Regards sur Mangareva
Arrivée de la mission catholique à Mangareva
Quand on parle des îles Gambier et de Mangareva, on invoque toujours le nom du père Laval et de l’œuvre qu’il a réalisée là-bas.
En fait le père Laval fut l’un des membres de la mission et il en est devenu le chef au bout de dix ans de présence en Océanie et pas seulement à Mangareva.
Puisqu’en 1836 il fut désigné pour aller fonder une autre mission à Tahiti, afin de faire pendant au protestantisme et puis, un peu plus tard sur les atolls de Faaite et Anaa.
De plus, il s’est trouvé là, membre de cette entreprise, par hasard car lors de la désignation des missionnaires, en France, il n’était pas sur la liste des partants ; il a été rajouté après le retrait de l’un des membres prévus et désignés.
Ces missionnaires étaient faisaient tous partie de le Congrégation des Pères des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, dite de Picpus. Ce nom prête à rire et personnellement je n’ai rien trouvé qui put m’expliquer d’où il venait. Cette congrégation, de date relativement récente, avait été fondée par le père Coudrin, né en 1868 et ordonné prêtre en cachette des révolutionnaires en 1792, Alors que l’Assemblée Nationale constituante avait décrété que les biens de l’église seraient vendus au plus offrant comme bien national.
Alors, l’église de France ne possède plus rien et les Picpuciens ont fait vœu de pauvreté, si bien que, à l’heure du départ de la mission pour l’Océanie, le père Coudrin a gratté les fonds de tiroirs et n’a récupéré que quelques sous. Il leur dit alors : « allez mes enfants » - les larmes aux yeux - « la Providence prendra soin de vous. De mon point de vue, c’est Picpus qui devient pique assiette.
La mission qui compte cinq personnes se compose de :
1 – Le Révérend Père Jérôme Etienne Rouchouze ; il vient d’être nommé évêque de Nilopolis et vicaire de l’Océanie Orientale, le 14 juillet 1833 ; il sera évêque des Gambier. Nilopolis est un évêché du Proche Orient qui est disparu lors de l’expansion musulmane. Comme il est sur le point de se faire sacrer à Rome, il demande à ses collaborateurs de prendre les devants. Il reste le chef de la mission mais ne part pas de suite.
2– Charles Auguste Liausu, en religion le Père Chrysostome. Il est le préfet apostolique
3 – Le Père François Toussaint Caret.
4 – Le Père Julien Olivet.
5 – Le frère Colomban Murphy, un Irlandais ; sa spécialité étant la maçonnerie. Il part au titre de catéchiste et deviendra prêtre en 1840.
C’est alors que le Père Olivet ne veut plus partir, il demande à rester en France et le Père Laval le remplaça. Voilà donc comment il fit partie de cette mission ;
Les quatre missionnaires quittèrent Paris le 22 novembre 1833 et, embarquèrent à Pauillac sur le « Sylphide » qui attendit assez longtemps que les vents soient favorables pour sortir de l’estuaire de la Gironde. Ce navire se rendait à Valparaiso où une mission existe.
A Valparaiso, deux mois durant, il leur fallut attendre un bâtiment en partance pour Tahiti, et cela n’était pas courant à cette époque.
Il semble que jusque-là, nos missionnaires ne savent pas très bien où ils se rendent, en Océanie. Ils rencontrent ici, à Valparaiso, le capitaine Mauruc qui a déjà fait la pêche à la nacre dans l’est de la Polynésie, « c’est lui », dit le Père Laval, « qui nous donna l’idée de venir aux Gambier ». Le capitaine leur décrit ce groupe d’îles : « cinq îles, huit cents ou mille habitants, doux et pourtant encore anthropophages et voleurs à l’excès ».
Et le 16 juillet au soir, ils embarquent pour les Gambier, sur la Péruviana, capitaine Swetlin. Il est bon de noter qu’ils ne sont plus que trois : les Pères Caret et Laval et le frère Murphy. En effet le père Liausu reste à Valparaiso pour s’occuper d’une procure, il y mourra en 1839 sans connaître les îles Gambier pour lesquelles il était le préfet apostolique.
Probablement en sa qualité de plus ancien dans le grade, comme on dit dans la marine (il est né en 1898), François d’Assise Caret devient le chef de la mission, Honoré Laval n’a vu le jour qu’en 1808.
Le 7 août 1834, 20 jours après avoir quitté les côtes Chiliennes, dans la matinée, ils virent sortir de l’océan les deux plus hauts sommets de l’île principale, Mangareva, et qui sont le mont Duff et le mont Mokoto. En attendant le moment de mouiller, ils passent leur temps en prières en bénédictions et en cantiques et, à cinq heures du soir, le navire mouille à Tokani, une anse de l’île d’Akamaru.
Voilà donc la mission arrivée dans un pays où ils ne connaissent rien, si ce n’est les dires de certains, dont Mauruc qui, lui, y est venu.
A cette époque, aucune puissance n’a encore colonisé les Gambier. L’île est divisée en deux confédérations comme dans le passé, celles de Rikitea et de Taku, qui se sont pas mal fait la guerre jadis, et le « Roi » est : Maputeoa, descendant en droite lignes des arikis du passé.
Il y a sur cette île déjà des Européens, dont un missionnaires protestant et un Français, ex charpentier de marine ; des bateaux passent parfois, principalement des trafiquants, récoltant les nacres et les perles. On verra de plus en plus de navires, et les capitaines et leurs équipages créeront beaucoup de soucis à la mission qui va s’installer maintenant.
André Pilon
Sources : Mémoires pour servir à l'histoire de Mangareva : de Honoré Laval
: Tahitiens : de Patrick O'Reilly