Bien que portant un uniforme de marin, je suis un terrien et je n’ai jamais mis les pieds sur un bateau !
C’est la première fois que je fais un tel voyage, je suis impressionné ! Toute la troupe des non gradés est logée dans la cale avant, il y règne une odeur fétide insupportable se mêlant à des relents de mazout et de peinture surchauffée. J’occupe une couchette au dernier étage d’une pile de quatre où je réussis à caser mon sac et mes maigres bagages
Dans la nuit qui suit notre départ une violente tempête se lève au passage du détroit de Messine, tangage et roulis nous secouent terriblement, il faut se tenir à tout ce que l’on peut accrocher pour ne pas être renversé. Par haut-parleurs on nous annonce qu’il est interdit de monter sur le pont ! Aux moments les plus violents l’Al Sudan est soulevé au sommet de vagues géantes, les hélices sortent de l’eau, les moteurs s’emballent et le navire tout entier se met à vibrer. Quand il retombe on a l’impression d’être en apesanteur et à la vague suivante, quand il est soulevé à nouveau, on se sent littéralement écrasé. Dans la cale presque tout le monde est malade et vomit partout, ce qui ajoute à l’odeur viciée de la cale. J’attrape un seau qui traînait par là et je me cale dans ma couchette en me cramponnant à ses barreaux de fer. Je reste là toute la nuit et une partie du lendemain, le seau près de moi, pour vomir douloureusement à m’en arracher l’estomac, je suis malade à en crever ! Très peu sont insensibles à la tempête, quelques uns essaient d’aider leurs camarades, l’un d’eux m’apporte de l’eau ce qui m’aide à vomir moins douloureusement. Je n’aurai jamais cru que les tempêtes puissent être aussi violentes en Méditerranée.
Le 30 janvier, nous touchons Port Saïd que je ne peux contempler qu’à partir du pont de l’Al Sudan, nous n’avons pas le droit d’aller à terre en raison des tensions entre arabes et israéliens qui règnent dans cette région . Certains achètent quelques bricoles à des colporteurs montés sur des barques qui viennent le long du navire. Un panier fixé à une corde lancée sur le pont sert à faire la navette entre l’acheteur et le vendeur, marchandise et argent font le va et vient.
La traversée du canal de Suez a lieu en convoi de plusieurs navires.
La passage en Mer Rouge se fait sans encombres, le tangage engendré par une houle longue ne me gêne pas trop. Quand je contemple la mer je pense aux côtes d’Arabie et d’Afrique décrites par Henri de Monfreid dans ses livres qui m’ont fait rêver.
Avec un ou deux collègues de la royale nous avons fait connaissance avec les marins civils du bord avec qui nous sympathisons, et en raison de l’aide que nous sommes censés leur apporter dans leurs travaux nous déjeunons avec eux sur la plage arrière ce qui est nettement plus appétissant et confortable que notre cale avant. Tous les midis le cambusier nous offre l’apéritif dans sa cale et là il trinque son verre contre le cercueil d’un mort, ressortissant malgache, qui regagne son pays pour y être enseveli. Le maître d’équipage est un égyptien qui parle l’anglais et pas le français mais ayant été prisonnier des allemands pendant la guerre il en connaît quelques mots, mes maigres souvenirs scolaires dans cette langue me permettent d’avoir quelques échanges avec cet égyptien très sympathique.
Le 4 février nous touchons Djibouti et nous pouvons aller à terre. Cette escale est très courte, j’ai juste le temps de prendre quelques photos et d’aller boire un coup au « palmier en zinc » qui à une certaine époque, nous dit t’on, fut le premier et seul arbre de la vile. J’y côtoie des légionnaires qui boivent leur pastis sans eau car cette dernière étant trop chère ils préfèrent garder leur argent pour le pastis ! Du pont des navires qui sont là des gens jettent des pièces de monnaie à l’eau et des gamins agiles plongent pour aller les récupérer et remontent leurs prises avec des sourires éclatants.
Sur le port il y a beaucoup de petites embarcations de pêcheurs ou boutres de transport qui sur leur avant ou sur l’arrière ont une sorte de planche, au dessus de l’eau à laquelle est attachée avec un bout une petite moque, sur laquelle les occupants viennent sans aucune pudeur s’accroupir pour y faire leurs besoins et procéder aux ablutions qui s’ensuivent.
La traversée de l’océan indien se fait dans le calme, seule une petite houle nous berce après le passage au large du cap Gardafui à la corne de l’Afrique. Nous naviguons plusieurs jours sur une mer de vagues bleues aux reflets d’acier et aux crêtes frangées d’écume. Fête traditionnelle à bord au passage de la Ligne , les néophytes dont je suis doivent satisfaire aux demandes du dieu Neptune, je dois ainsi chanter une chanson et j’ai la chance de ne pas être précipité dans la cuve aux canards où l’on précipite les néophytes qui ont déplu à Neptune. !
Enfin le 10 février Madagascar est en vue. Du haut de la plage avant je contemple la grande île qui grossit à ma vue au fur et à mesure que nous approchons, je suis émerveillé par la baie de Diégo Suarez que l’on dit être une des plus belles du monde.
Sur le quai une foule nombreuse attend, l’arrivée d’un navire venant de France est un événement. Dès la mise à terre Narcisse Janvier et moi sommes happés par des gens du camp Caméléon, la BAN, où nous sommes conduits par les anciens qui vont nous conter des d’histoires aussi farfelues les unes que les autres, pour, c’est la tradition, abuser de la crédulité de ces bleusailles qui viennent de débarquer !
La BAN, c’est un bien grand mot pour désigner le camp Caméléon, cet ensemble de baraquements qui pendant la guerre, en 1942, fut construit par les troupes anglaises. Une partie est occupée par la station radio émission de la Marine Nationale dont la baraque est amarrée au sol par des câbles passant par-dessus le toit afin de résister aux cyclones.
L’autre partie éloignée de la précédente est le domaine des « pingouins » , c’est ainsi que l’on désigne les gens de l’Aéronavale. Nous sommes une douzaine d’européens, officiers mariniers, et quartiers maîtres. Nous avons également une vingtaine de matelots malgaches effectuant leur service militaire dont la plupart viennent des îles Comores. J’y ai des copains, Totou Séraphin,Fandroïz, tous deux des îles Comores et Bemassou de l’île Sainte Marie.
C’est l’Unité Marine de Diego Suarez qui nous gère sur le plan administratif.
Au moment où j’arrive une relève est entrain de s’effectuer, le lieutenant de vaisseau Leclerc dit Aubreton, qui commande la BAN sera remplacé par le lieutenant de vaisseau Michel Langlois. Pilote et radio vont être remplacés par le maître pilote Michel Guégen et le second maître radio Roland Duché. En ce qui me concerne je remplace le QM Richetin.
Naturellement comme je viens de la 31S à Orly où je travaillais déjà sur ce type d’avion je suis affecté à la maintenance des deux Ju52 : les forces aéronavales de l’Océan indien !
Le 1012 est un ex hydravion retransformé en terrestre et le 218 est un AAC1 Toucan version française du Ju52 fabriqué aux Ateliers Aéronautiques de Colombes. Ils sont stationnés sur l’aérodrome militaire d’Andrakaka puis sur le terrain civil d’Arrachard, plus facile d’accès et plus pratique pour l’amiral, où nous aurons la chance de disposer d’un hangar.
J’y travaillerai aussi avec Narcisse JANVIER et le QM électricien LESNIEWSKA de la Cote d’Or, dit « houa houa !», qui loge dans la même chambre que moi. J’aurai comme patron le maître mécanicien volant Emile Issler.
L’aéronavale contribue aux servitudes de la Marine Nationale sous les ordres de l’amiral Philippe Auboyneau également commandant interarmes des forces françaises de l’Océan Indien.
Je participe à tous les déplacements de l’amiral en avion. Très souvent je fais fonction de mécanicien volant. Ils n’avaient pas peur de confier leur sécurité à un jeune quartier maître de vingt ans tout juste et sans grande expérience !
Avant chaque départ je dois m’assurer des pleins d’essence, vérifier le fonctionnement de tous les appareils, faire le plein d’air comprimé pour les freins, embarquer une seconde bouteille d’air comprimé pour des recharges éventuelles aux escales et effectuer le point fixe des moteurs : mise en route, les faire chauffer et monter à différents régimes, sélectionner les magnétos, vérifier pression et température d’huile, et d’autres tâches plus prosaïques telles que le nettoyage de l’intérieur et de la tinette.
En vol, je suis assis entre les deux pilotes et je surveille la température d’huile des moteurs. Au décollage et à l’atterrissage, sur ordre, je manœuvre, les volets d’intrados, je coupe le moteur central quand on est posé et que le zing roule sur la piste. Aux escales j’assure les réparations s’il y a lieu, je veille aux pleins d’essence, je refais le plein d’air comprimé et des réservoirs d’essence, j’assure la propreté du poste de pilotage et des vitres avant qui sont continuellement salies par la graisse provenant des chapeaux de culbuteurs du moteur central, etc.…
Quand nous sommes à Tananarive et que j’ai besoin d’aide ou de conseils pour certains travaux qui me dépassent parfois je m’en vais voir le chef mécanicien d’Air France, un monsieur d’une quarantaine d’années, dont l’expérience m’a été très profitable. J’en avais besoin !
Il est arrivé qu’en vol, le LV LANGLOIS, seul pilote ce jour là, me confie le manche pour le maintien de la stabilité latérale et longitudinale, la route étant confiée au pilote automatique directionnel, le seul sur JU52. Il revenait de temps à autre pour effectuer une correction de dérive et retournait parler à l’amiral : vous avez vu mon mécanicien ! J’étais fier comme Artaban ; seul le radio Roland Duché maugréait : Il nous fera casser la gueule ce c… là !
Ce poste privilégié me vaut de parcourir toute l’île et d’en découvrir bien des aspects : Tananarive, Tamatave, Ambilobe, Majunga, Nosy Be, Fort Dauphin, Tuléar, Ampanihi…
Le 1er juillet 1950 je suis promu au grade de quartier maître de 1ère classe (crabe chouf en argot mataf !)
Le 20 juillet, mon engagement tirant à sa fin je rentre en France à bord du s/s Eridan, paquebot mixte avec des cheminées carrées. Voyage sans histoire, j’ai du acquérir un peu le pied marin car malgré une mer assez grosse au large de Gardafui je résiste au mal de mer. Escales à Mombassa et à Djibouti où nous récupérons des marins de retour d’Indochine, leur rafiot étant en panne.
… j’espère ne pas vous ennuyer avec mes souvenirs « d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître »
Je vais essayer de vous joindre quelques images si le truc de Fanch56 veut bien !
Campagne à Madagascar .BAN Diego Suarez.
Après quelques jours passés dépôt du Faro à Marseille j’embarque sur le navire s/s Al Sudan qui appareille le 25 janvier 1949 et me voila parti pour 25 jours de mer. C’est un cargo mixte, genre « liberty-ship » sous pavillon égyptien, affrété par les Messageries Maritimes. A bord nous sommes une dizaine de la Royale dont Narcisse JANVIER, mécanicien avion qui est affecté aussi à la BAN Diego Suarez, 300 militaires des troupes coloniales avec quelques officiers et une cinquantaine de passagers civils, pour la plupart des fonctionnaires, qui rejoignent leur affectation. En sortant du port nous longeons le Pasteur que beaucoup d’anciens de l’Indo ont bien connu.
Bien que portant un uniforme de marin, je suis un terrien et je n’ai jamais mis les pieds sur un bateau !
C’est la première fois que je fais un tel voyage, je suis impressionné ! Toute la troupe des non gradés est logée dans la cale avant, il y règne une odeur fétide insupportable se mêlant à des relents de mazout et de peinture surchauffée. J’occupe une couchette au dernier étage d’une pile de quatre où je réussis à caser mon sac et mes maigres bagages
Dans la nuit qui suit notre départ une violente tempête se lève au passage du détroit de Messine, tangage et roulis nous secouent terriblement, il faut se tenir à tout ce que l’on peut accrocher pour ne pas être renversé. Par haut-parleurs on nous annonce qu’il est interdit de monter sur le pont ! Aux moments les plus violents l’Al Sudan est soulevé au sommet de vagues géantes, les hélices sortent de l’eau, les moteurs s’emballent et le navire tout entier se met à vibrer. Quand il retombe on a l’impression d’être en apesanteur et à la vague suivante, quand il est soulevé à nouveau, on se sent littéralement écrasé. Dans la cale presque tout le monde est malade et vomit partout, ce qui ajoute à l’odeur viciée de la cale. J’attrape un seau qui traînait par là et je me cale dans ma couchette en me cramponnant à ses barreaux de fer. Je reste là toute la nuit et une partie du lendemain, le seau près de moi, pour vomir douloureusement à m’en arracher l’estomac, je suis malade à en crever ! Très peu sont insensibles à la tempête, quelques uns essaient d’aider leurs camarades, l’un d’eux m’apporte de l’eau ce qui m’aide à vomir moins douloureusement. Je n’aurai jamais cru que les tempêtes puissent être aussi violentes en Méditerranée.
Le 30 janvier, nous touchons Port Saïd que je ne peux contempler qu’à partir du pont de l’Al Sudan, nous n’avons pas le droit d’aller à terre en raison des tensions entre arabes et israéliens qui règnent dans cette région . Certains achètent quelques bricoles à des colporteurs montés sur des barques qui viennent le long du navire. Un panier fixé à une corde lancée sur le pont sert à faire la navette entre l’acheteur et le vendeur, marchandise et argent font le va et vient.
La traversée du canal de Suez a lieu en convoi de plusieurs navires.
La passage en Mer Rouge se fait sans encombres, le tangage engendré par une houle longue ne me gêne pas trop. Quand je contemple la mer je pense aux côtes d’Arabie et d’Afrique décrites par Henri de Monfreid dans ses livres qui m’ont fait rêver.
Avec un ou deux collègues de la royale nous avons fait connaissance avec les marins civils du bord avec qui nous sympathisons, et en raison de l’aide que nous sommes censés leur apporter dans leurs travaux nous déjeunons avec eux sur la plage arrière ce qui est nettement plus appétissant et confortable que notre cale avant. Tous les midis le cambusier nous offre l’apéritif dans sa cale et là il trinque son verre contre le cercueil d’un mort, ressortissant malgache, qui regagne son pays pour y être enseveli. Le maître d’équipage est un égyptien qui parle l’anglais et pas le français mais ayant été prisonnier des allemands pendant la guerre il en connaît quelques mots, mes maigres souvenirs scolaires dans cette langue me permettent d’avoir quelques échanges avec cet égyptien très sympathique.
Le 4 février nous touchons Djibouti et nous pouvons aller à terre. Cette escale est très courte, j’ai juste le temps de prendre quelques photos et d’aller boire un coup au « palmier en zinc » qui à une certaine époque, nous dit t’on, fut le premier et seul arbre de la vile. J’y côtoie des légionnaires qui boivent leur pastis sans eau car cette dernière étant trop chère ils préfèrent garder leur argent pour le pastis ! Du pont des navires qui sont là des gens jettent des pièces de monnaie à l’eau et des gamins agiles plongent pour aller les récupérer et remontent leurs prises avec des sourires éclatants.
Sur le port il y a beaucoup de petites embarcations de pêcheurs ou boutres de transport qui sur leur avant ou sur l’arrière ont une sorte de planche, au dessus de l’eau à laquelle est attachée avec un bout une petite moque, sur laquelle les occupants viennent sans aucune pudeur s’accroupir pour y faire leurs besoins et procéder aux ablutions qui s’ensuivent.
La traversée de l’océan indien se fait dans le calme, seule une petite houle nous berce après le passage au large du cap Gardafui à la corne de l’Afrique. Nous naviguons plusieurs jours sur une mer de vagues bleues aux reflets d’acier et aux crêtes frangées d’écume. Fête traditionnelle à bord au passage de la Ligne , les néophytes dont je suis doivent satisfaire aux demandes du dieu Neptune, je dois ainsi chanter une chanson et j’ai la chance de ne pas être précipité dans la cuve aux canards où l’on précipite les néophytes qui ont déplu à Neptune. !
Enfin le 10 février Madagascar est en vue. Du haut de la plage avant je contemple la grande île qui grossit à ma vue au fur et à mesure que nous approchons, je suis émerveillé par la baie de Diégo Suarez que l’on dit être une des plus belles du monde.
Sur le quai une foule nombreuse attend, l’arrivée d’un navire venant de France est un événement. Dès la mise à terre Narcisse Janvier et moi sommes happés par des gens du camp Caméléon, la BAN, où nous sommes conduits par les anciens qui vont nous conter des d’histoires aussi farfelues les unes que les autres, pour, c’est la tradition, abuser de la crédulité de ces bleusailles qui viennent de débarquer !
La BAN, c’est un bien grand mot pour désigner le camp Caméléon, cet ensemble de baraquements qui pendant la guerre, en 1942, fut construit par les troupes anglaises. Une partie est occupée par la station radio émission de la Marine Nationale dont la baraque est amarrée au sol par des câbles passant par-dessus le toit afin de résister aux cyclones.
L’autre partie éloignée de la précédente est le domaine des « pingouins » , c’est ainsi que l’on désigne les gens de l’Aéronavale. Nous sommes une douzaine d’européens, officiers mariniers, et quartiers maîtres. Nous avons également une vingtaine de matelots malgaches effectuant leur service militaire dont la plupart viennent des îles Comores. J’y ai des copains, Totou Séraphin,Fandroïz, tous deux des îles Comores et Bemassou de l’île Sainte Marie.
C’est l’Unité Marine de Diego Suarez qui nous gère sur le plan administratif.
Au moment où j’arrive une relève est entrain de s’effectuer, le lieutenant de vaisseau Leclerc dit Aubreton, qui commande la BAN sera remplacé par le lieutenant de vaisseau Michel Langlois. Pilote et radio vont être remplacés par le maître pilote Michel Guégen et le second maître radio Roland Duché. En ce qui me concerne je remplace le QM Richetin.
Naturellement comme je viens de la 31S à Orly où je travaillais déjà sur ce type d’avion je suis affecté à la maintenance des deux Ju52 : les forces aéronavales de l’Océan indien !
Le 218 est un ex hydravion retransformé en terrestre et le 1012 est un AAC1 Toucan version française du Ju52 fabriqué aux Ateliers Aéronautiques de Colombes. Ils sont stationnés sur l’aérodrome militaire d’Andrakaka puis sur le terrain civil d’Arrachard, plus facile d’accès et plus pratique pour l’amiral, où nous aurons la chance de disposer d’un hangar.
J’y travaillerai aussi avec Narcisse JANVIER et le QM électricien LESNIEWSKA de la Cote d’Or, dit « houa houa !», qui loge dans la même chambre que moi. J’aurai comme patron le maître mécanicien volant Emile Issler.
L’aéronavale contribue aux servitudes de la Marine Nationale sous les ordres de l’amiral Philippe Auboyneau également commandant interarmes des forces françaises de l’Océan Indien.
Je participe à tous les déplacements de l’amiral en avion. Très souvent je fais fonction de mécanicien volant. Ils n’avaient pas peur de confier leur sécurité à un jeune quartier maître de vingt ans tout juste et sans grande expérience !
Avant chaque départ je dois m’assurer des pleins d’essence, vérifier le fonctionnement de tous les appareils, faire le plein d’air comprimé pour les freins, embarquer une seconde bouteille d’air comprimé pour des recharges éventuelles aux escales et effectuer le point fixe des moteurs : mise en route, les faire chauffer et monter à différents régimes, sélectionner les magnétos, vérifier pression et température d’huile, et d’autres tâches plus prosaïques telles que le nettoyage de l’intérieur et de la tinette.
En vol, je suis assis entre les deux pilotes et je surveille la température d’huile des moteurs. Au décollage et à l’atterrissage, sur ordre, je manœuvre, les volets d’intrados, je coupe le moteur central quand on est posé et que le zing roule sur la piste. Aux escales j’assure les réparations s’il y a lieu, je veille aux pleins d’essence, je refais le plein d’air comprimé et des réservoirs d’essence, j’assure la propreté du poste de pilotage et des vitres avant qui sont continuellement salies par la graisse provenant des chapeaux de culbuteurs du moteur central, etc.…
Quand nous sommes à Tananarive et que j’ai besoin d’aide ou de conseils pour certains travaux qui me dépassent parfois je m’en vais voir le chef mécanicien d’Air France, un monsieur d’une quarantaine d’années, dont l’expérience m’a été très profitable. J’en avais besoin !
Il est arrivé qu’en vol, le LV LANGLOIS, seul pilote ce jour là, me confie le manche pour le maintien de la stabilité latérale et longitudinale, la route étant confiée au pilote automatique directionnel, le seul sur JU52. Il revenait de temps à autre pour effectuer une correction de dérive et retournait parler à l’amiral : vous avez vu mon mécanicien ! J’étais fier comme Artaban ; seul le radio Roland Duché maugréait : Il nous fera casser la gueule ce c… là !
Ce poste privilégié me vaut de parcourir toute l’île et d’en découvrir bien des aspects : Tananarive, Tamatave, Ambilobe, Majunga, Nosy Be, Fort Dauphin, Tuléar, Ampanihi…
Le 1er juillet 1950 je suis promu au grade de quartier maître de 1ère classe (crabe chouf en argot mataf !)
Le 20 juillet, mon engagement tirant à sa fin je rentre en France à bord du s/s Eridan, paquebot mixte avec des cheminées carrées. Voyage sans histoire, j’ai du acquérir un peu le pied marin car malgré une mer assez grosse au large de Gardafui je résiste au mal de mer. Escales à Mombassa et à Djibouti où nous récupérons des marins de retour d’Indochine, leur rafiot étant en panne.