de la victoire. Ce général, c’est de Lattre de Tassigny, le “ Roi Jean ”. Un homme de fer, à la fois ascète et fastueux, exigeant avec ses hommes, mais fraternel pour les combattants. Il arrive à point pour relever le défi de Giap.
Celui-ci a pourtant tous les atouts pour gagner. Il dispose de 81 bataillons d’infanterie, 12 groupes d’artillerie, 8 bataillons du génie. En pointe du dispositif deux bataillons de “volontaires de la mort” armée de bengalores et de canons sans recul –en Vietnamien Sung Khong Zat, S.K.Z.– et disposent de 300 000 grenades chinoises. Ce n’est plus une guérilla, c’est un rouleau compresseur. Giap n’a rien négligé pour remporter sa bataille du Delta. Il a la supériorité absolue, en tout. Effectifs et moyens.
Et, le 13 janvier 1951, la formidable armée communiste se met en branle. La bataille de Vinh Yen est engagée.
Giap escomptait anéantir en trois jours les unités françaises qui lui étaient opposées. Peut-être y fût-il parvenu avec un autre général que Jean de Lattre. Mais il a sous-estimé son adversaire. Dix jours de combats furieux lui prouvent que le moral a changé de camp. Face aux Français, les bo-doïs fuient. Vaincus.
Giap est têtu. Deux mois plus tard, le 29 mars, il reprend l’offensive, à l’autre bout du Delta, dans un terrain coupé, marécageux, qui d’après ses estimations, devrait interdire à l’adversaire d’utiliser chars et canons.
Il comptait aussi sur la surprise. Une fois encore, de Lattre a réagi. Mieux il l’a deviné. Un de ces intuitions fulgurantes qui n’appartient qu’aux grands hommes et qui l’a fait se dresser, au milieu de la nuit -la veillée d’armes de Giap- pour affirmer, le doigt sur la carte :
- L’ennemi attaquera là. Il ne peut faire autrement. (“Là”, c’était Mao Khé.)
Et une fois de plus, les bo-doïs de Giap, lancés en vagues compactes sur le petit poste niché dans les calcaires, déferlent sur une section de parachutistes retranchés dans l’église. Au jour, ils sont hachés par les chars, l’artillerie et les canons de marine que de Lattre a fait acheminer malgré le terrain. Durant quatre jours, Giap s’acharne. En vain. Il a déjà perdu sa bataille du Dong Trieu.
La route de Hanoi lui est désormais interdite.
Deux mois ont passé. Maintenant, avec le printemps, approche le temps de la moisson ; le delta du Tonkin est pour Giap, l’enjeu primordial. Vital. Le riz du mois de mai est en effet pour lui le fondement de son économie. Il doit servir à payer les armes chinoises. Et à nourrir six cent mille hommes, soldats et coolies, dissimulés dans la brousse et qui pansent leurs plaies. Il doit donc, sous peine de mort, arriver à prendre pied dans les rizières avant la récolte. De Lattre le sait.
Depuis le début de l’année 1951, grâce à ses interventions répétées auprès du gouvernement français, le corps expéditionnaire commence à recevoir du matériel en bon état. Jusque-là, il était équipé avec des surplus usagés, à bout de souffle, de la Seconde Guerre mondiale. Maintenant, les commandos-marine ont pu échanger -avec la satisfaction que l’on devine- leurs antiques P.M. allemands modèle 1940, contre le dernier-né de la Manufacture de Tulle, la robuste MAT 49.
De Lattre voit tout, s’acharne à tout corriger, tout obtenir. Il a fait édifier, en quelques mois, une gigantesque barrière de béton ceinturant le Delta. L’époque des “ postes à la Dubout ”, construits en terre glaise et en bambou est révolue : face aux armes modernes du Viêt-minh, les Français ont autre chose que leurs seules poitrines nues à opposer.
Entre Giap et son adversaire une course de vitesse est maintenant engagée. Le premier sait qu’il doit entrer dans la plaine avant qu’elle ne soit complètement verrouillée. De Lattre n’ignore pas que son dispositif présente un “ trou ” ; dans une faille de quatre-vingts kilomètres, au sud-est du Delta, de Phu-Ly, sur les bords de la rivière Day, jusqu’à Phat Diem, siège de l’évêché catholique du sud, au bord de la mer.
- Si Giap attaque, a dit de Lattre en masquant sur la carte le “trou” de sa main : ce sera là. C’est là, en effet. Cette campagne d’invasion, d’infiltration des évêchés est dénommée “Quang Trung” ou “Ha Nam-Dinh”.
Depuis le début du mois de mai 1951, Giap a rassemblé, dans les montagnes du massif de Chiné – un véritable labyrinthe de calcaires verticaux comme des cierges plantés dans un entrelacs de jungle inextricable – trois de ses meilleures divisions. Deux d’entre elles, la 304 et la 308, ont participé naguère aux durs combats de l’hiver, il a fallu près de deux mois pour les reformer, les encadrer et les approvisionner. La troisième, la 320, n’a encore jamais connu de bataille rangée. Mais ce n’est pas la moins solide : elle est encadrée par des durs du Parti, de vieux militants formés par les Japonais, puis par des Américains. Une division vêtue de noir, à l’ancienne mode(2) dont les soldats sont presque tous originaires des villages du sud du Delta : ceux que, précisément, ils sont chargés de conquérir.
L’ordre opération de Giap est simple. Le delta du Tonkin affecte la forme d’un triangle isocèle, dont la base –la plus courte– longe la mer, et les côtés se rejoignent à Phu Ly.
Dans un premier temps, la division 304 fera sauter le verrou de Phu Ly pour tenter une percée vers l’est. Simultanément, la 308, se portera sur Ninh Binh, au centre du “ trou ” et s’efforcera d’atteindre au cœur du Delta, la ville de Nam Dinh, distante de trente kilomètres à peine. La 320, elle, attaquera en dernier, en direction des “ évêchés ” de Phat Diem et de la province de Bui Chu, le long de la mer.
Pour Giap, ce plan “ en tiroir ” présente toutes les garanties de succès : l’attaque de Phu Ly constitue un test, mais aussi, en cas d’échec, une diversion : elle monopolisera l’effort français, et laissera dès lors toutes leurs chances aux offensives vers Ninh Binh, ou à la limite vers Phat Diem. Logiquement, Giap a appliqué la tactique des Soviétiques au cours de la Seconde Guerre mondiale : une attaque frontale combinée avec une attaque à revers venant de l’extérieur. En prévision, il a déjà infiltré, dans la région de Nam Dinh, deux des meilleurs régiments réguliers, le 42 et le 64. Face aux fissures qui se produiront, les Français ne pourront pas régir partout, en même temps, et d’une façon durable. Il y aura nécessairement une brèche, d’autant plus prévisible que les deux régiments infiltrés dresseront tous les obstacles possibles sur la route des renforts.
Depuis le début du mois d’avril, les services français de renseignement sont perplexes. Ils ont “ perdu ” deux des divisions du corps de bataille viêt-minh. Ils savent seulement que la 304 et la 308 ont abandonné leurs cantonnements de Yen Bay sur le Fleuve rouge. Ils ignorent vers quelle destination elles ont fait mouvement. Mais de Lattre, lui, le sait. Depuis le 5 mai, le commando du célèbre adjudant Vandenberghe, composé d’anciens Viêts retournés, a nomadisé sur les arrières ennemis. Il a localisé les dépôts de ravitaillement, capturé des officiers de l’État-Major de la 304. Et ceux-ci ont parlé.
- L’attaque aura lieu à partir du 28 mai, ont-ils dit.
Ils ignorent l’endroit exact où elle se produira, mais de Lattre s’en doute et la présence de cette division confirme ses pronostics. Aussi, préventivement, le 20 avril, entre le Song Giap Ho et la mer, il déclenche l’opération “ Méduse ”. En douze jours, groupements mobiles et commandos enlèvent 42 villages fortifiés. Le 5 mai, les communistes ont perdu le contrôle de 400 villages. De durs combats s’engagent notamment au village de Vinh Bao où les réguliers et les partisans laissent sur le terrain 1 400 tués et 2 000 prisonniers parmi lesquels les chefs militaires et politiques les plus importants. Du coup, la collecte rouge du riz s’effondre. Giap est acculé à la bataille.
La 304 étant handicapée, la 308 passera la première à l’attaque. Objectif, Ninh Binh.
Le 18 mai, Giap donne ses derniers ordres. La 308 –12 000 combattants épaulés par 15 000 coolies– entame son mouvement vers la rive ouest du Day.
Le même jour, à Haiphong, à l’État-Major de la Marine, un message arrive enjoignant aux commandos de quitter le Tonkin pour regagner leur base de repos du cap Saint-Jacques, en Cochinchine. Depuis leur arrivée au Tonkin, huit mois plus tôt, les bérets verts n’ont connu aucune vrai détente. Ils vivent en nomades, de base avancée en base opérationnelle, leurs cantines et leurs paquetages sont restés au Sud.
La nouvelle est accueillie avec soulagement. Ils sont épuisés et l’opération “Méduse” à laquelle ils ont participé, a achevé de les exténuer. Fébrilement, ils se préparent au départ, tout en tirant, “ à terre ”(3) des bordées mémorables...
Et puis, comme d’habitude, la veille du départ, arrive un contrordre : seuls deux des trois commandos seront rapatriés sur le cap. Le troisième restera à la disposition de la Marine-Tonkin.
- Quelle sera la mission ? demandent les “Pachas”.
L’État-Major reste vague. Il est question d’envoyer le commando désigné du côté du Delta pour “y effectuer des patrouilles de reconnaissance près du Day où l’on redoute une prochaine attaque ennemie ”.
C’est peu. Trop peu pour ne pas être alarmant. Toutefois, puisqu’il s’agit d’un ordre, il ne saurait être question de s’y dérober, Le commando désigné est primitivement “ Jaubert ”, mais, après une discussion entre les lieutenants de vaisseau, Allongue et Labbens, “Pacha” de “ François ”, c’est finalement ce dernier qui accepte de rester au Tonkin.
- Vous partirez demain, 23 mai, par LCT. Destination initiale, Nam Dinh où l’on vous donnera les ordres de détail. Théoriquement, vous serez implantés à Ninh Binh.
Labbens salue et s’éloigne pour dicter les ordres en vue du départ, surpris toutefois de cette nouvelle mission qui lui semble bien davantage dictée par le souci des autorités de la place de Haiphong, d’éloigner les commandos jugés trop bruyants, plus que par une intention opérationnelle précise (4).
Le commando François aligne à l’effectif trois officiers, six officiers mariniers et soixante-dix quartiers-maîtres et commandos (5). C’est une petite compagnie d’infanterie qui est envoyée au front. Face aux vingt-cinq mille combattants de Giap, massés non loin d’elle, prêts pour l’assaut, elle ne pèsera pas lourd. Et quand, le 23 mai, elle s’embarque à Haiphong, son sort est déjà scellé.
(1) - Voir en annexe le détail de ces opérations.
(2) - Les divisions du “ Nord ” ont reçu les tenues vertes de l’armée chinoise.
(3) - Héritier du jargon “ Marine ”, les commandos disent “ à terre ” quand ils vont en ville.
(4) - Plus tard, l’un des rescapés, Max Pivin apprendra que la mission initialement impartie au commando consistait à servir d’élément de recueil aux commandos Viêtnamiens de Vandenberghe, Rusconi et Romary qui devaient s’infiltrer en zone profonde ennemie.
Le Day
L’année 1949 s’est achevée. Pour les commandos-Marine, celle-ci s’est traduite par des raids de débarquements sur la côte d’Annam. Brèves opérations qui ont apporté leur part de succès, de pertes aussi. À son tour, l’année 1950 s’est écoulée, marquée d’accrochages dans les îles du golfe du Tonkin, entre Haiphong et Port Wallut (1).
Et puis, au mois d’octobre, comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, une nouvelle a frappé de stupeur l’ensemble du corps expéditionnaire. Sur la R.C. 4, l’armée française a subi sa plus lourde défaite coloniale depuis la mort de Montcalm devant Québec. Face à trois divisions viêt-minh, deux colonnes aux ordres des colonels Charton et Lepage –sept mille hommes– ont été anéanties au cours d’une fantastique bataille de dix jours. Désormais, la R.C. 4 est perdue et les noms des villes qui la jalonnaient résonnent comme une litanie funèbre : That-Khé, Dong Khé, Cao Bang, Langson...
Pendant les mois qui ont suivi, tout s’est passé comme si, d’un coup, le moral avait déserté le camp français. Ayant découvert la puissance de l’adversaire, jusque là insoupçonnée, plus personne ne semble devoir réagir. Par bateaux entiers, les civils fuient Hanoi, Haiphong, les villes du Tonkin. L’exode s’amorce.
Paralysé, l’état-major du général Carpentier n’ose plus donner d’ordres, sinon pour faire évacuer les dernières places fortes qui verrouillaient la frontière de Chine, Lao Kay, dans l’extrême nord, et Moncay, au bord de la mer. Là, les commandos-marine sont présent. Encore des accrochages, des morts, du sang.
Mais quelque chose semble brisé. L’hiver tonkinois s’installe peignant tout en gris, participant de l’atonie générale. Il semble que l’armée attende le coup de grâce. À Hanoi, la population Viêtnamienne, sensibilisée, agitée par les commissaires politiques infiltrés en masse dans les quartiers autochtones, commence à broder les drapeaux rouges du prochain défilé de Giap qui a promis :
- Nous serons à Hanoi pour le Têt.
Le “Têt”, le nouvel-an Viêtnamien, aura lieu au début de février. Et Giap entend bien ne pas manquer ce rendez-vous qu’il a lui-même fixé. À l’orée du Delta, à portée de canon de Hanoi dont il peut apercevoir les lueurs nocturnes, il a rassemblé son corps de bataille. Trente mille bo-doïs fanatisés qui vont enfin se jeter sur la ville.
Mais, à la place du général Carpentier, démoralisé, brisé, déjà battu, un nouveau chef est arrivé. En quelques mots, en quelques phrases, il a redonné aux soldats le goût du combat, du succès, de la victoire. Ce général, c’est de Lattre de Tassigny, le “ Roi Jean ”. Un homme de fer, à la fois ascète et fastueux, exigeant avec ses hommes, mais fraternel pour les combattants. Il arrive à point pour relever le défi de Giap.
Celui-ci a pourtant tous les atouts pour gagner. Il dispose de 81 bataillons d’infanterie, 12 groupes d’artillerie, 8 bataillons du génie. En pointe du dispositif deux bataillons de “volontaires de la mort” armée de bengalores et de canons sans recul –en Vietnamien Sung Khong Zat, S.K.Z.– et disposent de 300 000 grenades chinoises. Ce n’est plus une guérilla, c’est un rouleau compresseur. Giap n’a rien négligé pour remporter sa bataille du Delta. Il a la supériorité absolue, en tout. Effectifs et moyens.
Et, le 13 janvier 1951, la formidable armée communiste se met en branle. La bataille de Vinh Yen est engagée.
Giap escomptait anéantir en trois jours les unités françaises qui lui étaient opposées. Peut-être y fût-il parvenu avec un autre général que Jean de Lattre. Mais il a sous-estimé son adversaire. Dix jours de combats furieux lui prouvent que le moral a changé de camp. Face aux Français, les bo-doïs fuient. Vaincus.
Giap est têtu. Deux mois plus tard, le 29 mars, il reprend l’offensive, à l’autre bout du Delta, dans un terrain coupé, marécageux, qui d’après ses estimations, devrait interdire à l’adversaire d’utiliser chars et canons.
Il comptait aussi sur la surprise. Une fois encore, de Lattre a réagi. Mieux il l’a deviné. Un de ces intuitions fulgurantes qui n’appartient qu’aux grands hommes et qui l’a fait se dresser, au milieu de la nuit -la veillée d’armes de Giap- pour affirmer, le doigt sur la carte :
- L’ennemi attaquera là. Il ne peut faire autrement. (“Là”, c’était Mao Khé.)
Et une fois de plus, les bo-doïs de Giap, lancés en vagues compactes sur le petit poste niché dans les calcaires, déferlent sur une section de parachutistes retranchés dans l’église. Au jour, ils sont hachés par les chars, l’artillerie et les canons de marine que de Lattre a fait acheminer malgré le terrain. Durant quatre jours, Giap s’acharne. En vain. Il a déjà perdu sa bataille du Dong Trieu.
La route de Hanoi lui est désormais interdite.
Deux mois ont passé. Maintenant, avec le printemps, approche le temps de la moisson ; le delta du Tonkin est pour Giap, l’enjeu primordial. Vital. Le riz du mois de mai est en effet pour lui le fondement de son économie. Il doit servir à payer les armes chinoises. Et à nourrir six cent mille hommes, soldats et coolies, dissimulés dans la brousse et qui pansent leurs plaies. Il doit donc, sous peine de mort, arriver à prendre pied dans les rizières avant la récolte. De Lattre le sait.
Depuis le début de l’année 1951, grâce à ses interventions répétées auprès du gouvernement français, le corps expéditionnaire commence à recevoir du matériel en bon état. Jusque-là, il était équipé avec des surplus usagés, à bout de souffle, de la Seconde Guerre mondiale. Maintenant, les commandos-marine ont pu échanger -avec la satisfaction que l’on devine- leurs antiques P.M. allemands modèle 1940, contre le dernier-né de la Manufacture de Tulle, la robuste MAT 49.
De Lattre voit tout, s’acharne à tout corriger, tout obtenir. Il a fait édifier, en quelques mois, une gigantesque barrière de béton ceinturant le Delta. L’époque des “ postes à la Dubout ”, construits en terre glaise et en bambou est révolue : face aux armes modernes du Viêt-minh, les Français ont autre chose que leurs seules poitrines nues à opposer.
Entre Giap et son adversaire une course de vitesse est maintenant engagée. Le premier sait qu’il doit entrer dans la plaine avant qu’elle ne soit complètement verrouillée. De Lattre n’ignore pas que son dispositif présente un “ trou ” ; dans une faille de quatre-vingts kilomètres, au sud-est du Delta, de Phu-Ly, sur les bords de la rivière Day, jusqu’à Phat Diem, siège de l’évêché catholique du sud, au bord de la mer.
- Si Giap attaque, a dit de Lattre en masquant sur la carte le “trou” de sa main : ce sera là. C’est là, en effet. Cette campagne d’invasion, d’infiltration des évêchés est dénommée “Quang Trung” ou “Ha Nam-Dinh”.
Depuis le début du mois de mai 1951, Giap a rassemblé, dans les montagnes du massif de Chiné – un véritable labyrinthe de calcaires verticaux comme des cierges plantés dans un entrelacs de jungle inextricable – trois de ses meilleures divisions. Deux d’entre elles, la 304 et la 308, ont participé naguère aux durs combats de l’hiver, il a fallu près de deux mois pour les reformer, les encadrer et les approvisionner. La troisième, la 320, n’a encore jamais connu de bataille rangée. Mais ce n’est pas la moins solide : elle est encadrée par des durs du Parti, de vieux militants formés par les Japonais, puis par des Américains. Une division vêtue de noir, à l’ancienne mode(2) dont les soldats sont presque tous originaires des villages du sud du Delta : ceux que, précisément, ils sont chargés de conquérir.
L’ordre opération de Giap est simple. Le delta du Tonkin affecte la forme d’un triangle isocèle, dont la base –la plus courte– longe la mer, et les côtés se rejoignent à Phu Ly.
Dans un premier temps, la division 304 fera sauter le verrou de Phu Ly pour tenter une percée vers l’est. Simultanément, la 308, se portera sur Ninh Binh, au centre du “ trou ” et s’efforcera d’atteindre au cœur du Delta, la ville de Nam Dinh, distante de trente kilomètres à peine. La 320, elle, attaquera en dernier, en direction des “ évêchés ” de Phat Diem et de la province de Bui Chu, le long de la mer.
Pour Giap, ce plan “ en tiroir ” présente toutes les garanties de succès : l’attaque de Phu Ly constitue un test, mais aussi, en cas d’échec, une diversion : elle monopolisera l’effort français, et laissera dès lors toutes leurs chances aux offensives vers Ninh Binh, ou à la limite vers Phat Diem. Logiquement, Giap a appliqué la tactique des Soviétiques au cours de la Seconde Guerre mondiale : une attaque frontale combinée avec une attaque à revers venant de l’extérieur. En prévision, il a déjà infiltré, dans la région de Nam Dinh, deux des meilleurs régiments réguliers, le 42 et le 64. Face aux fissures qui se produiront, les Français ne pourront pas régir partout, en même temps, et d’une façon durable. Il y aura nécessairement une brèche, d’autant plus prévisible que les deux régiments infiltrés dresseront tous les obstacles possibles sur la route des renforts.
Depuis le début du mois d’avril, les services français de renseignement sont perplexes. Ils ont “ perdu ” deux des divisions du corps de bataille viêt-minh. Ils savent seulement que la 304 et la 308 ont abandonné leurs cantonnements de Yen Bay sur le Fleuve rouge. Ils ignorent vers quelle destination elles ont fait mouvement. Mais de Lattre, lui, le sait. Depuis le 5 mai, le commando du célèbre adjudant Vandenberghe, composé d’anciens Viêts retournés, a nomadisé sur les arrières ennemis. Il a localisé les dépôts de ravitaillement, capturé des officiers de l’État-Major de la 304. Et ceux-ci ont parlé.
- L’attaque aura lieu à partir du 28 mai, ont-ils dit.
Ils ignorent l’endroit exact où elle se produira, mais de Lattre s’en doute et la présence de cette division confirme ses pronostics. Aussi, préventivement, le 20 avril, entre le Song Giap Ho et la mer, il déclenche l’opération “ Méduse ”. En douze jours, groupements mobiles et commandos enlèvent 42 villages fortifiés. Le 5 mai, les communistes ont perdu le contrôle de 400 villages. De durs combats s’engagent notamment au village de Vinh Bao où les réguliers et les partisans laissent sur le terrain 1 400 tués et 2 000 prisonniers parmi lesquels les chefs militaires et politiques les plus importants. Du coup, la collecte rouge du riz s’effondre. Giap est acculé à la bataille.
La 304 étant handicapée, la 308 passera la première à l’attaque. Objectif, Ninh Binh.
Le 18 mai, Giap donne ses derniers ordres. La 308 –12 000 combattants épaulés par 15 000 coolies– entame son mouvement vers la rive ouest du Day.
Le même jour, à Haiphong, à l’État-Major de la Marine, un message arrive enjoignant aux commandos de quitter le Tonkin pour regagner leur base de repos du cap Saint-Jacques, en Cochinchine. Depuis leur arrivée au Tonkin, huit mois plus tôt, les bérets verts n’ont connu aucune vrai détente. Ils vivent en nomades, de base avancée en base opérationnelle, leurs cantines et leurs paquetages sont restés au Sud.
La nouvelle est accueillie avec soulagement. Ils sont épuisés et l’opération “Méduse” à laquelle ils ont participé, a achevé de les exténuer. Fébrilement, ils se préparent au départ, tout en tirant, “ à terre ”(3) des bordées mémorables...
Et puis, comme d’habitude, la veille du départ, arrive un contrordre : seuls deux des trois commandos seront rapatriés sur le cap. Le troisième restera à la disposition de la Marine-Tonkin.
- Quelle sera la mission ? demandent les “Pachas”.
L’État-Major reste vague. Il est question d’envoyer le commando désigné du côté du Delta pour “y effectuer des patrouilles de reconnaissance près du Day où l’on redoute une prochaine attaque ennemie ”.
C’est peu. Trop peu pour ne pas être alarmant. Toutefois, puisqu’il s’agit d’un ordre, il ne saurait être question de s’y dérober, Le commando désigné est primitivement “ Jaubert ”, mais, après une discussion entre les lieutenants de vaisseau, Allongue et Labbens, “Pacha” de “ François ”, c’est finalement ce dernier qui accepte de rester au Tonkin.
- Vous partirez demain, 23 mai, par LCT. Destination initiale, Nam Dinh où l’on vous donnera les ordres de détail. Théoriquement, vous serez implantés à Ninh Binh.
Labbens salue et s’éloigne pour dicter les ordres en vue du départ, surpris toutefois de cette nouvelle mission qui lui semble bien davantage dictée par le souci des autorités de la place de Haiphong, d’éloigner les commandos jugés trop bruyants, plus que par une intention opérationnelle précise (4).
Le commando François aligne à l’effectif trois officiers, six officiers mariniers et soixante-dix quartiers-maîtres et commandos (5). C’est une petite compagnie d’infanterie qui est envoyée au front. Face aux vingt-cinq mille combattants de Giap, massés non loin d’elle, prêts pour l’assaut, elle ne pèsera pas lourd. Et quand, le 23 mai, elle s’embarque à Haiphong, son sort est déjà scellé.
(1) - Voir en annexe le détail de ces opérations.
(2) - Les divisions du “ Nord ” ont reçu les tenues vertes de l’armée chinoise.
(3) - Héritier du jargon “ Marine ”, les commandos disent “ à terre ” quand ils vont en ville.
(4) - Plus tard, l’un des rescapés, Max Pivin apprendra que la mission initialement impartie au commando consistait à servir d’élément de recueil aux commandos Viêtnamiens de Vandenberghe, Rusconi et Romary qui devaient s’infiltrer en zone profonde ennemie.
Dernière édition par BONNERUE Daniel le Mer 30 Avr 2008 - 21:47, édité 1 fois
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
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- Message n°224
Re: [Divers commando] Commando François
Suite de la bataille du Day :
Ninh-Binh
Après ces opérations particulièrement éprouvantes, les commandos-marine se remettent de leurs émotions par quelques sorties mouvementées dans Haiphong. Leurs agapes bruyantes agacent les oreilles des “sédentaires” qui attendent avec impatience un nouveau départ au combat de ces trublions pour retrouver leurs habitudes peinardes.
Cela fait maintenant huit mois que les trois commandos sont “montés” au Tonkin. Le capitaine d'armes de la base arrière, au cap Saint-Jacques, vient d'envoyer un message pour signaler le mauvais état des affaires personnelles des commandos gardées dans les caissons. L'humidité et le manque d'aération se font sentir ; l’odeur de moisi.
Le commandement, estimant que les commandos ont bien gagné un peu de repos, décide que deux commandos regagneront le cap Saint-Jacques, le troisième restant à la disposition de la marine au Tonkin.
Au départ, “Jaubert” devait assurer cette permanence, mais après concertation entre les lieutenants de vaisseau Allongue et Labbens, “François” est retenu.
Le commando ne végétera pas longtemps à Haiphong. Des renseignements d’origines diverses (3) indiquent que les Viêts vont envahir massivement la plaine du Than-Hoa afin de se ravitailler en riz. On parle même de l'effectif d'une division...
Bien sur, la veille de leur départ, les commandos ignorent tout de leur destination. Aussi sont-ils surpris lorsque dans un bar où ils “dégagent”, les filles leur lancent :
- Surtout, n'allez pas à Ninh-Binh !
A l'aube, “François“ embarque sur un L.C.T. civil : direction Nam-Dinh. sitôt arrivé, le “Pacha” se présente au PC du secteur pour prendre les ordres du colonel Gambiez, commandant la Zone-sud du Delta. Apparemment, celui-ci ne sait que faire de cette unité mise à sa disposition au point qu'il lui est même impossible de la loger.
Labbens parvient néanmoins à caser ses hommes dans une caserne de tirailleurs. Quelques-uns d'entre eux, notamment ceux du groupe d'assaut, décident de partir en bordée. Les plus agités sont Czarnecki, Denis, Guyon et le Huédé. Le retour est si bruyant qu'ils réveillent tous les copains.
Un des anciens, le quartier-maître chef Malecot, entré dans la marine en 1945, les engueule :
- Que vous soyez défoncés comme un champ de manœuvre, je m'en fous ! Mais que vous empêchiez les autres de pioncer, pas d'accord !
- C'est que, mon vieux, se défend Czarnecki, avec une certaine difficulté d'élocution, c'est la dernière cuite qu'on a pris ce soir, parce que dans huit jours, on sera morts !
Ça Jette un froid. Les gars n'aiment pas ça... Parler de la mort, porte la poisse...
Le calme revient un peu dans la chambrée, mais pas pour longtemps. Denis, voulant s'asseoir sur son lit, cale incidemment son postérieur dans un casque rempli de gasoil servant au nettoyage des armes. Cette fine plaisanterie n'était pas du meilleur goût, mais des farceurs avaient voulu sanctionner à l'avance, ces “bringueurs” réputés. Relance du vacarme, tumulte crescendo, puis la victime écœurée décide d'aller dans le rach de la cimenterie, pour laver son honneur et ses fesses.
Dés le lendemain matin, le “Pacha” réunit ses gradés pour expliquer et commenter leur mission. Il faudra procéder à des reconnaissances par demi-groupes dans la Cordillère annami¬tique, se livrer à des incursions dans le pays afin de harce¬ler l'ennemi, bref, créer chez les Viêts un climat d'insécu¬rité. Tout cela avec... soixante-seize hommes, dont un tiers venait d'arriver en Indochine. Ils étaient la relève des anciens en fin de séjour...
Dans la nuit, le colonel Gambiez a enfin reçu les ordres attendus. À l’aube, un secrétaire est allé prévenir le lieutenant de vaisseau Labbens :
- Vous embarquez à 9 heures sur un LCT. Direction Ninh Binh : vous cantonnerez dans l’église, à la sortie de la ville.
Labbens convoque ses gradés, transmet les ordres. À 9 heures, les commandos s’installent dans la cuve non couverte du chaland. Ils ont les traits bouffis, le regard fatigué. Le ciel est bas, laissant filtrer une bruine interminable qui écrase le paysage, noie la rizière, s’accroche aux clochers des églises du Delta, toutes semblables avec leur style néogothique, pareilles à ces églises de France, seul obstacle où l’œil s’arrête. Elles ont l’air de veiller des troupeaux de paillotes désertées.
Dans le LCT les conversations se poursuivent à mi-voix. Aucune n’évoque la mission à venir. Les commandos se bornent à vivre au présent, trempés et transis, contraints à l’inaction, à l’immobilité, isolés du reste du monde par l’ambiance de cocon que font planer la bruine et le crachin.
Il n’y a que vingt kilomètres à vol d’oiseau, une trentaine par la route, entre Nam Dinh et Ninh Binh. Mais il faut au LCT toute la journée pour les franchir, sur une eau plate, entre deux rives également plates, uniformément couvertes de roseaux.
- Voilà Ninh Binh, dit soudain le second maître Poullelaouen, un ancien, qui a parcouru le Delta en tous sens et reconnaît aussitôt les trois rochers verticaux (Nga-ba-non), masses de calcaire triasique qui ont inspiré des poètes annamites, qui semblent placés là, en sentinelle sur la rive ouest du Day, factionnaires isolés en territoire Viêt. Un peu plus loin, il y a la ville. Ou plutôt ce qu’il en reste. Lors de la reconquête du Delta, en 1947, les Viêts ont dynamité toutes les constructions avant de se replier vers la brousse. Seule, debout, l’église, dont le clocher domine les rizières.
- C’est là-dedans qu’on s’installe ?
Le quartier-maître Gilbert Charlotte grimace, Il n’aime pas cela. Pour lui, Martiniquais, catholique fervent, les églises ne sont pas faites pour habiter, encore moins lorsque l’on est des soldats en campagne. Cela sent un peu le sacrilège. Comment pourra-t-on éviter que les conversations de chambrée, le chahut et les propos grivois ne troublent la sérénité, la sainteté du lieu :
- T’en fais pas, lui lance Yng, son voltigeur de pointe : il y a longtemps que le Bon Dieu a déserté le coin. Tout ce qu’il a pu entendre depuis des années c’était des propos de Viêts...
L’arrivée du commando n’a pas échappé aux guetteurs ennemis. Dans la nuit, l’État-Major de la division (Dai Doan) 308 a rendu compte au général en chef. Pour respecter le timing qu’il a imposé à ses troupes, Giap ordonne d’avancer de vingt-quatre heures l’attaque initiale : l’anéantissement du commando ne sera qu’une formalité. Tout devra être terminé le 29 mai à l’aube.
En fin d’après-midi, les commandos se sont installés dans l’église. Les lit picot des officiers-mariniers et des personnels équipage sont disposés de chaque côté de l’allée centrale. Les officiers seront dans le chœur.
À l’extérieur, sur l’arrière, quelques bâtiments semblent encore en état. Ils sont convertis en cuisines et réfectoires.
- Briot, appelle le “Pacha” Labbens, installe les postes radios dans le clocher.
Le radio salue et commence à hisser le 694 et le 300. Le premier est calé sur la fréquence du secteur de Nam Dinh. Le second, d’une portée moindre assure la liaison phonie avec le poste des partisans, installés sur la “ bonne ” rive au sud du Day.
- Bonne rive, c’est vite dit, grommelle Czarnecki ; ce n’est pas parce que les partisans ne sont pas du côté des Viêts qu’ils risquent moins que nous.
- En tout cas, assure Garofaro, un petit brun de l’équipe d’assaut, nous sommes réellement en pays Viêt : tu ne sais pas ce que les supplétifs m’ont appris ? Que toutes les provisions que nous achèterons dans le coin devront être payées en piastres Hô Chi Minh ! Il agite la main au bout de laquelle tremblent quelques rectangles de mauvais papier à l’effigie du leader communiste :
- J’en ai pour cinq cents piastres, de quoi acheter un kilo de riz.
- Si ça se trouve, on devra aller au marché avec des valises pleines de billets...
Le lieutenant de vaisseau Labbens a fait, avec ses officiers, le tour des bâtiments. Il grimace.
- Mauvais coin : de la rizière tout autour, et jusqu’ici, le billard. Il faudra envisager quelques emplacements de protection.
- Avec nos armes automatiques, objecte l’enseigne Le Gouvello il faudrait un esprit suicidaire aux Viêts pour se lancer à l’assaut.
- Nous verrons demain : je ferai entamer une tranchée de protection. On ne sait jamais.
Labbens inspecte l’horizon, bas et brumeux et conclut :
- Du reste, je ne pense pas que nous risquions grand-chose : les ordres reçus me prescrivent d’effectuer des patrouilles de reconnaissance. C’est donc de la routine...
Avant de quitter Nam-Dinh, tout en réglant les vacations radio, Labbens avait signalé que la phonie n’était pas suffisante. Le lieutenant de vaisseau Blot, accompagné du lieutenant Sieffert, commandant la 205ème Compagnie Légère Supplétive Marine (205ème C.L.S.M.), basée à Nam-Dinh, avait prévu de livrer un poste radio graphie avec manipulateur le 29 mai. Un imprévu bousculera le calendrier…
Ils reviennent jusqu’au parvis. Trois commandos entourent un Tonkinois maigre, à l’œil affolé, mains jointes, qui lance au hasard des sourires serviles.
- D’où vient ce type ?
- Il nous a remis ce papier, explique Le Huédé en rigolant : il est inoffensif...
Labbens cueille la feuille maculée sur laquelle, d’une écriture fleurie, ont été tracés ces mots : “ Cet homme est sourd-muet. Il est le gardien de l’église. ”
- Et c’est signé Mgr Le Huu Thu, évêque de Phat Diem, achève-t-il. Je n’ai pas envie d’avoir d’ennuis, fichez-lui la paix...
- Mgr Le Huu Thu ? Je le connais, déclare la voix bourrue de Poullelaouen qui s’est approché : c’est un faux jeton. En 1946, il a pactisé avec Hô Chi Minh. À mon avis, vaut pas un coup de cidre...
Poullelaouen a la rancune tenace et une excellente mémoire. Il ne se trompe guère. L’évêque de Phat Diem, tout comme son voisin et complice d’intérêt Mgr Chi, évêque du Bui Chu, sont avant tout des nationalistes convaincus. Francophobes militants, ils ont été contraints au ralliement par calcul politique et sens des réalités plutôt que par conversion. C’est ainsi que Mgr Frère Marie-Anselme Thade Le Huu Thu, maître absolu des âmes, des corps et surtout des biens des fidèles du diocèse de Phat Diêm, se fait nommer conseiller religieux de Hô Chi Minh en 1946. Le général de Lattre de Tassigny dira de lui “que sa crosse est du bois dont on fait les matraques !” Graham Greene le décrivait ainsi : “Un homme très austère, avec une tête de singe triste et méditatif.”
- Possible, tranche Labbens, mais je ne veux pas d’incidents. Laissez ce gardien faire son travail.
Poullelaouen bausse les épaules et s’en va. Tout en se promettant d’avoir l’œil sur ce “ sourd-muet ” dont la fonction ne lui semble pas claire.
- Je me demande ce qu’il peut bien garder, confie-t-il à son ami le second maître Marceau Simon, une sorte d’Hercule paisible au regard clair, au visage avenant curieusement bosselé comme celui d’un rugbyman. Simon plisse les lèvres et embrasse du regard le décor de l’église délabrée :
- Si c’est lui qui a muré les fenêtres, observe-t-il, il a bien travaillé. Cette église me fait plus penser à une cave qu’à un sanctuaire.
Simon a traduit l’impression généralement ressentie. Hormis les ogives du transept, toutes les ouvertures ont été obturées par des cloisons de briques, jusqu’au portail d’entrée qui permet à peine le passage d’un homme seul, Le tonneau de vin –la ration réglementaire du commando pour la semaine– n’a pu être introduit dans la nef, et les commandos l’ont abandonné sur le parvis.
- M’est avis que nous devrons ouvrir l’œil, conclut Poullelaouen en s’éloignant pour donner ses ordres.
Ninh-Binh
Après ces opérations particulièrement éprouvantes, les commandos-marine se remettent de leurs émotions par quelques sorties mouvementées dans Haiphong. Leurs agapes bruyantes agacent les oreilles des “sédentaires” qui attendent avec impatience un nouveau départ au combat de ces trublions pour retrouver leurs habitudes peinardes.
Cela fait maintenant huit mois que les trois commandos sont “montés” au Tonkin. Le capitaine d'armes de la base arrière, au cap Saint-Jacques, vient d'envoyer un message pour signaler le mauvais état des affaires personnelles des commandos gardées dans les caissons. L'humidité et le manque d'aération se font sentir ; l’odeur de moisi.
Le commandement, estimant que les commandos ont bien gagné un peu de repos, décide que deux commandos regagneront le cap Saint-Jacques, le troisième restant à la disposition de la marine au Tonkin.
Au départ, “Jaubert” devait assurer cette permanence, mais après concertation entre les lieutenants de vaisseau Allongue et Labbens, “François” est retenu.
Le commando ne végétera pas longtemps à Haiphong. Des renseignements d’origines diverses (3) indiquent que les Viêts vont envahir massivement la plaine du Than-Hoa afin de se ravitailler en riz. On parle même de l'effectif d'une division...
Bien sur, la veille de leur départ, les commandos ignorent tout de leur destination. Aussi sont-ils surpris lorsque dans un bar où ils “dégagent”, les filles leur lancent :
- Surtout, n'allez pas à Ninh-Binh !
A l'aube, “François“ embarque sur un L.C.T. civil : direction Nam-Dinh. sitôt arrivé, le “Pacha” se présente au PC du secteur pour prendre les ordres du colonel Gambiez, commandant la Zone-sud du Delta. Apparemment, celui-ci ne sait que faire de cette unité mise à sa disposition au point qu'il lui est même impossible de la loger.
Labbens parvient néanmoins à caser ses hommes dans une caserne de tirailleurs. Quelques-uns d'entre eux, notamment ceux du groupe d'assaut, décident de partir en bordée. Les plus agités sont Czarnecki, Denis, Guyon et le Huédé. Le retour est si bruyant qu'ils réveillent tous les copains.
Un des anciens, le quartier-maître chef Malecot, entré dans la marine en 1945, les engueule :
- Que vous soyez défoncés comme un champ de manœuvre, je m'en fous ! Mais que vous empêchiez les autres de pioncer, pas d'accord !
- C'est que, mon vieux, se défend Czarnecki, avec une certaine difficulté d'élocution, c'est la dernière cuite qu'on a pris ce soir, parce que dans huit jours, on sera morts !
Ça Jette un froid. Les gars n'aiment pas ça... Parler de la mort, porte la poisse...
Le calme revient un peu dans la chambrée, mais pas pour longtemps. Denis, voulant s'asseoir sur son lit, cale incidemment son postérieur dans un casque rempli de gasoil servant au nettoyage des armes. Cette fine plaisanterie n'était pas du meilleur goût, mais des farceurs avaient voulu sanctionner à l'avance, ces “bringueurs” réputés. Relance du vacarme, tumulte crescendo, puis la victime écœurée décide d'aller dans le rach de la cimenterie, pour laver son honneur et ses fesses.
Dés le lendemain matin, le “Pacha” réunit ses gradés pour expliquer et commenter leur mission. Il faudra procéder à des reconnaissances par demi-groupes dans la Cordillère annami¬tique, se livrer à des incursions dans le pays afin de harce¬ler l'ennemi, bref, créer chez les Viêts un climat d'insécu¬rité. Tout cela avec... soixante-seize hommes, dont un tiers venait d'arriver en Indochine. Ils étaient la relève des anciens en fin de séjour...
Dans la nuit, le colonel Gambiez a enfin reçu les ordres attendus. À l’aube, un secrétaire est allé prévenir le lieutenant de vaisseau Labbens :
- Vous embarquez à 9 heures sur un LCT. Direction Ninh Binh : vous cantonnerez dans l’église, à la sortie de la ville.
Labbens convoque ses gradés, transmet les ordres. À 9 heures, les commandos s’installent dans la cuve non couverte du chaland. Ils ont les traits bouffis, le regard fatigué. Le ciel est bas, laissant filtrer une bruine interminable qui écrase le paysage, noie la rizière, s’accroche aux clochers des églises du Delta, toutes semblables avec leur style néogothique, pareilles à ces églises de France, seul obstacle où l’œil s’arrête. Elles ont l’air de veiller des troupeaux de paillotes désertées.
Dans le LCT les conversations se poursuivent à mi-voix. Aucune n’évoque la mission à venir. Les commandos se bornent à vivre au présent, trempés et transis, contraints à l’inaction, à l’immobilité, isolés du reste du monde par l’ambiance de cocon que font planer la bruine et le crachin.
Il n’y a que vingt kilomètres à vol d’oiseau, une trentaine par la route, entre Nam Dinh et Ninh Binh. Mais il faut au LCT toute la journée pour les franchir, sur une eau plate, entre deux rives également plates, uniformément couvertes de roseaux.
- Voilà Ninh Binh, dit soudain le second maître Poullelaouen, un ancien, qui a parcouru le Delta en tous sens et reconnaît aussitôt les trois rochers verticaux (Nga-ba-non), masses de calcaire triasique qui ont inspiré des poètes annamites, qui semblent placés là, en sentinelle sur la rive ouest du Day, factionnaires isolés en territoire Viêt. Un peu plus loin, il y a la ville. Ou plutôt ce qu’il en reste. Lors de la reconquête du Delta, en 1947, les Viêts ont dynamité toutes les constructions avant de se replier vers la brousse. Seule, debout, l’église, dont le clocher domine les rizières.
- C’est là-dedans qu’on s’installe ?
Le quartier-maître Gilbert Charlotte grimace, Il n’aime pas cela. Pour lui, Martiniquais, catholique fervent, les églises ne sont pas faites pour habiter, encore moins lorsque l’on est des soldats en campagne. Cela sent un peu le sacrilège. Comment pourra-t-on éviter que les conversations de chambrée, le chahut et les propos grivois ne troublent la sérénité, la sainteté du lieu :
- T’en fais pas, lui lance Yng, son voltigeur de pointe : il y a longtemps que le Bon Dieu a déserté le coin. Tout ce qu’il a pu entendre depuis des années c’était des propos de Viêts...
L’arrivée du commando n’a pas échappé aux guetteurs ennemis. Dans la nuit, l’État-Major de la division (Dai Doan) 308 a rendu compte au général en chef. Pour respecter le timing qu’il a imposé à ses troupes, Giap ordonne d’avancer de vingt-quatre heures l’attaque initiale : l’anéantissement du commando ne sera qu’une formalité. Tout devra être terminé le 29 mai à l’aube.
En fin d’après-midi, les commandos se sont installés dans l’église. Les lit picot des officiers-mariniers et des personnels équipage sont disposés de chaque côté de l’allée centrale. Les officiers seront dans le chœur.
À l’extérieur, sur l’arrière, quelques bâtiments semblent encore en état. Ils sont convertis en cuisines et réfectoires.
- Briot, appelle le “Pacha” Labbens, installe les postes radios dans le clocher.
Le radio salue et commence à hisser le 694 et le 300. Le premier est calé sur la fréquence du secteur de Nam Dinh. Le second, d’une portée moindre assure la liaison phonie avec le poste des partisans, installés sur la “ bonne ” rive au sud du Day.
- Bonne rive, c’est vite dit, grommelle Czarnecki ; ce n’est pas parce que les partisans ne sont pas du côté des Viêts qu’ils risquent moins que nous.
- En tout cas, assure Garofaro, un petit brun de l’équipe d’assaut, nous sommes réellement en pays Viêt : tu ne sais pas ce que les supplétifs m’ont appris ? Que toutes les provisions que nous achèterons dans le coin devront être payées en piastres Hô Chi Minh ! Il agite la main au bout de laquelle tremblent quelques rectangles de mauvais papier à l’effigie du leader communiste :
- J’en ai pour cinq cents piastres, de quoi acheter un kilo de riz.
- Si ça se trouve, on devra aller au marché avec des valises pleines de billets...
Le lieutenant de vaisseau Labbens a fait, avec ses officiers, le tour des bâtiments. Il grimace.
- Mauvais coin : de la rizière tout autour, et jusqu’ici, le billard. Il faudra envisager quelques emplacements de protection.
- Avec nos armes automatiques, objecte l’enseigne Le Gouvello il faudrait un esprit suicidaire aux Viêts pour se lancer à l’assaut.
- Nous verrons demain : je ferai entamer une tranchée de protection. On ne sait jamais.
Labbens inspecte l’horizon, bas et brumeux et conclut :
- Du reste, je ne pense pas que nous risquions grand-chose : les ordres reçus me prescrivent d’effectuer des patrouilles de reconnaissance. C’est donc de la routine...
Avant de quitter Nam-Dinh, tout en réglant les vacations radio, Labbens avait signalé que la phonie n’était pas suffisante. Le lieutenant de vaisseau Blot, accompagné du lieutenant Sieffert, commandant la 205ème Compagnie Légère Supplétive Marine (205ème C.L.S.M.), basée à Nam-Dinh, avait prévu de livrer un poste radio graphie avec manipulateur le 29 mai. Un imprévu bousculera le calendrier…
Ils reviennent jusqu’au parvis. Trois commandos entourent un Tonkinois maigre, à l’œil affolé, mains jointes, qui lance au hasard des sourires serviles.
- D’où vient ce type ?
- Il nous a remis ce papier, explique Le Huédé en rigolant : il est inoffensif...
Labbens cueille la feuille maculée sur laquelle, d’une écriture fleurie, ont été tracés ces mots : “ Cet homme est sourd-muet. Il est le gardien de l’église. ”
- Et c’est signé Mgr Le Huu Thu, évêque de Phat Diem, achève-t-il. Je n’ai pas envie d’avoir d’ennuis, fichez-lui la paix...
- Mgr Le Huu Thu ? Je le connais, déclare la voix bourrue de Poullelaouen qui s’est approché : c’est un faux jeton. En 1946, il a pactisé avec Hô Chi Minh. À mon avis, vaut pas un coup de cidre...
Poullelaouen a la rancune tenace et une excellente mémoire. Il ne se trompe guère. L’évêque de Phat Diem, tout comme son voisin et complice d’intérêt Mgr Chi, évêque du Bui Chu, sont avant tout des nationalistes convaincus. Francophobes militants, ils ont été contraints au ralliement par calcul politique et sens des réalités plutôt que par conversion. C’est ainsi que Mgr Frère Marie-Anselme Thade Le Huu Thu, maître absolu des âmes, des corps et surtout des biens des fidèles du diocèse de Phat Diêm, se fait nommer conseiller religieux de Hô Chi Minh en 1946. Le général de Lattre de Tassigny dira de lui “que sa crosse est du bois dont on fait les matraques !” Graham Greene le décrivait ainsi : “Un homme très austère, avec une tête de singe triste et méditatif.”
- Possible, tranche Labbens, mais je ne veux pas d’incidents. Laissez ce gardien faire son travail.
Poullelaouen bausse les épaules et s’en va. Tout en se promettant d’avoir l’œil sur ce “ sourd-muet ” dont la fonction ne lui semble pas claire.
- Je me demande ce qu’il peut bien garder, confie-t-il à son ami le second maître Marceau Simon, une sorte d’Hercule paisible au regard clair, au visage avenant curieusement bosselé comme celui d’un rugbyman. Simon plisse les lèvres et embrasse du regard le décor de l’église délabrée :
- Si c’est lui qui a muré les fenêtres, observe-t-il, il a bien travaillé. Cette église me fait plus penser à une cave qu’à un sanctuaire.
Simon a traduit l’impression généralement ressentie. Hormis les ogives du transept, toutes les ouvertures ont été obturées par des cloisons de briques, jusqu’au portail d’entrée qui permet à peine le passage d’un homme seul, Le tonneau de vin –la ration réglementaire du commando pour la semaine– n’a pu être introduit dans la nef, et les commandos l’ont abandonné sur le parvis.
- M’est avis que nous devrons ouvrir l’œil, conclut Poullelaouen en s’éloignant pour donner ses ordres.
Dernière édition par BONNERUE Daniel le Mer 30 Avr 2008 - 22:07, édité 2 fois
BONNERUE Daniel- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 88
- Message n°225
Re: [Divers commando] Commando François
Suite de la bataille du Day :
Quatre jours ont passé. Déjà c’est presque de la routine. Conformément aux ordres reçus du PC de Nam Dinh, chaque matin, à tour de rôle, les sections partent des patrouilles aux alentours, jusqu’aux villages de rizière qui enserrent la ville. Des villages du Delta, lacis de pistes serpentant au milieu des cagnas, bordés de haies vives, creusés de mares où s’ébattent les canards parmi les roseaux et les liserons aquatiques. Des villages, comme Phuc Thanh à l’est de la R.C. 1, paisibles en apparence, étonnamment peuplés de vieux, de femmes et de nhôs.
- C’est curieux, confie Marceau Simon à Poullelaouen : on dirait qu’une épidémie a décimé la population mâle. Jamais je n’ai pu rencontrer le moindre hommes adulte.
Cet état de choses ne contribue pas à dissiper le malaise qui règne au sein du commando. Sans exactement définir la raison de leur sourde angoisse, les hommes pressentent la présence d’un danger imminent. Cela tient au silence pesant qui stagne sur la rizière, comme avant un orage, à cette campagne désertée où jamais ne se profile la silhouette d’un homme ou même d’un buffle. Autour d’eux, il y a comme un grand vide. Le paysage est morne, immobile. Mort.
Pourtant, de temps à autre, de petits incidents insolites semblent être comme de brèves lueurs d’alarme. Le 28 mai, Pivin, qui, en opération fait fonction de second radio, monte la garde auprès du poste.
- Rends compte au “Pacha”, dit la voix de l’enseigne Le Gouvello : j’aperçois, à deux kilomètres, une file de nha-qués qui abandonnent leur village. Ils sont chargés de couffins et de balanciers.
Aussitôt prévenu, Labbens convoque le second maître Marceau Simon :
- Prenez votre groupe et allez voir ce qui se passe...
Marceau Simon rameute ses hommes. Ils sont dix jeunes, ardents, à l’image de leur chef. Caroff, un Breton de Roscoff, une montagne de muscles et d’os, aussi solide et efficace qu’un bulldozer dont il a l’opiniâtreté massive ; Blattman et Héritier, fonceurs et vifs comme l’aiguille ; Biette et Barloy, deux baroudeurs astucieux et énergiques ; Merle enfin le “ bleu ” du groupe “ D ” dont c’est la première grande opération.
Au moment du départ, Pivin demande à les accompagner :
- Je m’ennuie dans mon perchoir, dit-il.
Son groupe sur ses talons, Marceau Simon fonce dans la direction de l’objectif. Trois kilomètres les en séparent qu’ils franchissent presque au pas de course, coupant à travers les haies, s’égaillant dans la rizière, au plus court.
Et puis, soudain, Marceau Simon plisse les yeux, tous ses sens en alerte. Quelque chose le tracasse sans qu’il puisse exactement le préciser. Ce village lui apparaît, vide et mort, trop vide, et trop mort. Du bras, il stoppe l’élan de ses commandos :
- Distances, Bon Dieu, hurle-t-il. Et manœuvrez en souplesse ! Barloy, avec ton F.M. mets-toi en protection face à la piste. Les autres, à droite et à gauche, à vérifier les cagnas !
Biette et Merle débordent à gauche, tandis que Caroff et Blattman commencent à contrôler les paillotes, en face. Simon aperçoit la grande carcasse de son voltigeur qui se courbe en franchissant une porte, l’arme à la hanche, prêt à tout. Puis il le voit ressortir, en agitant le bras :
- Chef, chef ! Venez ! Il y a plein de types dans cette paillote-là...
Simon se précipite et, incrédule, s’aperçoit que la cagna, vide les jours précédents, recèle maintenant une dizaine d’hommes allongés sur les bat-flanc, qui le fixent sans expression.
- Ils ont invité tous les cousins, bougonne Simon.
- Regardez, dit Caroff, le troisième type a été blessé à la cuisse... Il se penche et complète :
- En plus, c’est une balle qui a fait ça. De drôles de cousins, oui !
Simon interroge le Tonkinois blessé, mais celui-ci roule des yeux affolés : il ne comprend pas les questions.
Simon souhaiterait obtenir des détails, mais les commandos l’appellent, au-dehors. Leur fouille confirme la découverte de Caroff : tous les habitants ordinaires –femmes, vieillards et enfants– sont partis. Seuls les hommes sont là, répartis par groupes de huit ou dix, tous apparemment hébétés, abrutis de fatigue et qui se bornent à opposer à toutes les questions la même réponse :
- Không biêt, không biêt ! Je ne comprends pas...
- On rentre, décide Simon, et on rend compte, nous ne faisons pas le poids s’il s’agit d’autre chose que de nha-qués, ça sent le piège à plein nez.
Le groupe va reprendre le chemin du retour. Des cris le stoppent. Biette, l’éclaireur de pointe, a poussé sa reconnaissance jusqu’au bout du village et à sa grande stupéfaction il a découvert un étrange mausolée :
- Un monument aux morts Viêt, dit-il. En bambou et en terre, avec une liste de noms, tout comme dans mon village et, tout en haut, le drapeau rouge... Il frappe la poche de son sac : j’en ai même pris une photo, avec les copains.
Pour Simon, une seule conclusion s’impose. Pour avoir eu l’audace d’édifier un tel monument dans ce village, il faut que l’ennemi s’y sente chez lui, à l’abri des incursions. Et il éprouve, pour la première fois depuis qu’il se bat en Indochine, l’impression curieuse et désagréable de s’être fourvoyé dans un pays étranger, hostile. Que faire ? Ils sont six à peine, une poussière. Il leur faut rentrer au plus tôt ; tout à l’heure, demain au plus tard, il faudra engager la totalité du commando pour opérer la fouille d’une façon sérieuse et approfondie.
La réaction du “Pacha” le déconcerte. Elle montre à quel point personne, en haut lieu, ne l’a informé de la situation exacte :
- Le retour des hommes dans leur village est un signe encourageant, répond-il à Simon : cela prouve que les population reprennent confiance. Elles ont fui à notre arrivée, mais elles commencent à comprendre que nous ne sommes pas venus leur faire la guerre...
Simon ne réplique pas. Dans la Marine, on ne réplique pas au “Pacha”. Il n’en pense pas moins. Il s’éloigne et, bougonnant, passe sa mauvaise humeur sur les hommes de son groupe.
Sur le parvis, quelques commandos de la section de garde attendent, assis sur les marches. Installé dans un coin, le “ sourd-muet ” entouré de deux gosses, s’affaire à couper les cheveux de quelques audacieux volontaires. Le Tonkinois a ainsi réussi à se faire adopter et, en quelques jours est devenu un familier du décor.
Sa présence insistante achève de mettre Simon hors de lui :
- Ce type ne me plaît pas, dit-il. Mgr Le Huu Thu ou pas, je vais l’éjecter : il a une sale gueule d’espion.
Impavide, le “coiffeur” poursuit son office et achève de tailler une “brosse” au grand Pihan qui se laisse faire, profitant surtout du soleil qui rougit son torse nu. Arrive alors un partisan, hors d’haleine, venu s’acquitter d’une liaison auprès du commando. Au passage, Simon le hèle :
- Préviens ce faux jeton qu’il doit disparaître. Je ne veux plus le voir traîner dans nos jambes.
Le partisan traduit. Aussitôt le Tonkinois ramasse ses outils et s’en va, suivi des gosses.
Curieux, note Simon. Pour un sourd-muet, il a compris du premier coup les paroles du partisan... Pensif, il le regarde s’éloigner. Puis il fronce les sourcils : l’homme ne se dirige pas vers le poste où il était censé loger, mais vers les ruines de Ninh Binh et disparaît entre deux pagodons.
- L’essentiel, grogne le second maître Mahé qui partage la méfiance de son camarade, c’est qu’on ne le voie plus dans le coin...
Les deux officiers mariniers rentrent dans l’église. L’après-midi s’étire occupée aux travaux d’aménagement, aux corvées de cuisine, à l’entretien des armes. La routine. La soirée commence. L’ambiance est inexplicablement tendue, morose, en dépit des jeunes qui ont profité d’un riz au chocolat particulièrement raté par un cuistot de fortune pour se livrer à une gigantesque bataille de boulettes de riz en vidant les gamelles pleines de la bouillie infâme.
- Moi, a déclaré Poullelaouen, d’un ton sinistre, je me demande ce que nous ferons, si les Viêts attaquent, cette église est absolument indéfendable, avec cette unique porte minuscule.
- Parle pas de malheur, dit Henry qui est rentré dans l’après–midi d’une liaison avec Nam Dinh, et qui vient de rapporter des vivres frais.
- Je suis pourtant de l’avis de Poullelaouen. Et je considère que l’absence de certains justifie toutes les craintes.
Simon a dit sa conviction sans sourire. C’est un signe de plus. Depuis quelques mois en effet, ils ont remarqué qu’avec un flair étonnant, certains commandos s’arrangeaient pour se faire exempter des opération qui risquaient de se terminer par un coup dur.
Le quartier-maître Gilbert Charlotte est assis auprès d’eux. Il lève un bras, montrant le ciel :
- Il y a de mauvais présages, murmure-t-il ; regardez les charognards qui tournent autour du clocher de l’église...
Mahé se lève :
- Vous me flanquez le cafard, je vais prendre l’air...
Il s’éloigne, pousse une exclamation puis revient.
- J’ai vu deux types, affirme-t-il, là-bas sur le remblai de la voie ferrée. Deux gus qui se sont planqués quand ils se sont aperçus que je les avais repérés. Aucun doute, ce sont des espions, ou des guetteurs.
La nuit est maintenant complètement tombée. Un à un, les commandos rentrent dans l’église. Certains lisent à la lueur d’une bougie. D’autres parlent, à voix basse.
Simon serre la main de ses camarades Poullelaouen et Mahé :
- Moi, dit-il, je vais dormir tout habillé. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression que la nuit sera longue...
Quatre jours ont passé. Déjà c’est presque de la routine. Conformément aux ordres reçus du PC de Nam Dinh, chaque matin, à tour de rôle, les sections partent des patrouilles aux alentours, jusqu’aux villages de rizière qui enserrent la ville. Des villages du Delta, lacis de pistes serpentant au milieu des cagnas, bordés de haies vives, creusés de mares où s’ébattent les canards parmi les roseaux et les liserons aquatiques. Des villages, comme Phuc Thanh à l’est de la R.C. 1, paisibles en apparence, étonnamment peuplés de vieux, de femmes et de nhôs.
- C’est curieux, confie Marceau Simon à Poullelaouen : on dirait qu’une épidémie a décimé la population mâle. Jamais je n’ai pu rencontrer le moindre hommes adulte.
Cet état de choses ne contribue pas à dissiper le malaise qui règne au sein du commando. Sans exactement définir la raison de leur sourde angoisse, les hommes pressentent la présence d’un danger imminent. Cela tient au silence pesant qui stagne sur la rizière, comme avant un orage, à cette campagne désertée où jamais ne se profile la silhouette d’un homme ou même d’un buffle. Autour d’eux, il y a comme un grand vide. Le paysage est morne, immobile. Mort.
Pourtant, de temps à autre, de petits incidents insolites semblent être comme de brèves lueurs d’alarme. Le 28 mai, Pivin, qui, en opération fait fonction de second radio, monte la garde auprès du poste.
- Rends compte au “Pacha”, dit la voix de l’enseigne Le Gouvello : j’aperçois, à deux kilomètres, une file de nha-qués qui abandonnent leur village. Ils sont chargés de couffins et de balanciers.
Aussitôt prévenu, Labbens convoque le second maître Marceau Simon :
- Prenez votre groupe et allez voir ce qui se passe...
Marceau Simon rameute ses hommes. Ils sont dix jeunes, ardents, à l’image de leur chef. Caroff, un Breton de Roscoff, une montagne de muscles et d’os, aussi solide et efficace qu’un bulldozer dont il a l’opiniâtreté massive ; Blattman et Héritier, fonceurs et vifs comme l’aiguille ; Biette et Barloy, deux baroudeurs astucieux et énergiques ; Merle enfin le “ bleu ” du groupe “ D ” dont c’est la première grande opération.
Au moment du départ, Pivin demande à les accompagner :
- Je m’ennuie dans mon perchoir, dit-il.
Son groupe sur ses talons, Marceau Simon fonce dans la direction de l’objectif. Trois kilomètres les en séparent qu’ils franchissent presque au pas de course, coupant à travers les haies, s’égaillant dans la rizière, au plus court.
Et puis, soudain, Marceau Simon plisse les yeux, tous ses sens en alerte. Quelque chose le tracasse sans qu’il puisse exactement le préciser. Ce village lui apparaît, vide et mort, trop vide, et trop mort. Du bras, il stoppe l’élan de ses commandos :
- Distances, Bon Dieu, hurle-t-il. Et manœuvrez en souplesse ! Barloy, avec ton F.M. mets-toi en protection face à la piste. Les autres, à droite et à gauche, à vérifier les cagnas !
Biette et Merle débordent à gauche, tandis que Caroff et Blattman commencent à contrôler les paillotes, en face. Simon aperçoit la grande carcasse de son voltigeur qui se courbe en franchissant une porte, l’arme à la hanche, prêt à tout. Puis il le voit ressortir, en agitant le bras :
- Chef, chef ! Venez ! Il y a plein de types dans cette paillote-là...
Simon se précipite et, incrédule, s’aperçoit que la cagna, vide les jours précédents, recèle maintenant une dizaine d’hommes allongés sur les bat-flanc, qui le fixent sans expression.
- Ils ont invité tous les cousins, bougonne Simon.
- Regardez, dit Caroff, le troisième type a été blessé à la cuisse... Il se penche et complète :
- En plus, c’est une balle qui a fait ça. De drôles de cousins, oui !
Simon interroge le Tonkinois blessé, mais celui-ci roule des yeux affolés : il ne comprend pas les questions.
Simon souhaiterait obtenir des détails, mais les commandos l’appellent, au-dehors. Leur fouille confirme la découverte de Caroff : tous les habitants ordinaires –femmes, vieillards et enfants– sont partis. Seuls les hommes sont là, répartis par groupes de huit ou dix, tous apparemment hébétés, abrutis de fatigue et qui se bornent à opposer à toutes les questions la même réponse :
- Không biêt, không biêt ! Je ne comprends pas...
- On rentre, décide Simon, et on rend compte, nous ne faisons pas le poids s’il s’agit d’autre chose que de nha-qués, ça sent le piège à plein nez.
Le groupe va reprendre le chemin du retour. Des cris le stoppent. Biette, l’éclaireur de pointe, a poussé sa reconnaissance jusqu’au bout du village et à sa grande stupéfaction il a découvert un étrange mausolée :
- Un monument aux morts Viêt, dit-il. En bambou et en terre, avec une liste de noms, tout comme dans mon village et, tout en haut, le drapeau rouge... Il frappe la poche de son sac : j’en ai même pris une photo, avec les copains.
Pour Simon, une seule conclusion s’impose. Pour avoir eu l’audace d’édifier un tel monument dans ce village, il faut que l’ennemi s’y sente chez lui, à l’abri des incursions. Et il éprouve, pour la première fois depuis qu’il se bat en Indochine, l’impression curieuse et désagréable de s’être fourvoyé dans un pays étranger, hostile. Que faire ? Ils sont six à peine, une poussière. Il leur faut rentrer au plus tôt ; tout à l’heure, demain au plus tard, il faudra engager la totalité du commando pour opérer la fouille d’une façon sérieuse et approfondie.
La réaction du “Pacha” le déconcerte. Elle montre à quel point personne, en haut lieu, ne l’a informé de la situation exacte :
- Le retour des hommes dans leur village est un signe encourageant, répond-il à Simon : cela prouve que les population reprennent confiance. Elles ont fui à notre arrivée, mais elles commencent à comprendre que nous ne sommes pas venus leur faire la guerre...
Simon ne réplique pas. Dans la Marine, on ne réplique pas au “Pacha”. Il n’en pense pas moins. Il s’éloigne et, bougonnant, passe sa mauvaise humeur sur les hommes de son groupe.
Sur le parvis, quelques commandos de la section de garde attendent, assis sur les marches. Installé dans un coin, le “ sourd-muet ” entouré de deux gosses, s’affaire à couper les cheveux de quelques audacieux volontaires. Le Tonkinois a ainsi réussi à se faire adopter et, en quelques jours est devenu un familier du décor.
Sa présence insistante achève de mettre Simon hors de lui :
- Ce type ne me plaît pas, dit-il. Mgr Le Huu Thu ou pas, je vais l’éjecter : il a une sale gueule d’espion.
Impavide, le “coiffeur” poursuit son office et achève de tailler une “brosse” au grand Pihan qui se laisse faire, profitant surtout du soleil qui rougit son torse nu. Arrive alors un partisan, hors d’haleine, venu s’acquitter d’une liaison auprès du commando. Au passage, Simon le hèle :
- Préviens ce faux jeton qu’il doit disparaître. Je ne veux plus le voir traîner dans nos jambes.
Le partisan traduit. Aussitôt le Tonkinois ramasse ses outils et s’en va, suivi des gosses.
Curieux, note Simon. Pour un sourd-muet, il a compris du premier coup les paroles du partisan... Pensif, il le regarde s’éloigner. Puis il fronce les sourcils : l’homme ne se dirige pas vers le poste où il était censé loger, mais vers les ruines de Ninh Binh et disparaît entre deux pagodons.
- L’essentiel, grogne le second maître Mahé qui partage la méfiance de son camarade, c’est qu’on ne le voie plus dans le coin...
Les deux officiers mariniers rentrent dans l’église. L’après-midi s’étire occupée aux travaux d’aménagement, aux corvées de cuisine, à l’entretien des armes. La routine. La soirée commence. L’ambiance est inexplicablement tendue, morose, en dépit des jeunes qui ont profité d’un riz au chocolat particulièrement raté par un cuistot de fortune pour se livrer à une gigantesque bataille de boulettes de riz en vidant les gamelles pleines de la bouillie infâme.
- Moi, a déclaré Poullelaouen, d’un ton sinistre, je me demande ce que nous ferons, si les Viêts attaquent, cette église est absolument indéfendable, avec cette unique porte minuscule.
- Parle pas de malheur, dit Henry qui est rentré dans l’après–midi d’une liaison avec Nam Dinh, et qui vient de rapporter des vivres frais.
- Je suis pourtant de l’avis de Poullelaouen. Et je considère que l’absence de certains justifie toutes les craintes.
Simon a dit sa conviction sans sourire. C’est un signe de plus. Depuis quelques mois en effet, ils ont remarqué qu’avec un flair étonnant, certains commandos s’arrangeaient pour se faire exempter des opération qui risquaient de se terminer par un coup dur.
Le quartier-maître Gilbert Charlotte est assis auprès d’eux. Il lève un bras, montrant le ciel :
- Il y a de mauvais présages, murmure-t-il ; regardez les charognards qui tournent autour du clocher de l’église...
Mahé se lève :
- Vous me flanquez le cafard, je vais prendre l’air...
Il s’éloigne, pousse une exclamation puis revient.
- J’ai vu deux types, affirme-t-il, là-bas sur le remblai de la voie ferrée. Deux gus qui se sont planqués quand ils se sont aperçus que je les avais repérés. Aucun doute, ce sont des espions, ou des guetteurs.
La nuit est maintenant complètement tombée. Un à un, les commandos rentrent dans l’église. Certains lisent à la lueur d’une bougie. D’autres parlent, à voix basse.
Simon serre la main de ses camarades Poullelaouen et Mahé :
- Moi, dit-il, je vais dormir tout habillé. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression que la nuit sera longue...