L'armement aussi pléthorique qu'hétéroclite, est aussi bien japonais (canon double de 25 m/m) que français, anglais ou américain, voire allemand.
Enfin le moteur, monocylindre d'origine, le Bolinder est suédois.
C'est un énorme cylindre qui doit bien approcher les quatre-vingts centimètres de diamètre.
Semi-diesel, il faut réchauffer à la lampe à souder une grosse boule de fer en tête du piston, pour favoriser le lancement.
Ensuite il faut, à l'aide d'un levier, faire tourner le gros volant d'inertie de façon à placer le piston au point mort haut, position favorable avant d'envoyer la charge d'air comprimé destinée à lancer le moteur.
Un bon mécanicien réussit le lancer en un ou deux essais.
Pour la marche arrière, il faut arrêter le moteur, placer le piston dans la position adéquate (un peu avant le point mort haut) et envoyer l'air comprimé.
En général, le passage de la marche avant à la marche arrière demande plusieurs tentatives et beaucoup de temps.
L'énorme piston ainsi que l'amplitude de ses mouvements de va-et-vient communiquent à tout le bateau une vibration continuelle au tempo de sa course.
Vibration qui agite les membres de l'équipage en une sorte de danse de Saint-Guy collective.
En revanche, lorsque le moteur est lancé, il peu tourner des mois d'affilée.
Cette sorte de machine, on ne peut plus rustique, était très employée aux colonies y compris pour la rotation d'alternateurs dans les centrales électrique, dans les scieries, etc...
Sa rusticité en faisait un engin idéal.
Avant d'être cédés à la marine, ces chalands étaient capables de tirer contre des courants formidables des trains de sept à huit jonques chargées à ras-bord.
D'une manière générale, le matériel à notre disposition reflète la grande misère de la France d'après guerre.
Le matériel américain est plus ou moins déclassé, à bout de souffle, les bateaux fatigués ont tous été utilisés pour les opérations du Pacifique et même en Europe, comme je l'apprendrai plus tard.
L'armement est tout aussi douteux, certaines munitions fabriquées en Europe occupée pour le compte des Allemands ayant été sabotées par les résistants de tous les pays.
Les munitions fabriquées en France après la guerre ne sont pas plus sûres car sabotées par les communistes qui n'hésitent pas à faire tuer leurs concitoyens par solidarité avec leurs frères en idéologie.
Me voici donc radio de la "Lave", serveur d'une mitrailleuse de 7,7 m/m au poste de combat.
Avec la "Lave", nous allons sillonner une quantité d'arroyos dans toutes les directions, de la pointer de Camau au sud, à Rach Gia, port sur le golfe du Siam avec, de façon répétitive, un stationnement d'une semaine au croisement stratégique du canal Xa No non loin de Cantho, en appui d'un poste de la coloniale.
Point de confort à bord.
A part une réserve d'eau de boisson, il faut faire sa toilette dans l'eau boueuse des rachs, infestée de bactéries et microbes en tout genres, en plus des cadavres qui défilent lentement au rythme des marées.
Pas d'électricité non plus.
La nuit, l'écrasante chaleur nous interdit de dormir à l'intérieur et les moustiques nous dévorent littéralement.
Encore deux photos, l'une vers le 25 japonais, l'autre à l'avant vers les deux 13,2 m/m.
A la prochaine, les gars.