L'est des îles Tuamotu est soumis presque en permanence à un régime de vents alizés.
Ces vents réguliers qui soufflent sur la région sont provoqués par les hautes pressions de l'anticyclone dit : de l'île de Pâques.
Celui-ci se prolonge en direction de l'archipel par une dorsale qui est, peut-on dire, un appendice de cette vaste zone de pressions élevées.
Les vents qui en résultent soufflent sur ces îles de Polynésie française de secteur Est en moyenne, en oscillant entre les directions est-nord-est et est sud-est.
L'anticyclone de l'île de Pâques est un anticyclone permanent qui s'installe sur l'Océan Pacifique Sud ; il est dynamique, nous disent les météorologues, car il découle de phénomènes engendrés par la rotation terrestre.
Si les pressions sont donc très élevées dans sa partie Est, par contre, elles y sont moindres dans l’Ouest du Grand Océan.
Cet anticyclone est formé de masses d'air chaud, il se renforce avec l'altitude par rapport au champ de pressions moyennes.
La terre, qui fait un tour sur elle-même en vingt-quatre heures, induit une force centrifuge puissante à l’Équateur où la vitesse d'un point fixe est considérable et atteint presque mille sept cents kilomètres à l'heure.
Cette force centrifuge diminue avec la latitude, elle devient nulle au pôle.
Elle est donc proportionnelle au cosinus de la latitude : cosinus zéro degré = un ; cosinus quatre-vingt-dix degrés = zéro.
Ce rapide déplacement du globe tournant sur lui-même est insensible pour l'homme puisque tout corps qui se trouve sur un mobile acquiert l'accélération qu'a prise ce mobile.
[page]Un homme situé à l’Équateur se déplace donc à cette vitesse importante sans en ressentir le moindre effet.
Par contre, le mouvement d’une personne qui stationnerait debout, aux pôles Nord ou Sud, se bornerait à exécuter une rotation sur place, lentement, un tour complet en vingt-quatre heures.
Dans les deux cas, on ne s’en rend compte qu’uniquement en observant le mouvement des astres qui semblent tourner autour du globe.
La puissante force centrifuge qui existe de part et d'autre de l’Équateur à pour effet permanent de projeter vers l'espace les masses d'air qui enveloppent le globe terrestre, amenant une diminution marquante de la pression atmosphérique dans ces régions, en créant ainsi une ceinture dépressionnaire tout autour de la terre.
Mais, ces masses d'air soulevées, qui vont devenir très nuageuses, ne peuvent pas échapper à l'attraction terrestre, elles s'en vont retomber aux latitudes tropicales où la force centrifuge a déjà moins de puissance : c'est le phénomène de l'affaissement.
En ces lieux, les pressions vont donc augmenter, la compression des masses d'air qui redescendent amène un réchauffement et on assiste alors à la disparition des nuages et à la formation des anticyclones subtropicaux.
Ces masses d'air anticyclonique donnent naissance à des vents réguliers : les alizés ; elles s'en retournent alors vers les régions instables ou elles seront bientôt reprises dans le circuit généré par la force centrifuge et projetées de nouveau en altitude.
Si la zone dépressionnaire équatoriale entoure parfaitement le globe, il en est loin d'être de même pour la zone des hautes pressions subtropicales qui n'est parfaite que pour les valeurs moyennées.
[page]D'un jour à l'autre, d'une semaine à l'autre, d’une saison à l’autre, des changements importants apparaissent dans leur valeur, elles peuvent même passer au-dessous de la moyenne, qui est de mille treize hectopascals - l’unité de pression que l'on appelait encore il y a peu de temps le millibar.
De ce fait, et aussi du fait de certaines influences continentales, elles sont fractionnées en puissantes masses d'air chaud appelées anticyclones ou encore cellules anticycloniques.
Dans l'hémisphère Nord, le plus connu de ces anticyclones est celui des Açores.
Dans l'Océan Pacifique, aux latitudes identiques, se forme l'anticyclone des îles Hawaii.
Si nous passons dans l'hémisphère Sud, nous rencontrerons le symétrique de celui des Açores qui est l'anticyclone de Sainte-Hélène et symétriquement à Hawaï se présentera l'anticyclone de l'île de Pâques ; celui-ci est relié à une zone de hautes pressions de stabilité moindre située entre les îles Cook et la Nouvelle-Zélande.
Des hautes pressions dynamiques sont également présentes sur l'Océan Indien : c'est l'anticyclone des Mascareignes ; il n'a pas de correspondant dans l'hémisphère Nord car il se trouve en phase avec le continent asiatique, qui est recouvert l'hiver par un puissant anticyclone froid provoqué par l’intense refroidissement hivernal et, qui fait place l'été, à une immense zone dépressionnaire thermique engendrant la mousson d'été.
Les vastes cellules anticycloniques chaudes ont donc une origine totalement différente de celle des anticyclones froids qui trouvent la leur dans le refroidissement des masses d'air par la base.
Ces derniers subsistent dans les régions très froides et presque toujours continentales ; ils s'affaiblissent puis disparaissent bientôt avec l'altitude, pour faire place à une dépression.
[page]L'exemple nous en est donné par les hautes pressions présentes au-dessus de chaque pôle et par l'anticyclone russo-sibérien pendant l'hiver boréal.
Plus haut en latitude que les anticyclones chauds dynamiques, dans l'un comme dans l'autre hémisphère, se trouvent de vastes dépressions permanentes et dynamiques également, dépressions froides qui se renforcent en altitude.
Elles sont engendrées par les conflits provoqués par la rencontre entre les masses d'air chaud décrites ci-dessus et les masses d'air froid polaire.
Dans l'hémisphère Nord, nous rencontrons ainsi la dépression d'Islande qui est responsable des hivers doux ou bien des étés pourris que nous pouvons parfois supporter sur la France et sur l'Europe occidentale ; dans le Pacifique, la dépression des Aléoutiennes est sa correspondante aux mêmes latitudes.
Dans la moitié Sud sévissent les dépressions de Nouvelle-Zélande, des Kerguelen, des Falklands ou Malouines.
Ces zones de hautes et de basses pressions, qui recouvrent des aires géographiques considérables, et qui découlent comme nous l'avons signalé de la rotation du globe sont appelées : centres d'actions.
La direction des courants atmosphériques qu'ils provoquent, des perturbations qu'ils engendrent, selon l'emplacement de leur centre, sont responsables du temps qu'il peut faire en divers lieux de la terre.
Les contacts qui existent entre les masses d'air de caractère si différent créent de violents conflits sur leurs limites : ceux-ci sont matérialisés par des surfaces de discontinuités mobiles s'étendant du sol en altitude et appelées surface frontale.
L'intersection de l'une de ces surfaces avec le sol est appelée front.
On a affaire à un front froid s'il s'agit du déplacement d'une masse d'air froid vers l'air chaud ; on a affaire à un front chaud dans le cas inverse.
[page]Ces limites permanentes sont appelées fronts polaires par les météorologistes.
Elles font, elles aussi, le tour de la terre.
Elles se brisent en plusieurs tronçons et oscillent beaucoup en latitude.
Elles sont toujours accompagnées de perturbations très actives qui se déplacent, dirigées le plus souvent par les courants d'altitude.
Sur ces limites se déclenchent tous les phénomènes atmosphériques possibles : nuages de tout genre, de la pluie, de la neige, des orages de grêle, des vents violents, etc.
Dans les régions tropicales et équatoriales, les contacts qui existent entre les masses d'air constituant les anticyclones chauds circulant sous forme de vents alizés et l'air équatorial encore plus chaud et très humide peuvent provoquer la formation d'une surface frontale appelée front des alizés.
C'est sur le front des alizés que se développent le pot au noir et les cyclones tropicaux, ces derniers étant les phénomènes atmosphériques les plus dangereux et les plus catastrophiques et meurtriers qui se produisent sur la terre.
D'une façon générale, les îles Tuamotu restent en dehors de l'action de ces terribles phénomènes qui naissent dans la zone équatoriale, vers le dixième degré de latitude Sud, pour ce qui est de la région concernée dans ce chapitre.
Normalement, ces cyclones, sauf exception dont nous parlerons, ne se forment pas dans le secteur qui s'étend de l'Amérique du Sud jusqu'à une longitude avoisinant les dix degrés au-delà des îles Marquises, c'est-à-dire vers le cent cinquantième méridien à l'Ouest de Greenwich ; la dorsale émanant de l'anticyclone de Pâques - une dorsale étant une crête de hautes pressions - et qui recouvre toute cette région empêche leur naissance et interdit le passage de ceux qui se forment en d'autres lieux.
[page]Je pense qu’il n’en a pas toujours été ainsi au cours de l’histoire de la Terre.
Par contre, ces violentes tempêtes sévissent souvent des îles de la Société à l'archipel des Australes.
De leur lieu d'origine, aux environs des Fidji, ils font lentement route en se creusant et atteignant leur intensité maximum entre le dixième et le vingt-cinquième degré de latitude Sud.
Ils trouvent leur chemin dans les zones de faiblesse des hautes pressions et au-dessus des plages d'eau les plus chaudes, donc les plus aptes à les approvisionner en humidité à cause de l'importante évaporation qui existe sous les tropiques.
Ils se dirigent vers le sud-ouest, puis vers le sud-est, et souvent avec assez de caprices, zigzaguant, pouvant rebrousser chemin pendant quelques heures, ravageant, et même à plusieurs reprises, les îles rencontrées, en submergeant avec violence les terres basses.
En fait, comme expliqué dans le chapitre précédent, les atolls existent parce que dans cette région se forment des cyclones.
Ce sont les grandes houles cycloniques qui entassent les matériaux de démolition sur la circonférence de l'île en cours d'enfoncement qui en sont la cause.
S'il est bien vrai qu'à l'époque historique les cyclones sont rares dans les Tuamotu et que leur fréquence décroît de l'Ouest vers l'Est.
Il est impossible de dire si dans le passé ces phénomènes étaient monnaie courante.
Fréquents ou rares, ils ont toujours été suffisamment puissants pour construire les atolls.
Mais, il y a des exceptions, et leur fréquence est inconnue et imprévisible, nous avons pu le voir pendant l’été austral 1982-1983 où la Polynésie française a essuyé sept cyclones et dépressions tropicales, une période pendant laquelle les îles Tuamotu ont été ravagées.
Plusieurs atolls ont été totalement détruits et même doublement détruits, le terrible tourbillon cyclonique ayant fait demi-tour [page]!
La cause de ces exceptions, la formation de cyclones qui dévastent les îles Tuamotu, s'explique par un affaiblissement de l'anticyclone de l'île de Pâques dans sa partie Nord, appelé la « Southern Oscillation ».
Ce phénomène commence à être connu mais pour le moment il n'est pas encore prévisible ; un signe précurseur est la naissance du courant marin chaud qui se dirige d'ouest en est, aux latitudes tropicales, vers les côtes du Pérou, appelé « el Nino », car il se forme dans les moments de Noël ; c'est donc le courant de l'Enfant-Jésus.
Sa formation, son arrivée, c'est la ruine des pêcheries d'anchois, des poissons dont les côtes péruviennes sont si riches, et qui foisonnent dans les eaux fraîches du courant de Humbolt, un courant froid, qui longe les côtes du Chili du Sud au Nord, et qui va alors disparaître dans son cours tropical pendant la durée du phénomène.
Comme nous l'avons dit, en l'absence de toute anomalie, les hautes pressions de Pâques dirigent vers la Polynésie un flux d'alizé de secteur est permanent ; en effet, si dans un anticyclone de l'hémisphère Nord, les vents tournent dans le sens des aiguilles d'une montre, c'est l'inverse qui se produit pour les hautes pressions du Sud du globe.
Ces vents réguliers exercent sur l'océan une force qui engendre le courant équatorial de même direction, qui s'établit dans le prolongement du courant froid de Humbolt et qui acquiert une vitesse modérée.
Mais, comme tout corps mobile à la surface de la terre, les masses liquides en mouvement sont soumises à la force de Coriolis, cette force qui dévie tout mobile vers la droite dans l'hémisphère Nord et vers la gauche dans l'hémisphère Sud.
[page]Ainsi, les eaux de ce courant équatorial, dans leur lent mouvement vers l'ouest, sont donc déviées vers leur gauche.
Une compensation de volume se fait par la remontée, au niveau de l'équateur, des eaux venues des profondeurs et plus fraîches qui prennent la place de celles qui sont déviées : c'est le phénomène d'upwelling.
Il se trouve de ce fait, que dans la zone équatoriale soumise aux vents levés par ces hautes pressions, les eaux sont plus fraîches qu'un peu plus au Sud, dans la direction du tropique.
En effet, entre l’Équateur et les îles Marquises, la température des eaux de surface ne dépasse pas 24 degrés.
Les masses océaniques qui baignent les îles de la Société dont fait partie Tahiti, ainsi que l'archipel des Tuamotu se trouvent élevées à des températures de 27 à 28 degrés, parfois plus.
Comme les cyclones puisent leur énergie dans les eaux très chaudes de l'océan, ils ne pourront donc pas se former du côté des Marquises, et ils ne se dirigent pas vers ces eaux fraîches.
Mais, quand se manifeste la « Southern Oscillation », le courant alizé disparaît dans les régions proches de l’Équateur, depuis l'Amérique du Sud vers les Marquises ; le courant équatorial qu'il provoque s’efface, lui aussi, ainsi que la remontée des eaux froides, l'upwelling qui lui est associé.
Alors, la mer commence à emmagasiner, comme partout ailleurs, les calories dispensées généreusement par le soleil tropical et équatorial ; elle va se réchauffer en surface comme en profondeur, jusqu'à atteindre 30 degrés en surface autour de cet archipel.
Les cyclones pourront donc se former.
C'est bien ce phénomène qui s'est produit pendant la saison 1982-1983 : cyclone Lisa en décembre 1982, Nano en janvier 1983, Orama en février, Reva en mars etc.
Il s'est sûrement produit le même phénomène en 1903, quand plusieurs cyclones ont ravagé les îles Tuamotu.
Nous avons suivi dans un autre texte, Faumea, qui racontait au personnel de la station météorologique ce que lui avait appris son grand-père sur le passage de l'un d'eux à Reao, un phénomène qui détruisit tout sur l'atoll les 12 et 13 février 1903.
[page]Vingt-cinq ans plus tôt, 1878 fut une année également catastrophique et probablement pour la même raison : ce phénomène d'échelle planétaire qu'est la Southern Oscillation.
Les cyclones reviendront sur les Tuamotu c'est sûr, mais pour le moment c'est imprévisible, on ne peut que faire face à leur arrivée.
Actuellement les services météorologiques ne disposent d'aucun modèle de calcul permettant de les prévoir.
Du reste ce n'est peut-être pas tellement utile puisque maintenant, grâce au satellite géostationnaire on voit venir ces tempêtes.
De là-haut, aux environs de 36.000 kilomètres, cette merveille de technique veille.
Lors de la saison cyclonique polynésienne des années 80, on vit très bien sur les îles Marquises, avec ces procédés nouveaux, le pot au noir qui chauffait et qui chauffait, donnant sur ces régions plus de pluies en un mois qu'il en tombait habituellement en un an ! avec toutes les calamités qui survenaient, liées aux torrents de montagnes, aux éboulements et aux glissements de terrain.
Ces amoncellements de nuages, lieu de confrontations entre des masses d'air possédant des caractéristiques très différenciées et bien sûr antagonistes, allaient bientôt donner naissance à une dépression tropicale puis à un cyclone, matérialisé à ce moment-là par l'apparition de son œil : un point noir et inquiétant vu de là-haut, bien distinct sur les photos transmises régulièrement et reçues au centre météo (1).
Aidés par ces clichés, les services de la météorologie peuvent donc suivre le déplacement du terrible tourbillon qui est généralement lent : son déplacement est de deux à dix kilomètres heures environ, mais en tournant sur lui-même jusqu'à dépasser trois cents kilomètres heures pour les plus violents.
Les autorités civiles ont le temps de prendre les mesures qui s'imposent pour la protection des populations et des biens.
Mais en dehors de ces très rares moments, qu'il fait bon vivre à Reao ! et d'ailleurs, comme sur tous les autres atolls de l'Est.
[page]Le jour se lève aux environs de six heures d'un bout à l'autre de l'année.
Il naît rapidement sous les tropiques ; en quelques minutes la nuit lui cède sa place ; le soleil s'élance presque verticalement dans le ciel.
En France, pour effectuer une comparaison : à une latitude d'environ quarante-cinq degrés, l'astre diurne s'élève en oblique, et de plus en plus en oblique si l'on se déplace vers le nord.
Le jour y est donc bien plus long à paraître et d'autant plus long que le ciel est nuageux ; par ciel clair, il faut plus d'une heure pour passer des premières lueurs du jour naissant au lever du soleil.
A la latitude des Tuamotu, la durée de la journée ne varie guère ; le soir, la nuit tombe vers dix-huit heures.
Le phénomène inverse de celui du matin se reproduit ; quelques minutes après la plongée de l'astre derrière la ligne d'horizon et après avoir admiré le fugitif rayon vert, la nuit est là.
Aux îles Tuamotu, les nuits sont très longues, l'éclairage, qui n'est le plus souvent que la seule lampe à pétrole qui éloigne les fantômes, fonctionne pendant onze à douze heures toute l'année.
(Maintenant, ils ont l’électricité, mais la nuit, il garde à poste le mori tei tei, la lampe à pétrole).
Chaque matin donc, quand le soleil apparaît, il embrase l'Est et illumine bientôt tout l'espace.
Un beau ciel bleu se présente dans lequel filent, poussés par l'alizé, quelques petits cumulus peu développés verticalement.
Le soir, l'astre disparaît en incendiant l'Ouest et le sommet des cumulus qui, le plus souvent, sont un peu plus nombreux et plus massifs que ceux du matin ; dans cette direction sont parfois présents quelques bancs d'alto cumulus, ce sont les restes de mauvais temps lointains qui n’est pas venu jusqu’ici ; ces nuages élevés qui se meuvent vers le nord-est sont en voie de désagrégation.
Pendant tout le jour, l'alizé bien établi a soufflé de secteur est, à une vitesse comprise entre quinze et trente kilomètres heures.
[page]Avec la nuit qui tombe, le temps ne va pas changer, le vent va diminuer un peu en force et les cumulus invisibles vont continuer leur course dans le ciel.
Les nuits éclairées par la lune seront très lumineuses, les cumulus réfléchissent sa lumière mais parfois ils la masquent s'ils sont épais ; les palmes des cocotiers agitées par le vent et qui bruissent d'un léger bruit métallique renvoient parfois quelques éclats.
Un trouble indéfinissable frisant l'émoi saisit l'européen qui peut se trouver à flâner seul dans le sous-bois.
Ce vent est doux, très supportable à terre ; c’est avec étonnement que l’on constate, bien que nous soyons en plein milieu de l’océan, que la masse d'air est peu humide ; l'humidité relative s'abaisse parfois jusqu'à cinquante pour cent.
Les eaux évaporées sont rapidement projetées en altitude, cette vapeur se condense bientôt, formant les cumulus dont la base se mesure vers 500 à 800 mètres.
Du fait de l'humidité relative faible oscillant entre 50 et 75 pour cent, le climat de ces îles est très salubre.
Quand souffle l'alizé et qu’il y est exposé, l'homme n'est jamais en sueur, hormis par efforts violents ; à cette occasion, la sueur dégagée est bientôt évaporée.
En mer ce vent régulier lève une houle parfois importante, il peut générer des creux atteignant trois mètres, ce qui correspond pour les marins à état de la mer force cinq.
Les goélettes qui effectuent les liaisons inter insulaires souffrent de l’état de la mer quand elles font cap à l'est. Les capitaines doivent assez souvent en limiter la vitesse s'ils ne veulent par avoir de casse à bord, car les vagues levées sont courtes et brutales.
Par ce type de temps, la visibilité est excellente, les mâts d'un bâtiment qui peut se trouver derrière la ligne d'horizon sont nettement visibles.
Il n'y a pas de saisons marquées sur les atolls de l'Est : brouillard, neige, givre, verglas, grêle, tous ces hydrométéores qui, en d’autres lieux, compliquent l'existence humaine, sont inconnus, et d'une façon générale il en est de même dans toute la Polynésie française.
Du brouillard a été signalé aux environ de Mururoa en 1973, je crois ; c'est un cas exceptionnel et Mururoa est déjà bien au [page]Sud.
De la grêle tombe parfois sur les îles Gambier, mais là, nous sommes juste sur le tropique du Capricorne qui frôle le Sud de ce petit archipel.
La météorologie journalière frise la monotonie ; aussi, les nostalgiques des couleurs automnales et des frimas, les adeptes des champs de neige, du patinage ou du ski, sont bien malheureux dans les îles polynésiennes. A Reao, pendant tout le cours de l'année, la température matinale est comprise entre 15 et 21 degrés, on constate que l'amplitude est bien faible.
La température maximum atteinte dans la journée sera comprise entre 33 et 28 degrés ; là encore, l'écart est peu important.
Cette température étant mesurée réglementairement sous abri ventilé par des persiennes.
Les quarante ou cinquante degrés à l'ombre que nous signalait dernièrement feu le comédien Carlos à Rangiroa, dans son spot publicitaire pour « Orangina », n'existent pas aux îles Tuamotu ; et le grand atoll Rangiroa fait partie de cet archipel.
Parfois dans le flux d'alizé, quelques cumulus ont un développement plus important sous l'effet de masses d'air convergentes, ils donnent quelques averses soudaines, brèves et passagères puisqu'elles se déplacent à la même vitesse que le vent, elles sont accompagnées de rafales pouvant dépasser soixante kilomètres heures.
Comme l'eau est rare, si l'une de ces précipitations survient pendant la journée, elle est la bienvenue et l'on en profite pour prendre une douche, en se savonnant et en se rinçant sous les gouttières qui peuvent ne pas être reliées aux citernes.
Ces averses, qui sont formées de grosses gouttes, provoquent un tintamarre soudain sur les toitures en tôles des bâtiments ; un bruit qui, la nuit, réveille tous les dormeurs.
Ce vacarme s'arrête aussi brusquement qu'il s'est manifesté, l'averse étant terminée, le nuage poursuivant sa course ; il suffit alors de se retourner sur l’autre côté pour se rendormir.
[page]Le lendemain matin, le sol est aussi sec que s'il ne s'était rien passé.
Les tsunamis sont des raz-de-marée provoqués par des tremblements de terre sous-marins, les eaux montent apparemment sans raison, puisque le séisme peut avoir eu lieu à des milliers de kilomètres de là, mais elles peuvent tout submerger avec brutalité.
Il existe de nos jours des réseaux de surveillance et des systèmes d'alertes permettant de protéger les populations et leurs biens.
Il arrive parfois - et cela se produit quatre à cinq fois dans l'année - qu'une perturbation venant du sud-ouest se fasse sentir jusqu'à Reao et donne d'importantes pluies ; il est vrai qu'à cette occasion il est possible de récolter exceptionnellement 200 à 300 millimètres d'eau lors du passage de l'une d'entre elles.
La venue d'une perturbation, qui peut atteindre l’atoll principalement pendant les mois frais, vient rompre la monotonie du régime des alizés.
Les météorologistes du Centre d'expérimentation appellent ces lignes frontales : limites pseudo polaires intertropicales
(2). Quand elles s'approchent, on peut y voir, de nuit et de loin, de nombreuses manifestations orageuses.
Quelques heures plus tard, en abordant notre l'atoll Reao, l'activité orageuse à considérablement diminué ; et même si la pluie est encore importante, toute la vigueur de cette perturbation est en cours d'atténuation dans son mouvement vers le nord-est, car elle vient buter sur les hautes pressions de la dorsale de l’anticyclone de Pâques qui la font se désagréger.
Ce qui fait que les orages sont rares à Reao, on y entend le tonnerre une dizaine de jour par an au grand maximum.
(Dans la photo ci-dessus, message 653, le ciel est couvert par les restes d’une de ces perturbations en voie de désagrégation).
Mais ce phénomène pluvieux est exceptionnel et la population a alors la chance de voir se remplir les citernes du village.
Elles sont couvertes en tôles et reliées par des tuyaux aux quelques toitures formées du même matériau.
Il en est de même à la station météorologique ; les jours de pluie deviennent des jours fastes sur un atoll.
La moyenne des eaux de pluies récoltées en une année à Reao est d'environ un mètre vingt de hauteur.
Ces eaux s'en vont dans le sol, et au contact du platier bétonné, forment la nappe phréatique appelée la lentille de Ghyben-Hertzburg.
C'est de cette nappe que les fillettes prélèvent l'eau pour les besoins ménagers, excepté pour ceux de la cuisine et pour la boisson.
Par régime d'alizé fort la mer est agitée, quelquefois très agitée, nous avons dit mer force 5.
Les vagues levées viennent se briser brutalement sur la bordure exposée de l'atoll.
Dans l'action, elles s'amortissent sur le platier en provoquant toutefois des nuages d'embruns importants qui parfois saturent totalement l'atmosphère environnante.
[page]A Puka Puka, la station météo est construite au bord de l'océan exposée à l'alizé.
L'un des bâtiments était situé en plein vent et directement soumis aux effets des embruns.
L'avantage en résultant était qu'aucun moustique ne pouvait venir jusque là chahuter les dormeurs.
Le lagon de Reao subit lui aussi les effets du vent fort et en fonction du secteur d'où il souffle.
Quand il est établi dans l'axe du plan d'eau, après quelques dix à douze kilomètres de course sur sa surface, des vagues d'un mètre sont monnaie courante ; elles atteignent plus de deux mètres de hauteur par fort alizé après une course de 18 à 20 km.
A Gake, son rivage étant situé à l'abri de ce courant d'est, c’est un lieu édénique où les eaux sont très claires et le soleil généreux.
Il fait bien bon s'y prélasser, bercé par le bruissement des palmes agitées par le flux de vent qui, venant du large buter sur le faible obstacle que forme la bordure rocheuse extérieure de l'atoll, après avoir « enjambé » la cocoteraie, s'en va retomber quelques vingt mètres plus loin pour reprendre sa course au travers de cette petite mer intérieure et la peupler de moutons blancs.
Notes :
1- Le phénomène « El Nino » est reparu pendant l'hiver boréal 1997-1998.
Des catastrophes ont eu lieu en divers points du Globe dans les zones équatoriales et tropicales : incendies de forêts, inondations, cyclones, coulées de boue.
Parmi les pays les plus touchés, il faut noter : le Nicaragua, le Honduras et le Guatemala.
2- Cauchard et Inchauspé ; dans : « La Météorologie », numéro spécial « Météorologie tropicale » du 6 septembre 1976.
André Pilon