Ainsi, pour une fois,Je n'ai donc pas eu à me lever, avant 06h00, brutalement réveillé par ce détestable klaxon de "poste de combat ASM".
Aujourd'hui, je ne suis pas passé par mon habituel et familier petit point d'observation ; à savoir, l'aileron tribord, juste en dessous de la passerelle découverte.
Pourquoi ?...
C'est l'endroit où, quelque soit le temps, je peux juger, par moi-même, de l'état de la mer ; j'adore ce moment-là.
Je gagne donc directement le PC ASM et prends place à mon poste, en face du "DUBV" (sonar de veille), dans la demi-pénombre.
Ici, il n'y a pas de hublots ; mais, à en juger par les sauts que fait notre navire, j'en conclue que les flots n'ont pas retrouvé leur calme.
Midi arrive sans incident, et, avec lui, la fin de mon quart.
Il me semble bien, alors que je descends pour prendre l'air sur le pont, que le reoulis et le tangage ont disparu.
Ce n'est pas une illusion ; nous sommes dans un grand golfe (en fait, Saint Florent) balayé par un fort vent venant de la mer, mais il n'y plus de grandes lames, seulement un grand clapot.
Comme j'ai une petite demi-heure, avant d'aller déjeuner ; je ne vais, certes, pas me priver d'assister à la manœuvre qui se déroule en ce moment.
En fait, il s'agit de prendre un poste de mouillage ; mais, sous l'effet du vent, le bâtiment tire sur la ligne d'ancrage et l'ancre dérape, nous obligeant à répéter l'opération, plusieurs fois de suite.
"Larguer l'ancre" ; plouf ! elle plonge.
"Donnez du mou" ; nous culons, bout au vent.
"Raidissez" ; nous devrions empanner, mais nous culons encore.
Belote, rebelote ; belote, rebelote...
Les fonds sont sableux ; ce qui explique cela.
Je suis accoudé à la filière du roof tribord, quand j'entends de grands cris à babord.
Je m'y précipite et je constate que nous sommes pratiquement bord à bord avec le "Gustave Zédé", le navire base des sous-marins.
Comment a-t-on bien pu en arriver là ?
Car, sous l'emprise du vent, nous continuons inexorablement de nous rapprocher de lui ; lentement, mais sûrement.
Déjà, les manœuvriers s'activent à disposer des pare-battages le long de la coque, et ceux d'en face en font autant.
Mais il est déjà trop tard ; il y a un sinistre craquement, et..., et...
Et la baleinière éclate littéralement, coincée, qu'elle est maintenant, entre les hautes superstructures du "Tatave" et les bras de ses bossoirs.
Elle était bien sagement suspendue au bout de ses filins, à demi parée pour sa mise à l'eau ; arrêtée, juste à mi-chemin de sa descente.
alors, les deux coques se touchent ; mais presque en douceur.
Merci, brave petite baleinière qui s'est sacrifiée pour éviter le pire.
Brooom ! Brooom ! la machine se remet en route et nous nous éloignons, enfin, pour trouver un autre mouillage.
Cette fois, nous allons aller loin, bien loin de tout autre voisin et nous réussirons à crocher dans du dur.
"Stoppez les machines" ; ouf ! tout est bien qui finit (presque) bien.
Tout , Mais pas pour le Premier Maître Bosco, qui reste là, les bras ballants, contemplant le désastre, avec, au coin de l’œil, une larme furtive.
C'est bien la seule fois de ma vie où j'aurai vu un OM pleurer.
De son cher joujou, il ne reste rien, sinon un vilain tas de bois sur le pont.
Pauvre homme ; comme il l'aimait, sa baleinière...
De sa baleinière, il ne reste pas grand-chose ; un tas de bois, en fait.
Xavier MONEL