Pour ceux que le passé intéresse.
Début juin 1954, notre LSIL 9029 quittait la zone des calcaires du Song Da Bach situé au nord de Haîphong pour rallier Hanoï, loin dans les terres, pour remplacer le LCI 9047 (ex N° US NAVY 251, les anciens y tiennent).
Paul CAMASSES, Chef mécanicien venait de le quitter, rapatrié, après de longues et glorieuses campagnes.
Il avait dès 1947, participé à l'opération LEA sur la Rivière Claire et ses affluents en Haute Région Tonkinoise à la limite de navigabilité des engins.
C'est au cours de cette opération que Ho Chi Minh et Giap faillirent être capturés de l'aveu même de ce dernier dans ses mémoires.
Depuis le 2 juin, des unités Viet Minh grenouillaient dans le secteur de Hung Yen, à 100 km au sud de Hanoï, sur le Fleuve Rouge.
Des opérations avaient été lancées pour aérer les postes.
Le 7 juin un regroupement d'élément des Dinassauts 3, 4 et 12 s'effectua à Hung Yen en fin de matinée, chacun d'eux devant rejoindre leurs bases respectives dans la soirée...
A 15h 00 le Colonel, commandant le secteur demandait la participation de la Marine à une opération qu'il désirait lancer le lendemain 8 juin afin d'aérer le poste de Haï Yen soumis à la pression de l'ennemi et d'en assurer la relève. Notre Pacha fait part de son accord.
Donc, le 8 juin après avoir beaché de concert avec le LCT 9069, nous débarquons deux bataillons commandos vietnamiens, les TDKQ 704 ET 708 ainsi que le commando 61 d'Hanoï.
Ceux ci progressent sous notre couverture de feu de 6 h 50 à 17 h 00.
Ils son accrochés très durement et disloqués par une attaque structurée et puissante du Viet Minh.
Une partie se réfugie dans le poste de Haï Yen, l'autre reflue vers le beaching.
Le commando 61 qui couvre leur retraite a des morts et des blessés.
Dans la soirée du 8, le Colonel est inquiet et souhaite récupérer la partie du bataillon réfugié dans le poste, ne disposant ni de vivres ni de munitions et enfermée à plus de 400 dans un poste conçu pour 50.
Il est donc décidé, d'un commun accord, pour le lendemain, d'effectuer un raid vers le poste afin d'évacuer les hommes en surnombre.
Pour ce faire, il fallait emprunter le Canal des Bambous tenu par l'ennemi.
Le groupe d'assaut est constitué de notre LSIL, du LCT 9069, de 4 Monitors et 3 LCM de charge.
Le 9 au matin dès 6h 15, nous nous regroupons devant le poste de VU DIEM situé sur le Fleuve Rouge.
A 8h 50, la patrouille de Chasse composée de 8 Corsairs de la 14 F, 4 Hellcats de la 11 F, 2 Bearcat du Groupe 2/2 décolle afin d'être prête à intervenir.
Depuis NAM DINH, le LCI 9047, le LSIL HQ 31 et le LSSL "Hallebarde" du L.V Langlet rallient et mouillent au milieu de fleuve.
A 9h 00, les 4 Monitors, les 3 LCM, le LCT 9069 et notre LSIL 9029 appareillent.
J'ai pris alors mon poste de combat habituel qui se situait au canon de 40 placé à l'extrémité avant du LSIL.
Les Monitors, LCM et le 9069 entrent dans le canal.
Notre LSIL beache à l'entrée, le 9069 un peu plus avant dans le canal.
Nous ouvrons le feu sur des emplacements de mortiers signalés par le Morane.
Les Monitors et les LCM foncent vers l'objectif en déclenchant de violents tirs à priori.
Ils sont conduits par le LCM 10.001 sur lequel est le C.C. Pichot de Champfleury (CODI 4) survivant miraculeux du LSIL 9030, coulé par mine.
A 10h 10, ils sont devant le poste, l'E.V.I Coffinières débarque et va prendre contact.
Il constate l'état lamentable du poste et ses abords jonchés de cadavres.
Survient alors l'inattendu, la relève du poste désignée la veille (une compagnie du bataillon réfugié) refuse de rester dans le poste.
Le Commandant du Secteur réitère l'ordre à la relève de rester.
l'E.V.1 Coffinières fait savoir qu'il sera impossible de faire respecter cet ordre autrement que par la force.
Des groupes de viet minh s'approchent du beaching, CODI 4 demande l'appui de la Chasse à sa verticale.
COFLU HANOÏ , indique au Commandant du Secteur que s'il n'a pas une réponse claire dans les cinq minutes, il donnera l'ordre d'appareillage général.
A 11h 01, le Commandant du Secteur décide l'évacuation complète y compris les supplétifs et leurs familles.
A l'appareillage, le LCM 10.001, reçoit un coup de 57, voie d'eau importante, le SM Manoeuvrier STEPHAN et le QM Timonier AVENOL se relaient pour aveugler la brèche avec... leurs pieds en attendant mieux.
A 11h 20, dans la dernière courbe du canal, un déluge de feu s'abat sur eux. Ils sont tous atteints par bazooka, 57 sans recul, mortiers, mitrailleuses lourdes.
Sur le LCM 10.001, le QM radio Robert GARAND, transformé en fusilier tire sur les emplacements de tirs viets que lui désigne Coffinières.
Ce dernier est brusquement atteint par un éclat d'obus de mortier et meurt presque aussitôt. l'E.V 1 REMAUD est déchiqueté par un obus de mortier sur son Monitor.
Le LSM 9188 est en flammes, le QM Canonnier BARBIERI et Matelot Gabier BAN sont tués.
Le LCM 9176 est bazooké, tout son équipage est mis hors de de combat, il part à la dérive, le LCM 9164 lui porte secours.
Les Marins sous la mitraille crachent le feu sans discontinuer.
Ils rendent coup pour coup.
Les antennes radio déchiquetées empêchent les liaisons, notre LSIL devient inaudible. Par ailleurs une volée d'obus de mortier impacte notre plan d'eau.
Le LCT 9069 est son tour attaqué, il ne peut debeacher, son cable d'ancre arrière est pris dans un safran.
Le QM Mécanicien Georges LE BERRE reçoit l'ordre de couper le câble au marteau et au burin.
Feu maximum sur les deux rives à l'apparition des Monitors et LCM, entourés de gerbes de balles et de mortiers.
La chasse mitraille et napalme, le 9069 fait donner ses deux 40, ses deux 75, fusants débouchés à zéro, ses deux mortiers de 120 et 60, canons de 20, mitrailleuses, lance patates.
Il prend au passage à couple un LCM en difficultés.
Il reçoit l'ordre de retourner pour porter secours. Il lâche le LCM, vire et fonce.
Il croise alors le Monitor 9202 de l'EV 1 Baillif qui lui crie être le dernier et avoir récupéré les rescapés du LCM 9188.
Il le fit en beachant délibérément, face à l'ennemi, qu'il écartera à la mitrailleuse.
Il sera décoré de la Légion d'Honneur à 23 ans.
Au plus fort du combat, notre LSIL qui pilonne aus 40, 76, mortier de 120, s'apprête à aller plus avant dans le canal pour porter secours.
Le treuil arrière tombe en panne. Notre Pacha indique par radio à la "HALLEBARDE" : Treuil en avarie, vas y à ma place".
Message perçu à NAM DINH par le QM Radio François BUTEAU, survivant du LCI 9049, coulé par mine.
L'ordre tombe de l'E.M. HAÏPHONG : " Interdiction formelle aux gros engins d'entrer dans le canal, trop risqué".
Je ne décrirai pas le spectacle des engins qui vinrent se mettre à couple pour débarquer ses morts et ses blessés.
Côté ennemi, l'observation aérienne des FTNV dénombrera environ cinq cent tués.
Les engins dans le canal auront tiré 1000 obus de mortier, 800 coups de 40, et environ 30.000 coups de 20 et 12,7.
Notre Pacha ordonnera la destruction par la Chasse du LCM 9188.
Nous aurons une dernière pensée pour les QM BARBIERI et Matelot BAN dont les corps n'avaient pu être récupérés. Ils rejoindront la longue cohorte des serviteurs de la France morts au combat.
Dans son rapport N° 14S du 14.06.1954, le C.C. PICHOT de Champfleury ecrira, en conclusion : " La conduite du personnel a été splendide.
Malgré les pertes douloureuses subies, l'évacuation a été réussie et notre mission remplie.
Je regrette simplement mon stationnement trop long devant le poste de HAÏ YEN qui a fait courir des risques supplémentaires à la formation".
Après cela, nous rejoignîmes HANOÏ de concert avec le LCT 9069 et reviendrons le lendemain avec des renforts et des munitions à Hung Yen.
G. DEMICHELIS. PARIS le 1er Septembre 2007
Dernière édition par le Sam 1 Sep 2007 - 22:47, édité 2 fois